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Poésie

Posts Tagged ‘pointe’

L’univers s’explore lui-même (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2024




    
L’univers s’explore lui-même.
La vie est l’instrument
dont se sert l’univers pour s’explorer.

La flèche se retourne et se cloue en elle-même.
Et l’homme est la pointe de la flèche.

L’homme se cloue dans l’homme,
mais le but de la flèche n’est pas l’homme.

Un labyrinthe ne se découvre
que dans un autre labyrinthe.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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EN POUSSIÈRE (Ursula K. Le Guin)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2023




    
EN POUSSIÈRE

Esprit, prépare-toi pour les voyages à venir du corps,
les mouvements de la matière qui te faisait.

Élève toi dans les volutes de palo santo.
Retombe sur terre avec la pluie.
Pénètre, au plus profond, dans les racines lointaines.
Monte doucement dans la sève qui s’élève
jusqu’aux branches, à la couronne, à la pointe des feuilles.
Reviens à terre comme les feuilles en automne
et gis dans la patiente décomposition de l’hiver.
Relève-toi dans les vertes sources du printemps.
Laisse-toi porter au soleil avec le pollen sacré
pour retomber comme une bénédiction.

Toute poussière de la terre
fut vie, fit âme, est sacrée.

***

COME TO DUST

Spirit, rehearse the journeys of the body that are to come,
the motions of the matter that held you.

Rise up in the smoke of palo santo.
Fall to the earth in the falling rain.
Sink in, sink down to the farthest roots.
Mount slowly in the rising sap to the branches,
the crown, the leaf-tips.
Come down to earth as leaves in autumn
to lie in the patient rot of winter.
Rise again in spring’s green fountains.
Drift in sunlight with the sacred pollen
to fall in blessing.

All earth’s dust
has been life, held soul, is holy.

(Ursula K. Le Guin)

Recueil: Derniers poèmes
Editions: Aux Forges de Vulcain

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Le Soldat Muet (Robert Louis Stevenson)

Posted by arbrealettres sur 2 octobre 2023




    
Le Soldat Muet

Un jour où l’herbe était tondue,
marchant tout seul sur le gazon,
Dans l’herbe un trou j’ai vu
y cachai un soldat de plomb.

Vinrent printemps et pâquerettes ;
Les herbes cachent ma cachette ;
L’océan vert envahit tout
Le gazon jusqu’au genou.

Il gît tout seul sous l’herbe,
Levant ses yeux plombés,
Habit de pourpre, fusil pointé,
Vers les étoiles et le soleil.

Une fois l’herbe mûre comme blé,
La faux de nouveau aiguisée,
Et le gazon tondu à ras,
Alors mon trou apparaîtra.

Je le trouverai, assurément,
Je trouverai mon grenadier ;
Mais malgré tous les événements,
Mon soldat restera muet.

Il a vécu, petitement,
Dans les bois d’herbe du printemps ;
Fait, s’il pouvait à moi se confier,
Tout ce dont j’aurais rêvé.

Il a vu les heures étoilées
Et les fleurs en train de pousser ;
Et passer les créatures de fées
dans l’herbe des forêts.

Dans le silence a perçu son oreille
Abeille parlant à coccinelle ;
À tire-d’aile le papillon
L’a survolé dans sa prison.

Il se refuse à tout commentaire,
Ne dira rien de son savoir.
À moi de le poser sur l’étagère
Et de fabriquer l’histoire.

***

The Dumb Soldier

When the grass was closely mown,
Walking on the lawn alone,
In the turf a hole I found
And hid a soldier underground.

Spring and daisies came apace ;
Grasses hide my hiding place ;
Grasses run like a green sea
O’er the lawn up to my knee.

Under grass alone he lies,
Looking up with leaden eyes,
Scarlet coat and pointed gun,
To the stars and to the sun.

When the grass is ripe like grain,
When the scythe is stoned again,
When the lawn is shaven clear,
Then my hole shall reappear.

I shall find him, never fear,
I shall find my grenadier ;
But for all that’s gone and come,
I shall find my soldier dumb.

He has lived, a little thing,
In the grassy woods of spring ;
Done, if he could tell me true,
Just as I should like to do.

He has seen the starry hours
And the springing of the flowers ;
And the fairy things that pass
In the forests of the grass.

In the silence he has heard
Talking bee and ladybird,
And the butterfly has flown
O’er him as he lay alone.

Not a word will he disclose,
Not a word of all he knows.
I must lay him on the shelf,
And make up the tale myself.

(Robert Louis Stevenson)

Recueil: Jardin de poèmes enfantins
Traduction: Jean-Pierre Naugrette
Editions: POINTS

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NE PAS DORMIR (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023




    
NE PAS DORMIR

J’aime ne pas dormir lorsque tu dors déjà bercée à fond de cale
aux flancs de qui clapote l’eau de la nuit des temps
l’eau calme de l’oubli qui bruit à voix si basse
que le silence sage n’en laisse deviner pas même le murmure

Je me penche sur toi j’écoute ton absence
j’écarte de la main tes cheveux sur ton front
et l’enfant d’autrefois si perdu
qui erre encore sur la route et attend tout transi
et ne se souvient plus d’avoir été depuis réchauffé et nourri
Dors et laisse dormir l’enfant Chagrin et sa soeur Longue Absence
Dors A force de rames à force de patience
déjà nous abordons aux îles du vent clair
déjà le jour mélange ses draps blancs
aux draps qui te dessinent

Tu dors et moi je veille immobile
et pourtant sans plus rester en place
que l’herbe dans les prés quand le vent
en passant la rebrousse et l’efface
Je retiens mon souffle j’ai peur que tu ne t’éveilles
j’ai peur que tu sois là j’ai peur que tu sois loin
Le vent m’empêche de dormir si tu es loin de moi
ton cœur m’empêche de mourir s’il bat tout près du mien

Écoute ma très chère ma seule ma soeur aux yeux si clos
écoute mon souci de toi qui marche sur la pointe des pieds
Il tourne autour de toi
Il hésite Il revient Il craint de t’éveiller
Il a peur en rôdant de faire craquer un meuble ou grincer une porte
Je vais dormir encore glisser et te rejoindre ailleurs à l’envers
ressemblant et brouillé de mon double qui veille.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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NOCTURNE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023



Illustration 
    
NOCTURNE

Patte de chat tout doucement
le jour se souvient d’être nuit
Un peu d’obscur un peu de vent
les étoiles et ce qui s’ensuit
viennent sur la pointe des pieds
ils s’avancent de toute part
dans le ciel et ses escaliers
et la nuit s’installe au hasard
sur l’île et la plage et la mer
dès que les oiseaux qui s’enfuient
laissent la place aux messagers
qui annonceront minuit
Puis les lézards vont se coucher
passant le mot aux vers luisants

Trente cri-cris dans les rochers
lamentent le soleil couchant
La mer chante à bouche fermée
l’épaisse nuit de ses poissons
l’obscurité de ses forêts
et de ses plaines sans moissons
Je suis la Nuit dit l’arrivant
en débarquant sur le rivage
Ses pieds s’enfoncent dans le sable
dans les étoiles son visage
et ses mains ourdissent des fables
de fraîcheur et d’obscurité
qui nous entourent tous les deux

Mais sur le sable auprès de moi
ton corps désaltéré de jour
ta peau crissante comme soie
luit doucement parmi l’obscur
Un peu de soleil prisonnier
s’évapore en secret de toi
et quand je caresse tes seins
tout ce qui reste du soleil
glisse doucement dans mes mains
tout ce qui reste du soleil
tout ce qui sera le matin.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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Solitude (Bernard Bertrand)

Posted by arbrealettres sur 26 juillet 2023




Solitude

Une perle de rosée sur la pointe des seins,
Quelques gouttes qui ruissellent dans le creux de tes reins…
Une brise discrète caresse la peau
Et s’amuse avec ces gouttes d’eau…

Les yeux mi-clos,
Des pensées oses
Et commandes à ta main
De guider tes doigts fins.

Vers le plaisir tu avances,
Et bientôt, ô jouissance,
Tu oublies ces chagrins
Qui parsèment ton chemin…

(Bernard Bertrand)

Illustration: Giorgione

 

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L’Envie (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 9 juillet 2023




    
 

L’Envie

Je vous tuerai tous
Bientôt
L’un après l’autre, j’ai le temps,
Je n’ai rien d’autre à faire,
Rien d’autre à préparer que ce massacre.
Je veux qu’il soit superbe.

Ceux qui font éclater l’amour
Avec des micros d’or massif,
L’autre qui peint le Christ
avec la pointe de ses moustaches,
Et ceux qui caressent du bout des doigts
Négligemment
Des filles sans précédent
Couleur de pain d’épice
Entre les Bahamas et Miami Beach,

Je tuerai tout ça
De ma propre main
Demain,
Plus tard,
J’ai tout mon temps.

Ceux qui font sauter la banque
À Monte-Carlo, Las-Vegas,
Ceux qui font l’amour six fois de suite,
Le profil grec
Le blond vénitien

Le charme slave
La parole facile
Et la Rolls rangée devant la Tour d’Argent,
Je les tuerai tous

Pour pouvoir éclater de rire
Tranquillement
Parmi les cendres de Paris
Heureux
Debout
Tout seul.

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

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Ce chemin (Philippe Mathy)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2023



Illustration: ArbreaPhotos
    
Ce chemin,
Il va sur la pointe des pieds,
Le doigt posé
Sur les lèvres du temps.

(Philippe Mathy)

Recueil: L’atelier des saisons

Editions: Cheyne

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Odeur d’iris (Mireille Fargier-Caruso)

Posted by arbrealettres sur 17 février 2023




    
Odeur d’iris
près de la fontaine
près du mur chauffé au soleil

moiteur de la peau lèvres humides
robe froissée légère
debout contre le mur aux pierres encore chaudes

musique voluptueuse de l’eau
coulant de la nuque aux chevilles
une main savante

odeur d’iris
violente et douce comme
l’extrême pointe du plaisir
le bleu là-haut immaculé

le corps tous les secrets du corps
là près de la fontaine
en cette fin d’après-midi d’été

debout contre le mur
ouverte

(Mireille Fargier-Caruso)

Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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MAINTENANT ET À L’HEURE DE NOTRE MORT (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2022



    

MAINTENANT ET À L’HEURE DE NOTRE MORT

Si facile d’aimer
Le vent
La porte ouverte
Et la lampe allumée
La même voix
La même plainte
Et les deux mains tendues où dépassent les pointes

Le bleu
La haute neige attardée sur ton front
L’églantier de tes yeux
Et tes yeux au plafond
Tout ce qui te ressemble

Il nous reste un pays sans borne
A mesurer
Des écarts de tendresse
Un pas lourd dans l’allée
Sur le bord de la nuit
La première fumée.

(René Guy Cadou)

 

Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers

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