Étudie bien, ma fille,
ton pays a besoin de celui qui va le construire.
Tu as besoin de café?
De thé?
Tu vas réussir, je suis sûre
tu vas avoir ton diplôme
combien je serai heureuse
je vais te faire une grande fête.
Oui… ingénieur… c’est un beau métier…
Elle est partie au sein de l’université
chargée de stylos et de rêves.
Une de ses chaussures
est revenue dans les mains de sa mère.
(Maram al-Masri)
Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey
Ce coeur que vous m’avez fait, blessé d’avance,
Puisque nul n’en a besoin pour le sien,
Puisque, si je tombe en quelque puits immense,
A personne autour il ne manquera rien,
Puisque personne hors vous n’a vu mon âme,
Mieux vaudrait peut-être — ô Dieu, ne craignez pas,
Si vous la tuez, que quelqu’un la reclame —
Peut-être en finir avec elle tout bas,
En finir pour la guérir d’être immortelle —
Immortels seront les autres. Me guérir
Par pitié, d’être sans fin à cause d’elle
Ce mal qui ne peut ni vivre ni mourir.
Je passerai… je n’aurai plus jamais de moi,
Plus jamais ni vent ni nouvelle…
(Marie Noël)
Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers
Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Dès le matin parmi les fleurs écloses.
Pour le trouver il effeuillait les roses
Couleur du soir, de l’aurore et du jour.
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.
Je l’attendais, pâle et grise lavande,
Et tout mon cœur embaumait son chemin.
Il a passé… j’ai parfumé sa main,
Mais il n’a pas vu mes yeux pleins d’offrande.
Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Au verger mûr quand midi l’ensoleille.
Pour le trouver il goûtait la groseille,
La pomme d’or, la pêche, tour à tour…
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.
Je l’attendais, fraise humble à ses pieds toute,
Et mon sang mûr embaumait son chemin.
Hélas ! mon sang n’a pas taché sa main.
Il a marché sur moi, suivant sa route.
Vent du ciel ! vent du ciel ! éparpille mon cœur !
Je n’en ai plus besoin. O brise familière, Perds-le !
Dessèche en moi ma source, éteins ma fleur,
O vent, et dans la mer va jeter ma poussière !
(Marie Noël)
Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers
Murs blancs, toit rouge, c’est l’Auberge fraîche au bord
Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
L’Auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.
Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passe-port.
Ici l’on fume, ici l’on chante, ici l’on dort.
L’hôte est un vieux soldat, et l’hôtesse, qui peigne
Et lave dix marmots roses et pleins de teigne,
Parle d’amour, de joie et d’aise, et n’a pas tort !
La salle au noir plafond de poutres, aux images
Violentes, Maleck Adel et les Rois Mages,
Vous accueille d’un bon parfum de soupe aux choux.
Entendez-vous ? C’est la marmite qu’accompagne
L’horloge du tic-tac allègre de son pouls.
Et la fenêtre s’ouvre au loin sur la campagne.
Ma déesse,
Née de nulle part,
Née de l’ultime destin,
Symbole de levain,
Base de toute création,
Celui dont on a besoin,
Pour se grandir, se mouvoir,
Et s’épanouir,
Un chemin,
Une sublimation,
Irréelle pour mon conscient,
Mais réelle dans l’autre moi,
Un bonheur illusionnel,
Né de toi, ma déesse,
Un toi qui n’est plus illusion,
Raison, sans frontière,
Omis de tous sens irréels,
Une histoire parfaite,
Ou tout se conjugue au présent,
Ou l’avant toi était omniprésent,
En attente de ton être,
J’alternais les conjugaisons,
Aujourd’hui, un paradis,
Né de toi, ma déesse,
Ou ma vie,
Est un poème,
Un amour immortel,
Né de toi, ma déesse …
Cette envie de ne plus rien faire et surtout ne plus rien éprouver,
Ce besoin subit de se taire et de se détacher
Au jardin du Luxembourg, si calme
Être un vieux sénateur vieillissant sous ses palmes
Et plus rien du tout, ni les enfants, ni leurs bateaux, ni surtout la musique
Ne viendrait troubler cette méditation désenchantée et presque ataraxique ;
Ni l’amour surtout, ni la crainte.
Ah ! n’avoir aucun souvenir des étreintes.
On ne doit plus peindre
d’intérieurs, de gens qui lisent
et de femmes qui tricotent
Ce doit être des personnes
vivantes qui respirent et
s’émeuvent, souffrent et aiment –
Je vais peindre une série
de tableaux de ce genre
Les gens en comprendront
la dimension sacrée
et ils enlèveront leur chapeau
comme à l’église
*
Mieux vaut peindre
un bon tableau inachevé
qu’un mauvais achevé –
Beaucoup croient
qu’un tableau est achevé
quand ils y ont mis
le plus de détails possible
Un trait peut être
une oeuvre d’art achevée
Ce que l’on peint doit
l’être avec volonté
et sentiment – Cela n’aide
en rien de l’exécuter
si c’est pour y mettre
des choses involontaires
et non ressenties
*
L’art est le contraire
de la nature. Une oeuvre
d’art ne peut surgir que
de l’intérieur de l’être humain.
— L’art est la forme que prend
l’image une fois passée
à travers les nerfs de l’être
humain — son coeur —
son cerveau — son oeil.
— L’art correspond chez
l’homme à son besoin
de cristallisation.
La nature est le royaume
éternellement vaste d’où
l’art tire sa nourriture.
(Edvard Munch)
Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais
Je ne crois pas à l’art
dont l’expression
n’est pas contrainte
par le besoin
qu’a l’homme
d’ouvrir son coeur
Tout art — littérature
comme musique —
doit être produit
avec notre coeur
sanguinolent –
L’art est notre
coeur sanguinolent
(Edvard Munch)
Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais