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THE CATS WILL KNOW (Cesare Pavese)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024



Illustration: Vladimir Dunjic

    

THE CATS WILL KNOW

La pluie tombera encore
sur tes doux pavés,
une pluie légère
comme un souffle ou un pas.

La brise et l’aube légères
fleuriront encore
comme sous ton pas,
quand tu rentreras.

Entre fleurs et balcons
les chats le sauront.

Il y aura d’autres jours,
il y aura d’autres voix.
Tu souriras toute seule.
Les chats le sauront.

Et tu entendras des mots très anciens,
des mots las et vains
comme les vieux habits
des fêtes d’hier.

Toi aussi,
tu auras des gestes.
Tu diras des mots
— visage de printemps,

(Cesare Pavese)

Recueil: Travailler fatigue La mort viendra et aura tes yeux
Traduction: Gilles de Van
Editions: Gallimard

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Chanson Éternelle (Brigitte Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
Chanson Éternelle

Je veux être aimée pour moi-même
Et non pas pour mes ornements
Je veux être adorée quand même
Sans cheveux, sans chair et sans gants

Belle dans le simple appareil
D’une fille arrachée au sommeil
Eternelle éternelle

Avec des habits, c’est facile
Avec des bijoux, des fourrures
J’aime ce qui est difficile
Je veux être aimée sans parure
Je veux être aimée pour ma peau
Et non pas pour des peaux de bêtes
Aimée pour la soie de mon dos

Et non pour les soies qui me vêtent

Belle dans le simple appareil
D’une fille arrachée au sommeil
Eternelle éternelle

Avec des cheveux c’est facile
On peut se cacher derrière eux
J’aime ce qui est difficile
Je veux être aimée sans cheveux
Je veux être aimée pour mon crâne
Pour mon petit os pariétal
Je veux que les hommes se damnent
Pour mon charmant occipital

Belle dans le simple appareil
D’une fille arrachée au sommeil
Eternelle éternelle

Avec des chairs c’est trop facile
C’est vulgaire et c’est malhonnête
J’aime ce qui est difficile
Je veux qu’on aime mon squelette
Je veux être aimée pour le pire
Je veux être aimée pour mes os
Je veux que les hommes délirent
Comme des chiens sentimentaux

Belle dans le simple appareil
D’une fille arrachée au sommeil
Eternelle éternelle Eternelle éternelle…

(Brigitte Fontaine)

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Si l’olive se souvient de son planteur (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024




    
Si l’olive se souvient de son planteur
Son huile se transformera en larmes
Oh ! sagesse des ancêtres, notre corps
pour vous deviendra un habit de protection.
On va éplucher les épines par nos cils
et on va couper la tristesse
et l’enlever de notre terre.
L’olivier conservera sa couleur verte à jamais
et rentrera dans la terre comme une arme

(Mahmoud Darwich)

 

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CRAVATE NOIRE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024



Illustration
    
CRAVATE NOIRE

[…]

Écris que je pleure à cause des mères.
De mes mères plus anciennes.
Des fines et belles
amantes aux fenêtres,
que le mort a surprises inabouties
et qui traînent leurs journées, maternelles
sur les photographies d’un salon
et les broderies.

Je pleure à cause des lumières qui s’allument
et de dimanche ce chat pelotonné
à ma fenêtre.
La peur met ses beaux habits
et attend.
Écris.
Que je pleure à cause des cyclones,
du peu de nourriture,
de tous les Peu,
des séismes
qui ne préviennent pas.

Je pleure car elle est venue en vain,
la nouvelle qu’hier tu as vu
le premier papillon.
je pleure car l’éphémère n’est pas une nouvelle.

Écris. Je pleure
car le hasard s’est enfermé chez lui,
le sursis est arrivé au bourreau,
la gourde est arrivée au désert,
la Jeunesse est arrivée à la photo.
Je pleure car qui sait qui fermera
les yeux de mes jours.

Arrose toi-même la plante
et laisse-moi pleurer car…

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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DESTINÉE COMMUNE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




    
DESTINÉE COMMUNE

Mes chemins,
vos chemins,
et puis ça.

Lui,
moi,
et puis ça.

Les Mai nouveaux
mariés, l’habit approprié
et puis ça.

Le sentiment sans armes,
le couteau caché
et puis ça.

La soif qui chemine,
la bonne Samaritaine
et puis ça.

La longévité des rêves,
les espoirs industrieux
et puis ça.

Les serments sautant par-dessus le temps,
la mémoire feuillue
et puis ça.

Le soleil nécessaire,
la bonne humeur soudaine
et puis ça.

Les feuilles jaunies qui rivalisent
de sang-froid dans la chute,
la poésie qui les anime
et puis ça.

La sécheresse,
la pluie
et puis ça.

Votre angoisse,
mon angoisse,
et puis ça.

L’initiation des statues
à nos méthodes d’ennui à nous,
le sacrifice d’Iphigénies successives
pour un méchant souffle de vent,
et puis ça.

Les mots qu’on entraîne
à passer par le silence,
le silence qu’on entraîne
à passer par les mots
et puis ça.

L’avenir sévèrement gardé
qui sera pour finir
emporté par ça :

L’échec.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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EFFACEMENT (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
EFFACEMENT

L’herbe a grandi au fossé profond
l’homme en marchant fixe
le nuage étiré
frangé comme son habit gris
des chiens aux horizons béants
diversement aboient
pourtant c’est la paix
le jour va s’incliner
il faudra bien encore
couper le pain à la nuit
assis sur le billot rustique
avec en fin de compte
l’impensable mort.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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LE PAYSAGE (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
LE PAYSAGE

Cet homme à l’habit sombre
porte aux pieds des bottines hâves
où montent des insectes fins
les moellons de la maison
sont par le dur ciment liés
il grandit le hêtre rouge
le paysage est celui
où se déroulera
une bataille d’étrangers
dont l’air charriera les bruits
dans cette campagne altérée
où tremblent à peine les cimes.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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BERCEUSE D’ACTIONS DE GRACES (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024




    
BERCEUSE D’ACTIONS DE GRACES

Dors, mon pauvre coeur, ta journée est lasse.
C’est assez longtemps courir sur la trace
De l’amour qui fuit, du bonheur qui passe.

Dors, mendiant, dors…

C’est assez longtemps mendier ton pain,
Raconter ta peine et tendre la main,
Dors, tu n’en auras jamais à ta faim.

Dors, mendiant, dors…

Ne cherche plus rien, joins les mains et serre
Ta joie immense, ô ma longue misère,
D’avoir ce soir presque le nécessaire.

Dors, mendiant, dors…

Dors, puisqu’un bon riche à la fin du jour
Jusqu’à toi venu par un long détour
T’a fait l’aumône, enfin ! d’un peu d’amour.

Dors, mendiant, dors…

Dors, il t’a couvert d’un manteau de laine,
Tu n’as plus besoin de rien ô ma peine,
Raconte-toi tout bas ta bonne aubaine.

Dors, mendiant, dors…

C’est un vieil habit qui servit beaucoup.
On l’a tant mis qu’il n’en reste qu’un bout
Effiloché, déteint, troué partout.

Dors, mendiant, dors…

Il s’est usé, ce manteau de tendresse,
Sur tant et tant d’épaules en détresse
Qu’il t’est trop court, ô dernière pauvresse.

Dors, mendiant, dors…

Mais c’est assez, cette loque, c’est trop,
Cette bonté, c’est plus qu’il ne te faut
Pour t’endormir dessus, pour avoir chaud.

Dors, mendiant, dors….

Fais-toi bien petit, bien bas, de manière
À t’envelopper l’âme tout entière
Dans ce bout de joie et clos ta paupière.

Dors, mendiant, dors…

Sur ton bonheur, le coeur émerveillé,
Pose la tête et dors sans t’éveiller
Comme un enfant las sur son oreiller.

Dors, mendiant, dors…

Dors sur ton bonheur, dors et chante en rêve,
Dors, sans avoir peur que la nuit s’achève,
Dors, sans avoir peur que le jour se lève.

Dors, mendiant, dors…

Et si le temps passe encor, si le vent
Te prend tes haillons, si tout en rêvant
Tu demeures nu comme auparavant,

Dors, mendiant, dors…

Si la pitié que tu tiens ramassée
Sur ton coeur frileux demain est passée,
Dors dans la douceur qu’elle t’a laissée.

Dors, mendiant, dors…

Et béni soit pour cet habit fané
Celui qui vers toi s’étant retourné
S’il avait eu plus te l’aurait donné.

Dors, mendiant, dors…

Et béni soit Dieu ! Lui qui nous apprête
Le manteau d’amour tout entier, la fête
Qui nous couvrira des pieds à la tête.

Dors, mendiant, dors…

Béni soit Dieu ! Sous son manteau blottis
Avec tous les saints, les grands, les petits,
Nous aurons bien chaud dans le Paradis.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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CHANT DE NOURRICE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024



Illustration: Edouard Manet
    
CHANT DE NOURRICE
Pour endormir Madeleine.

Dors mon petit pour qu’aujourd’hui finisse,
Si tu ne dors pas, si c’est un caprice,
Aujourd’hui, ce vieux long jour,
Ce soir durera toujours.

Dors mon petit pour que demain arrive.
Si tu ne dors pas, petite âme vive,
Demain, le jour le plus gai,
Demain ne viendra jamais.

Dors mon petit afin que l’herbe pousse,
Ferme les yeux : les herbes et la mousse
N’aiment pas dans le fossé
Qu’on les regarde pousser.

Dors mon petit pour que les fleurs fleurissent.
Les fleurs qui la nuit se parent, se lissent,
Si l’enfant reste éveillé,
N’oseront pas s’habiller.

Mais s’il dort, les fleurs en la nuit profonde
N’entendant plus du tout bouger le monde,
Tout doucement à tâtons,
Sortiront de leurs boutons,

Quand il dormira, toutes les racines
Descendront sous terre au fond de leurs mines
Chercher pour toutes les fleurs
Des parfums et des couleurs.

Les roses alors et les églantines
Vite fronceront avec leurs épines
Leurs beaux jupons à volants
Rouges, roses, jaunes, blancs.

Les nielles feront en secret des pinces
À leur jupe étroite et les bleuets minces
Serreront leur vert corset
Avec un petit lacet.

Les lys du jardin, si nul ne les gêne,
Iront laver leur robe à la fontaine
Et le lin qui fit un voeu
Passera la sienne au bleu.

Les gueules de loup et les clématites
Monteront leur coiffe et les marguerites
Habiles repasseront
Leurs bonnets et leur col rond.

Et quand à la fin toutes seront prêtes
En robes de noce, en habits de fête,
Alors, d’un pays lointain,
Arrivera le matin.

Et saluant toute la confrérie,
Le matin pour voir la terre fleurie,
Du bout de son doigt vermeil
Rallumera le soleil.

Et pour que l’enfant, mon bel enfant sage,
Voie aussi la terre et son bel ouvrage,
Il enverra le soleil
Le chercher dans son sommeil.

Viens, mon petit, viens voir, chère prunelle,
Pendant ton somme, écoute la nouvelle,
Notre jardin s’est levé…
Aujourd’hui est arrivé !

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Editions: Gallimard

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Rose (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2024



    

Rose, ô toi trônante, pour eux, aux anciens temps,
calice au bord banal tu étais.
Pour nous tu es la pleine innombrable fleur pourtant,
tu es l’inépuisable objet.

Dans ta richesse, tu nous parais comme habit sur habit
autour d’un corps fait d’éclat pur;
pourtant ton moindre pétale est a la fois le déni
et le mépris de toute parure.

Depuis des siècles a pour nous ton parfum
ses noms les plus suaves fait retentir ;
dans l’air, comme en gloire, il repose soudain.

Cependant, nous ne savons le nommer, nous cherchons…
Et puis vers lui retourne le souvenir
qu’aux heures remémorables nous demandions.

***

Rose, you enthroned, to them, in ancient times, you were
a calyx with a rim quite plain.
To us, you’re yet the full uncounted flower fair,
the inexhaustible domain.

In your richness you look like clothing on clothing
around a body of pure fire ;
yet each of your petals at once is the shunning
and disowning of all attire.

To us, century after century,
did your perfume its sweetest names proclaim ;
suddenly, it hangs in the air like glory.

We still don’t know how to name it, we guess…
And memory returns to it, as a claim
to the rememberable hours we press.

***

Rose, du thronende, denen im Altertume
warst du ein Kelch mit einfachem Rand.
Uns aber bist du die volle zahllose Blume,
der unerschöpfliche Gegenstand.

In deinem Reichtum scheinst du wie Kleidung um Kleidung
um einen Leib aus nichts als Glanz;
aber dein einzelnes Blatt ist zugleich die Vermeidung
und die Verleugnung jedes Gewands.

Seit Jahrhunderten ruft uns dein Duft
seine süfßesten Namen herüber;
plötzlich liegt er wie Ruhm in der Luft.

Dennoch, wir wissen ihn nicht zu nennen, wir raten…
Und Erinnerung geht zu ihm über,
die wir von rufbaren Stunden erbaten.

(Rainer Maria Rilke)

Recueil: Les sonnets à Orphée
Traduction: Claude Neuman
Editions: Ressouvenances

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