La douleur a fondu sur ma chair. La douleur
A passé renversant mon cerveau d’un coup d’aile.
Et je me suis battu seul à seule avec elle
Toute la nuit, sans voir, comme avec un voleur.
Et me voilà gisant mais je ne suis pas mort
Prends garde à toi, douleur, à peine est-ce une trêve
Prends garde à toi, douleur, déjà je me relève
Prends garde à toi, demain, je serai le plus fort.
La douleur m’a jeté garrotté dans sa forge
Elle m’a retourné les deux yeux à l’envers
Pour m’empêcher d’y voir elle a tordu mes nerfs
Pour m’étrangler comme des cordes à ma gorge.
Prends garde à toi ! Je t’empoignerai par les ailes,
Je te les casserai comme un bout de bois sec
Et les petits enfants s’amuseront avec
Je te les briserai ces deux poignets rebelles
Et partout où j’irai tu iras me suivant
Aussi loin qu’à mon gré je voudrai t’y contraindre
et les maisons la nuit t’écouteront te plaindre
Comme un aigle blessé qui lutte avec le vent.
Je brûlerai tes yeux pour éclairer mon livre
Je marcherai sur toi comme sur un chemin
Ton sang j’en ferai boire à tout le genre humain.
Je le lui servirai jusqu’à ce qu’il soit ivre.
Pour m’élever au ciel j’ouvrirai pas à pas
Dans ta chair les degrés d’une échelle vivante,
Je te commanderai, tu seras ma servante
Et quand je te crierai : « Chante ! » tu chanteras. »
(Marie Noël)
Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Editions: Gallimard
Rédaction tirée
du Mont de la Perfection
ou Mont Carmel
dessiné par saint Jean de la Croix
Pour parvenir au tout
Pour parvenir à ce que tu ne sais pas,
tu dois aller par où tu ne sais pas.
Pour parvenir à ce que tu ne goûtes pas,
tu dois aller par où tu ne goûtes pas.
Pour parvenir à posséder ce que tu ne possèdes pas
tu dois aller par où tu ne possèdes pas.
Pour parvenir à ce que tu n’es pas
tu dois aller par où tu n’es pas.
Pour avoir tout
Pour parvenir à tout savoir,
ne veuille rien savoir rien
Pour parvenir à tout goûter
ne veuille rien goûter en rien.
Pour parvenir à tout posséder,
ne veuille en rien posséder rien.
Pour parvenir à être tout,
ne veuille en rien n’être rien.
Pour ne pas empêcher le tout
Quand tu te fixes sur quelque chose,
tu cesses de te jeter dans le tout.
Car, pour parvenir en tout au tout,
tu dois tout entier te laisser en tout,
et quand tu parviendras à tout avoir en tout,
tu dois l’avoir sans rien vouloir.
Car si tu veux avoir quelque chose en tout,
tu n’as pas un pur trésor en Dieu.
Signe que l’on possède tout
En ce dénuement l’esprit
trouve sa quiétude et son repos
car, comme il ne convoite rien, rien
ne le tire vers le haut
et rien ne le pousse vers le bas, il est
au centre de son humilité.
Car quand il convoite quelque chose,
en cela même il se fatigue.
***
Para venir a gustarlo todo
Redacción sacada
del Monte de Perfección
o Monte Carmelo
dibujado por san Juan de la Cruz
Modo para venir al todo
Para venir a lo que no sabes
has de ir por donde no sabes.
Para venir a lo que no gustas
has de ir por donde no gustas.
Para venir a poseer lo que no posees
has de ir por donde no posees.
Para venir a lo que no eres
has de ir por donde no eres.
Modo de tener al todo
Para venir a saberlo todo
no quieras saber algo en nada.
Para venir a gustarlo todo
no quieras gustar algo en nada.
Para venir a poseerlo todo,
no quieras poseer algo en nada,
Para venir a serlo todo,
no quieras ser algo en nada.
Modo para no impedir al todo
Cuando reparas en algo,
dejas de arrojarte al todo.
Porque, para venir del todo al todo,
has de dejarte del todo en todo,
Y cuando lo vengas del todo a tener
has de tenerlo sin nada querer.
Porque, si quieres tener algo en todo
no tienes puro en Dios tu tesoro.
Indicio de que se tiene todo
En esta desnudez halla el
espíritu su quietud, y descanso,
porque como nada codicia, nada
lo impele hacia arriba, y nada
lo oprime hacia abajo, que está
en el centro de su humildad.
Que cuando algo codicia,
en eso mismo se fatiga.
(Saint Jean de la Croix)
Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen
La voix de la cigale a résonné du côté de la route occidentale ;
Elle jette dans une rêverie profonde l’hôte qui porte une coiffe du sud.
Comment supporterais-je patiemment la vue de ce frêle insecte,
Qui vient, tout près de ma tête blanche, répéter son chant douloureux !
La rosée, trop lourde pour ses ailes, appesantit sa marche, et l’empêche de prendre son vol
Le vent, qui souffle avec violence, emporte ses cris étouffés.
Les hommes ne veulent pas croire à ce qu’il y a de pur et d’élevé dans le secret de son existence
Puis-je espérer qu’il s’en trouve un, pour faire connaître à tous ce que renferme mon coeur
(Luo Binwang)
(milieu du VIIe-début du VIIIe siècle)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Cet arbre est depuis peu de vos amis.
Vous reconnaissez vos amis
à ce qu’ils ne vous empêchent pas d’être seul,
à ce qu’ils éclairent votre solitude
sans l’interrompre.
Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de promesse
Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaine
A, comme l’océan, son flux et son reflux,
Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,
Ou je me vais résoudre à ne la souffrir plus.
Vos yeux ont des appas que j’aime et que je prise.
Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté :
Mais pour me retenir, s’ils font cas de ma prise,
Il leur faut de l’amour autant que de beauté.
Quand je pense être au point que cela s’accomplisse
Quelque excuse toujours en empêche l’effet ;
C’est la toile sans fin de la femme d’Ulysse,
Dont l’ouvrage du soir au matin se défait.
Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire
De me l’avoir promis et vous rire de moi.
S’il ne vous en souvient, vous manquez de mémoire
Et s’il vous en souvient, vous n’avez point de foi.
J’avais toujours fait compte, aimant chose si haute,
De ne m’en séparer qu’avecque le trépas
S’il arrive autrement ce sera votre faute,
De faire des serments et ne les tenir pas.
(François de Malherbe)
Recueil: Poèmes par coeur
Traduction:
Editions: Seghers
Le nom le plus doux que j’ai jamais entendu :
Maria, Maria, Maria, Maria…
Toutes les mélodies du monde réunies en un seul mot…
Maria, Maria, Maria, Maria…
Maria !
Je viens de rencontrer une fille qui s’appelle Maria,
Et soudain, ce nom
Ne sera plus jamais le même
Pour moi.
Maria !
Je viens d’embrasser une fille qui s’appelle Maria,
Et soudain je réalise
À quel point un nom
Peut être beau
Maria !
Crie-le, et cela devient une musique
Murmure-le, c’est presque une prière.
Maria,
Je ne peux pas m’empêcher de répéter son nom !
Le plus beau nom que j’ai jamais entendu.
Maria.
***
Maria …
The most beautiful sound I ever heard:
Maria, Maria, Maria, Maria …
All the beautiful sounds of the world in a single word . .
Maria, Maria, Maria, Maria …
Maria!
I’ve just met a girl named Maria,
And suddenly that name
Will never be the same
To me.
Maria!
I’ve just kissed a girl named Maria,
And suddenly I’ve found
How wonderful a sound
Can be!
Maria!
Say it loud and there’s music playing,
Say it soft and it’s almost like praying.