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Poésie

Posts Tagged ‘se planter’

Tant de saisons ont passé (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2024




    
tant de
saisons
ont passé

les ronces
ont envahi
tes chemins

des taillis
ont poussé
dans tes chaumes

des bandes de corbeaux
tournent dans ton ciel
immuablement gris

toi l’assoupie
laisse accourir
laisse pénétrer dans tes collines

le laboureur qui ne peut
tolérer de te savoir en friche
la hache et le feu te retirer

tes taillis tes buissons
mettre à nu
tes sillons endormis

et laisse la charrue se planter
à l’angle de ta terre
faire lever en toi un immédiat printemps

(Charles Juliet)

Recueil: Ce pays de silence précédé de Trop ardente et L’Inexorable
Editions: P.O.L.

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Il arriva… (Françoise Favretto)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2024




    
Il arriva…

Il arriva que des femmes s’unirent, parlèrent.
Semblable et semblable.

Nos petites à faire craquer le cadre (murs, plancher, toiture)
s’en allèrent courir avec les bêtes du champ ou celles des rues.
Elles jouèrent et nous laissèrent parler,
tandis que les pères étaient en voyage forcé
et nous écrivaient malgré leur âge des lettres d’amour
que nos filles déchiraient,
gardant les timbres pour s’en décorer les joues, bien sûr.

Nous nous sommes mises à parler,
avec la peau, avec la gorge,
et nous attirions toutes les bêtes domestiques :
les chiens, les chats qui nous aimaient.

Claude, elle, avait rassemblé tous ses tableaux dans ses yeux,
afin de ne plus avoir à parler.
Il en sortait parfois, qui venaient nous illustrer.
Nous n’avions plus d’amies depuis des années.
Il faisait assez chaud pour en créer.

Le soleil nous reprit,
trouvant le sens des femmes, vapeurs, fumées.
Elles décidèrent de s’installer sur la terre pourtant,
entre les cailloux, les chardons, se mêler, se planter.
Quand un vent se leva alors dans leur feuillage.

(Françoise Favretto)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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Leçon de poésie niveau IV (Marc Guimo)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024




    
Leçon de poésie niveau IV

Laisse les étoiles tranquilles
leur cadastre est déjà impeccable

Laisse le coeur dans la poitrine
tu n’es pas médecin

Laisse la nuit aux veilleurs
et la nature aux espèces disparues

Laisse ton être et ton âme
picoler dans un coin

Laisse la vie devenir capitaliste
et la mort communiste

Laisse l’éternité faire du stop
et se planter de route

Laisse les fleurs se vendre
et adoucir les couples

Laisse tes morceaux
mijoter une heure ou dix ans

Ça va aller
n’écris pas tout de suite

Tu es trop propre
tu n’es pas prêt

Ce n’est pas toi que tu cherches
on s’en fout de toi

Tu peux calculer tous les jours
le diamètre de ta sphère

Le petit vieux marrant du rez-de-chaussée
est plus important

Le jour des encombrants
est plus important

Des sachets plastique s’accrochent aux arbres
drapeaux blancs de ta banlieue

Si tu veux des signes va les chercher
négocie chaque chose que tu vois

Ne te laisse pas faire
Ne te laisse pas faire

(Marc Guimo)

Recueil: La poésie, personne n’en lit
Editions: la Boucherie littéraire

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Avec la famille (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024




    
Avec la famille on partage la table et tombes
Avec l’ennemi ; seulement les tombes
Que vienne à moi un tel prétendant
Partager avec moi une tombe
Me dire :
Je suis plus grand que toi
Je suis plus dur que toi
Je suis plus fort que toi

Couteau après couteau
plante dans le ventre et plus bas
Lame contre lame
Sa pression est plus pressante

Mais
Il est plus petit que nous
Il est plus faible que nous
Car de lame, il n’a qu’une seule
Et nous sur la table, beaucoup

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin
Editions: des Femmes

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LE DEVOIR CONJUGAL (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023




    
LE DEVOIR CONJUGAL

1

C’est la fête à Philippine.
Amour, je viens t’implorer
D’une rose sans épine.
Il s’agit de la parer
Si tu m’aides je devine
Où je puis la rencontrer.

2

Dans mon cœur est cette rose.
L’hymen un jour s’y planta.
Le désir qui vit la chose,
De sourire la supplia.
Bientôt elle fut éclose
Et le plaisir l’arrosa.

3

Si le soin de sa culture
A trompé mon doux exploit
Le tort en est à la nature
Qui m’en ôta le pouvoir.
Amour tu sais l’aventure :
J’ai péché sans le vouloir.

4

Mais une santé brillante
Reprenant son heureux cours,
Maintenant rose charmante
Tu seras seul mes amours
Et ta culture enivrante
Les délices de mes jours.

5

Va-t’en dire à Philippine,
Amour, que j’ai refleuri.
Que ma rose est sans épine
Et que moi son cher mari
J’en voudrais à la sourdine
Orner son panier joli.

6

Je me plains à vous ma femme
De cette opposition
Que vous marquez pour ma flamme
D’une vive passion
Quand on coupe ainsi sa trame
C’est vouloir l’extension.

7

Les devoirs du mariage
Furent faits pour maintenir
L’union dans le ménage.
Par le charme du plaisir.
Ce n’est donc pas être sage
Que de ne les point remplir.

(Chansons du XVIIIè)

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Et la cible (Miriam Silesu)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2019




    
Et la cible se planta dans son coeur.

(Miriam Silesu)

 

Recueil: Cinéraire
Traduction:
Editions: Lettres vives

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PERSAN (Jean-Luc Caizergues)

Posted by arbrealettres sur 16 décembre 2017




    
PERSAN

La porte s’ou
vre et le tueur
se plante dans
l’entrée.

Énorme et hale
tant il scrute
longuement la
petite

pièce. Un tapis
est roulé dans
un coin, moi
dedans.

(Jean-Luc Caizergues)

 

Recueil: La plus grande civilisation de tous les temps
Traduction:
Editions: Flammarion

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Insomnia (Rose Ausländer)

Posted by arbrealettres sur 24 Mai 2017



Illustration
    
Insomnia

La nuit darde ses innombrables yeux sur moi.
Ai-je dit des yeux?
Des flèches, plutôt.
Elles foncent sur moi en sifflant, se plantent dans ma peau.

Qui donc aimerait être dans ma peau?
En vain, je m’efforce à longueur de nuit
de les ôter, de les jeter par-dessus bord.

Le matin, je me retrouve bordée par un tas d’éclats de pensée
et je m’étonne d’avoir pu sauver ma peau.

(Rose Ausländer)

 

Recueil: Sans visa
Traduction: Eva Antonnikov
Editions: Héros-Limite

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SE PROMÈNENT LES BELLES (Carlos Drummond de Andrade)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2017



 

Illustration: Angelo Garino  
    
SE PROMÈNENT LES BELLES

Se promènent les belles, l’après-midi, sur l’Avenue
qui n’est pas une avenue, mais un long chemin blanc
où les robes roses vont laissant,
non, elles ne laissent nulle ombre, c’est en moi qu’elles en laissent.

Se promènent, l’après-midi, les belles sur l’Avenue.
Sont-elles aussi belles que je les vois, ou plus encore?
À leur seul passage, au seul souvenir de leur passage, la beauté
en elles se plante éternellement, dague d’or.

Se promènent sur l’Avenue, l’après-midi, les belles,
les toujours belles dans l’avenir le plus lointain.
Elles foulent de la fine semelle et du talon haut
de leurs souliers de satin le temps et le rêve.

L’après-midi, sur l’Avenue, se promènent les belles,
le sein voilé soigneusement mais palpitant
la jambe dissimulée, mais Dieu sait les lignes perturbatrices
qu’engendrent les rythmes, et le chemin blanc est tout rythme.

Sur l’Avenue, se promènent les belles, l’après-midi,
dans la ville haute qui au milieu des arbres s’apprête
pour son sommeil de huit heures du soir et ne sait pas que les belles
laissent sans sommeil, la nuit entière, un enfant ébloui.

(Carlos Drummond de Andrade)

 

Recueil: La machine du monde et autres poèmes
Traduction: Didier Lamaison et Claudia Poncioni
Editions: Gallimard

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Tu es prise dans les jardins de mes rides (Djamal Amrani)

Posted by arbrealettres sur 6 août 2016



IL N’EST PAS jusqu’à tes feux
qui n’aient arrêté mon sourire
Tu es prise dans les jardins
de mes rides
à moins que ce ne soit toi qui me moules
dans l’immobilité craintive
d’un arc-en-ciel.
Ma vie est toujours en avance d’un pas
Peu m’importe le matin qui se plante
entre mes dents
le monde qui s’insinue dans
des cendres mordorées
Peu m’importe les oiseaux de pierre
les algues lisses les chevaux fous
et la face nue de mes planètes
peu m’importe l’épaule et le sein
l’insulte et le joyau.
Tu coules toujours immense
dans mes paupières jusqu’à l’impudique
dénouement. Chair matinale qui me regarde.

(Djamal Amrani)

Illustration: Irina Kotova

 

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