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Poésie

Posts Tagged ‘chardon’

Il arriva… (Françoise Favretto)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2024




    
Il arriva…

Il arriva que des femmes s’unirent, parlèrent.
Semblable et semblable.

Nos petites à faire craquer le cadre (murs, plancher, toiture)
s’en allèrent courir avec les bêtes du champ ou celles des rues.
Elles jouèrent et nous laissèrent parler,
tandis que les pères étaient en voyage forcé
et nous écrivaient malgré leur âge des lettres d’amour
que nos filles déchiraient,
gardant les timbres pour s’en décorer les joues, bien sûr.

Nous nous sommes mises à parler,
avec la peau, avec la gorge,
et nous attirions toutes les bêtes domestiques :
les chiens, les chats qui nous aimaient.

Claude, elle, avait rassemblé tous ses tableaux dans ses yeux,
afin de ne plus avoir à parler.
Il en sortait parfois, qui venaient nous illustrer.
Nous n’avions plus d’amies depuis des années.
Il faisait assez chaud pour en créer.

Le soleil nous reprit,
trouvant le sens des femmes, vapeurs, fumées.
Elles décidèrent de s’installer sur la terre pourtant,
entre les cailloux, les chardons, se mêler, se planter.
Quand un vent se leva alors dans leur feuillage.

(Françoise Favretto)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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UNE PIERRE (Yves Bonnefoy)

Posted by arbrealettres sur 11 février 2024




    
UNE PIERRE

Viens, que je te dise à voix basse
Un enfant dont je me souviens,
Immobile comme il resta
À distance des autres vies.

Il n’a pas rejoint au matin
Ceux qui jouaient dans les arbres
À multiplier l’univers,
Ni couru a travers la plage
Vers plus de lumière encore.
Vois, pourtant, il a continué
Son chemin au pied de la dune,
Des traces de pas en sont preuves
Entre les chardons et la mer.

Et près d’eux tu peux voir s’emplir
De l’eau qui double le ciel
L’empreinte des pas plus larges
D’une compagne inconnue.

(Yves Bonnefoy)

Recueil: Ce qui fut sans lumière suivi de Début et fin de la neige et de Là où retombe la flèche
Editions: Gallimard

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LE CHEVAL (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
LE CHEVAL

Je ne pense plus à toi.
On n’aperçoit pas l’âme
qui mène le corps à travers le quotidien,
sauf quand elle a mal aux genoux.

Aujourd’hui c’est la Toussaint.
Dès le matin sur le village
pleuvent les coups du clocher.
On cherche en vain
avec mon frère
les tombes de nos proches
parmi les chardons,
on choisit un endroit
qui n’appartient à personne.
Je sais qu’Il est partout.
On allume des bougies,
on verse du vin et de l’eau sur la terre.

Chacun a ses morts
et ils ont tous soif.

Le soir
j’ai oublié de fermer la porte
et le cheval en bois avec qui
nous avons traversé tant de villes
s’est enfui.

Maintenant je dois marcher à pied
jusqu’à l’autre bout
de l’automne
avec une douleur
qui me coupe les genoux.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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Viens (Gisèle Prassinos)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2024




    
Viens

Viens retournons là-bas
Dans les champs
les maisons de feuilles abritent encore nos ombres petites.
Regarde sur ton front la verte gloire n’est pas flétrie
– l’autre ne fut qu’un rêve –
et dans les vergers
les fruits d’alors n’ont pu décider
sans toi
de se changer en arbre.

Viens mon Rouge prends tes armes
j’ai mes chardons
et je m’appelle Fleur de cerisier.

Le temps n’est rien
il n’y a pas de lits pour nos morts
pas de fin pour nos figures
les corps mentent
les miroirs sont ivres.

(Gisèle Prassinos)

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Science (André Dhôtel)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2023




    
Science

Au-delà des chardons sont les arbres.
Au-delà des arbres sont les nuages,
les étoiles et puis rien.
C’est tout près qu’est le visiteur,
l’ange aux bleuets, aux sanguisorbes,
dans l’herbe entrecroisée
où se tissent la vérité
et les feux invisibles.

Non, je ne l’ai pas vu
je n’ai rien deviné.
Mais je sais qu’il se peut
que des rayons soient renversés
que des miroirs soient traversés
par un geste délicat
qui entr’ouvre la lumière.

Ainsi fait une enfant
qui passe dans les roseaux
et ne laisse d’autre trace
que la fidélité d’un corps
à jamais inconnu.

(André Dhôtel)

Recueil: Poèmes
Traduction:
Editions: Phébus

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CEUX QUI NE DANSENT PAS (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023




    
CEUX QUI NE DANSENT PAS

La petite infirme
dit : « Comment danser ? »
Nous lui répondons :
« Fais danser ton coeur. »

Et l’estropiée
dit : « Comment chanter? »
Nous lui répondons :
« Fais chanter ton coeur. »

Le chardon sec dit :
« Comment danserai-je ? »
— En faisant au vent
s’envoler ton coeur.

Dieu dans la hauteur
dit : « Comment descendre ? »
— Descends en lumière
danser avec nous.

Toute la vallée
n’est que vaste ronde
et celui qui manque,
son coeur devient cendre.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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L’âne broutant le chardon bleu (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 26 octobre 2022




L’âne broutant le chardon bleu
la jument en robe sombre
le porc buveur de lait maigre
le chien au front étoilé
le chat sensible aux orages
devant lui seront les mêmes
qu’en la dure antiquité.

(Jean Follain)

Illustration

 

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La grotte opale du rêve (Katherine Mansfield)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2022




    
La grotte opale du rêve

Dans la grotte opale du rêve j’ai trouvé une fée:
Ses ailes étaient plus frêles que des pétales de fleur,
Plus frêles encore que des flocons de neige.
Elle n’était pas effrayée et se tenait sur mon doigt,
Puis délicatement elle rentra dans ma main.
J’ai joint mes deux paumes
Et l’ai tenue prisonnière.
Je l’ai portée hors de la grotte opale,
Puis j’ai ouvert les mains.
D’abord elle devint une aigrette de chardon*,
Enfîn une particule dans un rayon de soleil,
Enfîn — plus rien du tout.
Vide est maintenant la grotte opale de mon rêve.

***

The Opal Dream Cave

In an opal dream cave I found a fairy:
Her wings were frailer than flower petals,
Frailer far than snowflakes.
She was not frightened, but poised on my finger,
Then delicately walked into my hand
I shut the two palms of my hands together
And held her prisoner
I carried her out of the opal cave,
Then opened my hands.
First she became thistledown*,
Then a mote in a sunbeam,
Then—nothing at all
Empty now is my opal dream cave.

*Thistledown est le nom d’une fée dans un des contes de Louisa May

(Katherine Mansfield)

Recueil: Villa Pauline Autres Poèmes
Traduction: Philippe Blanchon
Editions: La Nerthe

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NE ME DITES JAMAIS LE NOM (Michel Manoll)

Posted by arbrealettres sur 9 novembre 2021



NE ME DITES JAMAIS LE NOM

Si je penche malgré mon coeur
Vers un asile sans frontières
Où je vivrais les yeux ouverts
Ne me dites jamais le nom
De ce qui n’a plus forme humaine
Ni de cette ombre sans visage
Qui flotte un instant sur ma peine
Et coule à pic comme l’orage

Ne me dites jamais le nom
Des nuits amassant leur silex
Du flot de lave qui saccage
Le front des statues bien-aimées
De la douleur tissant sa cage
Avec le sang de ses victimes
Et de tous ceux qui vont et viennent
Privés de source et les mains lourdes
D’un fret d’étoupe et de chardons

Je ne veux pas savoir qui rampe
Sur le marbre noir de la mort
Ni pourquoi vacille la lampe
Au fond d’un sombre corridor
Laissez-moi franchir pas à pas
Le chemin mouvant qui va l’amble
De son aurore à son couchant
Je porte en moi mes souvenirs
Comme un carquois vide de flèches
Comme un bouquet qui se dessèche.
Ne me dites pas : cicatrices
Mais le bourgeon qui va s’ouvrir
Et les oiseaux de l’avenir.

(Michel Manoll)

 
Illustration: ArbreaPhotos

 

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Adieu à l’estancia (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 10 juin 2021



Adieu à l’estancia

(…)
Adieu, chardons fleuris, azur frais des pampas,
Bois lointains que l’aurore inondait d’espérance,
Et familier jardin où tout sera silence,
Jardin des souvenirs et des blonds mimosas !

Adieu, ma meule d’or comme une grappe mûre
Que le bœuf sous le joug, regarde tout rêveur,
Chaumine qui t’ouvrais, l’été, fraîche et obscure,
Et qui pendant l’hiver es chaude comme un cœur !

Mes chers eucalyptus, il est tard, je vous quitte,
Adieu, mes vieux amis au feuillage profond,
Vous, le parfum léger et l’âme de ce site,
Je vous laisse mon Rêve épars sur votre front…

(Jules Supervielle)

 

 

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