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Vois, la Nature est un livre vivant (Goethe)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



 

verre à pied 2

Vois, la Nature est un livre vivant,
Incompris mais non incompréhensible…

Qui s’en tient à sa mère, la Nature,
Découvre en un verre à pied tout un univers.

***

Sieh, so ist Natur ein Buch lebendig,
Unverstanden, doch unverständlich…

Wer mit seiner Mutter, der Natur, sich hält
Findt im Stengelglas wohl eine Welt.

(Goethe)

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ENTRÉE DANS L’EXIL (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




    
ENTRÉE DANS L’EXIL.

J’ai fait en arrivant dans l’île connaissance
Avec un frais vallon plein d’ombre et d’innocence,
Qui, comme moi, se plaît au bord des flots profonds.
Au même rayon d’or tous deux nous nous chauffons ;

J’ai tout de suite avec cette humble solitude
Pris une familière et charmante habitude.
Là deux arbres, un frêne, un orme à l’air vivant,
Se querellent et font des gestes dans le vent

Comme deux avocats qui parlent pour et contre ;
J’y vais causer un peu tous les jours, j’y rencontre
Mon ami le lézard, mon ami le moineau ;
Le roc m’offre sa chaise et la source son eau ;

J’entends, quand je suis seul avec cette nature,
Mon âme qui lui dit tout bas son aventure ;
Ces champs sont bonnes gens, et j’aime, en vérité,
Leur douceur, et je crois qu’ils aiment ma fierté.

(Victor Hugo)

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EN FRAPPANT À UNE PORTE (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024




    
EN FRAPPANT À UNE PORTE

J’ai perdu mon père et ma mère,
Mon premier né, bien jeune, hélas !
Et pour moi la nature entière
Sonne le glas.

Je dormais entre mes deux frères ;
Enfants, nous étions trois oiseaux ;
Hélas ! le sort change en deux bières
Leurs deux berceaux.

Je t’ai perdue, ô fille chère,
Toi qui remplis, ô mon orgueil,
Tout mon destin de la lumière
De ton cercueil !

J’ai su monter, j’ai su descendre.
J’ai vu l’aube et l’ombre en mes cieux.
J’ai connu la pourpre, et la cendre
Qui me va mieux.

J’ai connu les ardeurs profondes,
J’ai connu les sombres amours ;
J’ai vu fuir les ailes, les ondes,
Les vents, les jours.

J’ai sur ma tête des orfraies ;
J’ai sur tous mes travaux l’affront,
Aux pieds la poudre, au cœur des plaies,
L’épine au front.

J’ai des pleurs à mon œil qui pense,
Des trous à ma robe en lambeau ;
Je n’ai rien à la conscience :
Ouvre, tombeau.

(Victor Hugo)

Recueil: Les Contemplations
Editions:

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Je lisais (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
Je lisais. Que lisais-je ? Oh ! le vieux livre austère,
Le poème éternel ! — La Bible ? — Non, la terre.
Platon, tous les matins, quand revit le ciel bleu,
Lisait les vers d’Homère, et moi les fleurs de Dieu.

J’épelle les buissons, les brins d’herbe, les sources ;
Et je n’ai pas besoin d’emporter dans mes courses
Mon livre sous mon bras, car je l’ai sous mes pieds.
Je m’en vais devant moi dans les lieux non frayés,

Et j’étudie à fond le texte, et je me penche,
Cherchant à déchiffrer la corolle et la branche.
Donc, courbé, — c’est ainsi qu’en marchant je traduis
La lumière en idée, en syllabes les bruits, —

J’étais en train de lire un champ, page fleurie.
Je fus interrompu dans cette rêverie ;
Un doux martinet noir avec un ventre blanc
Me parlait ; il disait : « Ô pauvre homme, tremblant

Entre le doute morne et la foi qui délivre,
Je t’approuve. Il est bon de lire dans ce livre.
Lis toujours, lis sans cesse, ô penseur agité,
Et que les champs profonds t’emplissent de clarté !

Il est sain de toujours feuilleter la nature,
Car c’est la grande lettre et la grande écriture ;
Car la terre, cantique où nous nous abîmons,
A pour versets les bois et pour strophes les monts !

Lis. Il n’est rien dans tout ce que peut sonder l’homme
Qui, bien questionné par l’âme, ne se nomme.
Médite. Tout est plein de jour, même la nuit ;
Et tout ce qui travaille, éclaire, aime ou détruit,

A des rayons : la roue au dur moyeu, l’étoile,
La fleur, et l’araignée au centre de sa toile.
Rends-toi compte de Dieu. Comprendre, c’est aimer.
Les plaines où le ciel aide l’herbe à germer,

L’eau, les prés, sont autant de phrases où le sage
Voit serpenter des sens qu’il saisit au passage.
Marche au vrai. Le réel, c’est le juste, vois-tu ;
Et voir la vérité, c’est trouver la vertu.

Bien lire l’univers, c’est bien lire la vie.
Le monde est l’oeuvre où rien ne ment et ne dévie,
Et dont les mots sacrés répandent de l’encens.
L’homme injuste est celui qui fait des contre-sens.

Oui, la création tout entière, les choses,
Les êtres, les rapports, les éléments, les causes,
Rameaux dont le ciel clair perce le réseau noir,
L’arabesque des bois sur les cuivres du soir,

La bête, le rocher, l’épi d’or, l’aile peinte,
Tout cet ensemble obscur, végétation sainte,
Compose en se croisant ce chiffre énorme : DIEU.
L’éternel est écrit dans ce qui dure peu ;

Toute l’immensité, sombre, bleue, étoilée,
Traverse l’humble fleur, du penseur contemplée ;
On voit les champs, mais c’est de Dieu qu’on s’éblouit.
Le lys que tu comprends en toi s’épanouit ;

Les roses que tu lis s’ajoutent à ton âme.
Les fleurs chastes, d’où sort une invisible flamme,
Sont les conseils que Dieu sème sur le chemin ;
C’est l’âme qui les doit cueillir, et non la main.

Ainsi tu fais ; aussi l’aube est sur ton front sombre ;
Aussi tu deviens bon, juste et sage; et dans l’ombre
Tu reprends la candeur sublime du berceau. »
Je répondis : « Hélas ! tu te trompes, oiseau.

Ma chair, faite de cendre, à chaque instant succombe ;
Mon âme ne sera blanche que dans la tombe ;
Car l’homme, quoi qu’il fasse, est aveugle ou méchant. »
Et je continuai la lecture du champ.

(Victor Hugo)

Recueil: Les Contemplations
Editions:

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Quelle grandeur rend l’homme vénérable ? (Louise Labé)

Posted by arbrealettres sur 22 avril 2024



Illustration
    
Quelle grandeur rend l’homme vénérable ?
Quelle grosseur ? quel poil ? quelle couleur ?
Qui est des yeux le plus emmielleur ?
Qui fait plus tôt une plaie incurable ?

Quel chant est plus à l’homme convenable ?
Qui plus pénètre en chantant sa douleur ?
Qui un doux luth fait encore meilleur ?
Quel naturel est le plus amiable ?

Je ne voudrais le dire assurément,
Ayant Amour forcé mon jugement ;
Mais je sais bien, et de tant je m’assure,

Que tout le beau que l’on pourrait choisir,
Et que tout l’art qui aide la Nature,
Ne me sauraient accroître mon désir.

(Louise Labé)

Recueil: Oeuvres poétiques Pernette du Guillet Rymes
Editions: Gallimard

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SÉSAME (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024




SÉSAME

Le reflet
est le réel.
La rivière
et le ciel
sont des portes qui mènent
à l’Éternel.
Par le canal des grenouilles
ou celui des étoiles.
Notre amour s’en ira en chantant
le matin du grand essor.

Le réel
est le reflet.
Il n’y a qu’un seul coeur
et une seule brise.
Ne pleurez pas! Être près
ou loin,
quelle importance ?
La Nature est
le Narcisse éternel.

(Federico Garcia Lorca)

Illustration

 

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Les poètes croient tous (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024



 

Les poètes croient tous que celui qui est étendu sur l’herbe, ou sur un versant solitaire,
en dressant l’oreille, apprend quelque chose de ce qui se passe entre le ciel et la terre.

Et s’il leur vient des émotions tendres,
les poètes croient toujours que la nature elle-même est amoureuse d’eux :

Et qu’elle se glisse à leur oreille pour y murmurer des choses secrètes et des paroles caressantes.
Ils s’en vantent et s’en glorifient devant tous les mortels !

Hélas ! Il y a tant de choses entre le ciel et la terre
que les poètes sont les seuls à avoir rêvées !

Et surtout au-dessus du ciel :
car tous les dieux sont des symboles et des artifices de poète.

En vérité, nous sommes toujours attirés vers les régions supérieures
– c’est-à-dire vers le pays des nuages :
c’est là que nous plaçons nos ballons multicolores et nous les appelons Dieux et Surhommes.

Car ils sont assez légers pour ce genre de sièges !
– tous ces Dieux et ces Surhommes.

Hélas !
Comme je suis fatigué de tout ce qui est insuffisant et qui veut à toute force être événement !
Hélas !
Comme je suis fatigué des poètes !

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Rémi MalinGrëy

 

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CE QUE LES CLARINES REMÉMORENT (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024




    
CE QUE LES CLARINES REMÉMORENT

Les cloches à leur cou tintent au pré des vaches
Qui portent près du coeur, dans la couleur froment
De leur robe de terre un écho grandissant
Du souvenir perdu qui à ce son s’attache.

Le fil en est épars dans l’herbe et la bourrache
Et à le retisser il se pourrait qu’on ait
Tout autant de succès, à coups de moulinets,
Qu’un rêveur de ruisseau qui à l’eau le relâche.

La cloche pour le son est un colimaçon:
On l’en tire un instant, il retourne dedans.
Sa nature est toujours un émerveillement.

À briser sa coquille on détruirait le son.
Pourquoi donc mettrait-on le passé dans un seau?
Le poisson a son prix quand il brille à son saut.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Leçon de poésie niveau IV (Marc Guimo)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024




    
Leçon de poésie niveau IV

Laisse les étoiles tranquilles
leur cadastre est déjà impeccable

Laisse le coeur dans la poitrine
tu n’es pas médecin

Laisse la nuit aux veilleurs
et la nature aux espèces disparues

Laisse ton être et ton âme
picoler dans un coin

Laisse la vie devenir capitaliste
et la mort communiste

Laisse l’éternité faire du stop
et se planter de route

Laisse les fleurs se vendre
et adoucir les couples

Laisse tes morceaux
mijoter une heure ou dix ans

Ça va aller
n’écris pas tout de suite

Tu es trop propre
tu n’es pas prêt

Ce n’est pas toi que tu cherches
on s’en fout de toi

Tu peux calculer tous les jours
le diamètre de ta sphère

Le petit vieux marrant du rez-de-chaussée
est plus important

Le jour des encombrants
est plus important

Des sachets plastique s’accrochent aux arbres
drapeaux blancs de ta banlieue

Si tu veux des signes va les chercher
négocie chaque chose que tu vois

Ne te laisse pas faire
Ne te laisse pas faire

(Marc Guimo)

Recueil: La poésie, personne n’en lit
Editions: la Boucherie littéraire

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ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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