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Poésie

Posts Tagged ‘science’

Toutes les opinions sur la Nature … (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 14 Mai 2024



Illustration: ArbreaPhotos
    
Toutes les opinions sur la Nature
N’ont jamais fait pousser une herbe ou naître une fleur.
Tout le savoir à propos des choses
N’a jamais été ce à quoi on puisse s’accrocher comme aux choses.
Si la science prétend être vraie,
Quelle science plus vraie que celle des choses sans science ?
Je ferme les yeux et la dureté de la terre sur laquelle je me couche
Prend une réalité si réelle que même mes côtes la ressentent.
Je n’ai pas besoin de raisonnement là où j’ai des épaules.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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Les flacons d’alcool remplis d’yeux (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024



    
Les flacons d’alcool remplis d’yeux s’alignaient
sur les rayons obscurs du laboratoire.
Institut des yeux, Los Angeles.

Les yeux dans l’oubli pur noyés
illuminaient les transparences
de leurs regards désespérés
par le spectacle de l’absence

Etaient-ils d’amant ou d’amante,
d’enfant, de vieux, d’adolescente
qu’avaient-ils cru de l’impossible
qu’avaient-ils vu des apparences ?

Et maintenant dans la science
à l’affût des orbites vides
étaient-ils le sable ou le crible
la passion ou l’indifférence

que sauraient-ils de l’invisible?

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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CHERCHE TA PLACE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



 Illustration: Robert Cattan
    
CHERCHE TA PLACE

Je m’en vais cheminant, cheminant, dans ce monde,
Chaque jour je franchis un nouvel horizon.
Je cherche pour m’asseoir le seuil de ma maison
Et mes frères et soeurs pour entrer dans leur ronde.

Mais las ! J’ai beau descendre et monter les chemins,
Nul toit rêveur ne m’a reconnue au passage,

Et les gens que j’ai vus ont surpris mon visage
Sans s’arrêter, sourire et me tendre les mains.
Va plus loin, va-t’en ! qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place…

J’ai vu sauter dans l’herbe et rire au nez du vent
Des filles pleines d’aise et de force divine

Qui partaient, le soleil sur l’épaule, en avant,
L’air large des pays en fleurs dans la poitrine…
Ah ! pauvre corps frileux même sous le soleil
Qui sans te ranimer te surcharge et te blesse.

Toi qu’un insecte effraye, ô craintive faiblesse,
Honteuse d’être pâle et d’avoir tant sommeil.

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Ainsi qu’à la Saint-Jean les roses de jardin,
Fleurs doubles dont le coeur n’est plus qu’une corolle,
J’ai regardé fleurir autour de leur festin
Les reines, les beautés qu’on aime d’amour folle.

Las ! je t’ai vue aussi, toi, gauche laideron,
Mal faite, mal vêtue, âme que son corps gêne,

Herbe sans fleur que le vent sèche avec sa graine
Et que ne goûterait pas même un puceron…
Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

De rien sachant tout faire, ici menant le fil,
Puis là, dessus, dessous, vite, vite, des fées,

Sous leurs doigts réguliers trouvent un point subtil,
Sans avoir l’air de rien, calmes et bien coiffées…
Toi qui pour ton travail uses le temps en vain,
Toi dont l’aiguille borgne, attentive à sa piste,

Pique trop haut, trop bas, choppe, accroche, résiste,
Prise aux pièges du fil tout le long du chemin,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres, fermes esprits, têtes pleines de mots,
Connaissent tout : les dieux, les pays, leur langage,
Les causes, les effets, les remèdes, les maux,
Les mondes et leurs lois, les temps et leur ouvrage…

Tête qui fuis, et tel un grès à filtrer l’eau.
Laisse les mots se perdre à travers ta cervelle,
Ignorante qui crois que la terre est nouvelle
Tous les matins, et tous les soirs le ciel nouveau,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres ont pris leur rêve au piège et l’ont tout vif
Enfermé malgré lui dans leur strophe sonore
D’airain vaste, d’or calme ou de cristal plaintif,
Et l’applaudissement des hommes les honore…

Mais toi ! Tes rêves, comme un vol de moucherons,
T’étourdissent, dansant autour de tes prunelles,
Et ta main d’écolier trop lente pour leurs ailes
Sans en saisir un seul s’égare dans leurs ronds.

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres, se retirant à l’ombre de leurs cils,
Patients, cherchent la vermine de leur âme
Et pèsent dans l’angoisse avec des poids subtils
Son ombre et sa clarté, sa froidure et sa flamme.

Mais toi qui cours à Dieu comme un petit enfant,
Sans réfléchir, toi qui n’as pas d’autre science
Que d’aimer, que d’aimer et d’avoir confiance
Et de te jeter toute en ses bras qu’Il te tend,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Sans beauté ni savoir, sans force ni vertu,
Être qui par hasard ne ressemble à personne,
Je sais bien qui je suis, l’amour ne m’est pas dû
Et ne pas le trouver n’a plus rien qui m’étonne.

Mais malgré moi j’ai mal… De l’hiver à l’hiver,
Je m’en vais et partout je me sens plus lointaine,
Seule, seule, et le coeur qu’en silence je traîne
Me semble un poids trop lourd, sombre, inutile, amer…

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Bah ! c’est au même lieu que les chemins divers
Aboutissent enfin, le mien comme les vôtres.
Bonne à rien que le sort conduisit de travers,
Je ferai mon squelette aussi bien que les autres.

Mais où me mettrez-vous, mon Dieu ?… Pas en enfer ;
Je n’eus pas dans le mal assez de savoir-faire.
Et pas au paradis : je n’ai rien pour vous plaire…
Hélas ! me direz-vous comme le monde hier :

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

N’aurai-je au dernier jour ni feu, ni lieu, ni toit
Où reposer enfin ma longue lassitude ?
Ou m’enfermerez-vous — hélas ! que j’aurai froid ! —
Dans une lune vide avec ma solitude ?…

Mais à quoi bon, Seigneur, chercher la fin de tout ?
Vous arrangerez bien ceci sans que j’y songe.
Je m’en vais, mon chemin dénudé se prolonge…
Vous êtes quelque part pour m’arrêter au bout.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Le léopard et l’écureuil (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



Illustration: Victor Adam
    
Le léopard et l’écureuil

Un écureuil sautant, gambadant sur un chêne,
Manqua sa branche, et vint, par un triste hasard,
Tomber sur un vieux léopard
Qui faisait sa méridienne.

Vous jugez s’il eut peur ! En sursaut s’éveillant,
L’animal irrité se dresse ;
Et l’écureuil s’agenouillant
Tremble et se fait petit aux pieds de son altesse.

Après l’avoir considéré,
Le léopard lui dit : je te donne la vie,
Mais à condition que de toi je saurai
Pourquoi cette gaîté, ce bonheur que j’envie,
Embellissent tes jours, ne te quittent jamais,
Tandis que moi, roi des forêts,
Je suis si triste et je m’ennuie.

Sire, lui répond l’écureuil,
Je dois à votre bon accueil
La vérité : mais, pour la dire,
Sur cet arbre un peu haut je voudrais être assis.
– Soit, j’y consens, monte. – j’y suis.
À présent je peux vous instruire.

Mon grand secret pour être heureux,
C’est de vivre dans l’innocence ;
L’ignorance du mal fait toute ma science ;
Mon cœur est toujours pur, cela rend bien joyeux.

Vous ne connaissez pas la volupté suprême
De dormir sans remords : vous mangez les chevreuils,
Tandis que je partage à tous les écureuils
Mes feuilles et mes fruits ; vous haïssez, et j’aime :

Tout est dans ces deux mots. Soyez bien convaincu
De cette vérité que je tiens de mon père :
Lorsque notre bonheur nous vient de la vertu,
La gaîté vient bientôt de notre caractère.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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Je sais fort bien parler d’amour (Raimbaut d’Orange)

Posted by arbrealettres sur 20 septembre 2023



Illustration: Frederic Leighton
    
Je sais fort bien parler d’amour
Au profit des autres amants
Mais pour moi, qui m’importe tant,
Je ne sais dire ni conter.
Rien ne me vient, pas plus louange
Que railleries ou mots pointus.
C’est qu’en amour je suis ainsi :
Trop bon, trop franc et trop sincère.

J’enseignerai donc la manière
D’aimer aux autres amoureux.
Et s’ils croient mon enseignement
Ils me devront bien des conquêtes !
Qu’on pende ou brûle sans tarder
Quiconque ne me croira pas,
Et gloire à ceux-là qui sauront
Se servir des clés de ma science !

Voulez-vous conquérir les dames
Qui vous feront peut-être honneur ?
Si leurs propos sont méprisants,
Faites les gros yeux, menacez !
Si elles se font trop insolentes,
Frappez-les du poing sur le nez !
Soyez aussi durs qu’elles sont.
Grand mal à elles, à vous grand paix !

Voulez-vous encore savoir
Comment conquérir les meilleures ?
Par méchants mots, par vantardises
Chants mauvais que vous leur ferez.
Honorez les pires de toutes,
Tentez d’égaler leurs défauts,
Veillez à ce que vos logis
N’aient pas l’air d’austères églises.

Ainsi vous aurez du succès.
Moi, j’agirai d’une autre sorte
Car il ne me plaît pas d’aimer.
Je ne veux pas plus en souffrir
Que si toutes étaient mes soeurs.
Je serai donc sûr et précieux,
Soumis et modeste, loyal,
Doux, amoureux, fidèle et tendre.

Mais gardez-vous de m’imiter,
Ma conduite sera folie !
Ne soyez pas comme je suis,
Tenez-vous-en à ma leçon,
Si vous ne voulez pas souffrir
De peines et pleurs infinis.
Si je voulais les courtiser
Je serais dur, rude, teigneux.

Sûr, j’ai le droit d’être moqueur
Car — ce n’est pas à mon honneur —
Je n’aime rien. Qu’est-ce qu’aimer?
J’ai un anneau, là, à mon doigt.
Il a fait ma joie, mais silence !
Tais-toi, ma langue, trop parler
Fait plus de mal qu’un grand péché.
Je tiendrai donc mon coeur bien clos

J’ai une Belle qui sait lire.
Tel est son prix, son dévouement,
Qu’aucun mal ne me viendra d’elle.
Ce poème est fait, qu’il s’en aille
À Rodez, dont je suis vassal.

(Raimbaut d’Orange)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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Frère, nul n’est éternel et rien ne dure (Rabindranath Tagore)

Posted by arbrealettres sur 9 juillet 2023



Illustration: Salvador Dali
    

Frère, nul n’est éternel et rien ne dure.
Frère, garde ceci dans ton coeur et réjouis-toi.

D’autres que nous
ont porté l’antique fardeau de la vie ;
d’autres que nous
ont fait le long voyage.
Un poète ne peut chanter toujours
la même ancienne chanson.
La fleur se fane et meurt ;
mais celui qui la portait
ne doit pas toujours pleurer sur son sort.

Frère, garde ceci dans ton coeur et réjouis-toi.

Il faut un long silence
pour tisser une harmonie parfaite.
La vie s’évanouit au coucher du soleil
pour s’anéantir dans les ombres dorées.
L’amour doit quitter ses feux
pour boire à la coupe de la douleur
et renaître dans le ciel des larmes.

Frère, garde ceci dans ton coeur et réjouis-toi.

Nous nous hâtons de cueillir nos fleurs
de peur qu’elles ne soient saccagées par le vent qui passe.
Ravir un baiser, qui s’évanouirait dans l’attente,
fait bouillir notre sang et briller nos yeux.
Notre vie est intense, nos désirs sont aiguisés
car le temps sonne la cloche de la séparation.

Frère, garde ceci dans ton coeur et réjouis-toi.

La beauté nous est douce,
parce qu’elle danse au même rythme fuyant que notre vie.
Le savoir nous est précieux
parce que jamais nous ne pourrons atteindre á la science suprême.
Tout est fait et tout est achevé dans l’Eternité.
Mais les fleurs terrestres de l’illusion
sont gardées éternellement fraîches par la mort.

Frère, garde ceci dans ton coeur et réjouis-toi.

(Rabindranath Tagore)

Recueil: Le Jardinier d’Amour
Editions: Gallimard

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Science (André Dhôtel)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2023




    
Science

Au-delà des chardons sont les arbres.
Au-delà des arbres sont les nuages,
les étoiles et puis rien.
C’est tout près qu’est le visiteur,
l’ange aux bleuets, aux sanguisorbes,
dans l’herbe entrecroisée
où se tissent la vérité
et les feux invisibles.

Non, je ne l’ai pas vu
je n’ai rien deviné.
Mais je sais qu’il se peut
que des rayons soient renversés
que des miroirs soient traversés
par un geste délicat
qui entr’ouvre la lumière.

Ainsi fait une enfant
qui passe dans les roseaux
et ne laisse d’autre trace
que la fidélité d’un corps
à jamais inconnu.

(André Dhôtel)

Recueil: Poèmes
Traduction:
Editions: Phébus

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Je ne veux pas penser aux choses en tant que présentes (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2023



Illustration: Gilbert Garcin
    
Je ne veux pas penser aux choses en tant que présentes ;
je veux y penser en tant que choses.
Je ne veux pas les séparer d’elles-mêmes,
en les traitant de présentes.

Je ne devrais même pas les traiter de réelles.
Je ne devrais les traiter de rien du tout.

Je devrais les voir, tout simplement les voir ;
Les voir hors temps, hors espace,
Voir en réussissant à me dispenser de tout
sauf de ce qui est vu.

Telle est la science du voir,
qui n’en est pas une.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes païens
Traduction: du Portugais par M. Chandeigne , P. Quillier et M. A. Camara Manuel
Editions: Points

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Je pense que je pense et d’y penser je suis (Jean Cocteau)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2023



Illustration: Salvador Dali
    
Je pense que je pense et d’y penser je suis
Et ne suis parce que je pense
Et ce triste savoir embrouille ma science
Ajoute une nuit à mes nuits.

Que ne suis-je sans être et sans une mémoire
Mêlant le demain et l’hier
Et qui déroule en moi cette mouvante moire
Dangereuse comme la mer.

Mieux me va le sommeil et son vague mélange
Où je ne me charge de rien
Et son théâtre obscur dont la pièce me change
En un moi qui n’est plus le mien.

(Jean Cocteau)

 

Recueil: Clair-obscur
Traduction:
Editions: Points

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Les blanchisseuses (Varlam Chalamov)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2022




    
Les blanchisseuses

Sur la rive neuf blanchisseuses
En silence lèvent les bras,
Et je ne comprends vraiment pas
Ce qu’elles font avec leurs bras.

Neuf femmes rincent le linge.
Une épreuve de lumière et de son
Dans mon enfance, et mon être
Surgit ainsi en une haute science.

J’étais donc là, debout, un peu bête,
Doutant de ma soudaine vision,
Je séparais à jamais ce chant
De la marche connue du monde.

(Varlam Chalamov)

 

Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau

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