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Posts Tagged ‘dévouement’

Je sais fort bien parler d’amour (Raimbaut d’Orange)

Posted by arbrealettres sur 20 septembre 2023



Illustration: Frederic Leighton
    
Je sais fort bien parler d’amour
Au profit des autres amants
Mais pour moi, qui m’importe tant,
Je ne sais dire ni conter.
Rien ne me vient, pas plus louange
Que railleries ou mots pointus.
C’est qu’en amour je suis ainsi :
Trop bon, trop franc et trop sincère.

J’enseignerai donc la manière
D’aimer aux autres amoureux.
Et s’ils croient mon enseignement
Ils me devront bien des conquêtes !
Qu’on pende ou brûle sans tarder
Quiconque ne me croira pas,
Et gloire à ceux-là qui sauront
Se servir des clés de ma science !

Voulez-vous conquérir les dames
Qui vous feront peut-être honneur ?
Si leurs propos sont méprisants,
Faites les gros yeux, menacez !
Si elles se font trop insolentes,
Frappez-les du poing sur le nez !
Soyez aussi durs qu’elles sont.
Grand mal à elles, à vous grand paix !

Voulez-vous encore savoir
Comment conquérir les meilleures ?
Par méchants mots, par vantardises
Chants mauvais que vous leur ferez.
Honorez les pires de toutes,
Tentez d’égaler leurs défauts,
Veillez à ce que vos logis
N’aient pas l’air d’austères églises.

Ainsi vous aurez du succès.
Moi, j’agirai d’une autre sorte
Car il ne me plaît pas d’aimer.
Je ne veux pas plus en souffrir
Que si toutes étaient mes soeurs.
Je serai donc sûr et précieux,
Soumis et modeste, loyal,
Doux, amoureux, fidèle et tendre.

Mais gardez-vous de m’imiter,
Ma conduite sera folie !
Ne soyez pas comme je suis,
Tenez-vous-en à ma leçon,
Si vous ne voulez pas souffrir
De peines et pleurs infinis.
Si je voulais les courtiser
Je serais dur, rude, teigneux.

Sûr, j’ai le droit d’être moqueur
Car — ce n’est pas à mon honneur —
Je n’aime rien. Qu’est-ce qu’aimer?
J’ai un anneau, là, à mon doigt.
Il a fait ma joie, mais silence !
Tais-toi, ma langue, trop parler
Fait plus de mal qu’un grand péché.
Je tiendrai donc mon coeur bien clos

J’ai une Belle qui sait lire.
Tel est son prix, son dévouement,
Qu’aucun mal ne me viendra d’elle.
Ce poème est fait, qu’il s’en aille
À Rodez, dont je suis vassal.

(Raimbaut d’Orange)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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Avec mes sens, avec mon coeur … (Emile Verhaeren)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2017



Illustration: Félix Vallotton
    
Avec mes sens, avec mon coeur …

Avec mes sens, avec mon coeur et mon cerveau,
Avec mon être entier tendu comme un flambeau
Vers ta bonté et vers ta charité
Sans cesse inassouvies,
Je t’aime et te louange et je te remercie
D’être venue, un jour, si simplement,
Par les chemins du dévouement,
Prendre, en tes mains bienfaisantes, ma vie.

Depuis ce jour,
Je sais, oh ! quel amour
Candide et clair ainsi que la rosée
Tombe de toi sur mon âme tranquillisée.

Je me sens tien, par tous les liens brûlants
Qui rattachent à leur brasier les flammes ;
Toute ma chair, toute mon âme
Monte vers toi, d’un inlassable élan ;
Je ne cesse de longuement me souvenir
De ta ferveur profonde et de ton charme,
Si bien que, tout à coup, je sens mes yeux s’emplir,
Délicieusement, d’inoubliables larmes.

Et je m’en viens vers toi, heureux et recueilli,
Avec le désir fier d’être à jamais celui
Qui t’est et te sera la plus sûre des joies.
Toute notre tendresse autour de nous flamboie ;
Tout écho de mon être à ton appel répond ;
L’heure est unique et d’extase solennisée
Et mes doigts sont tremblants, rien qu’à frôler ton front,
Comme s’ils y touchaient l’aile de tes pensées.

(Emile Verhaeren)

Découvert ici: https://petalesdecapucines.wordpress.com/

 

 

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LA BERCEUSE (Jean Richepin)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2017



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LA BERCEUSE

Malgré tout, tu fus bonne et tu m’aimais vraiment.
Il me faudrait mentir pour dire le contraire.
Aucun soupçon jaloux ne vient plus me distraire,
Et je vois aujourd’hui quel fut ton dévouement.

Tu passas près de moi plus d’un triste moment,
Quand les soucis rendaient mon humeur arbitraire.
Mais tu savais alors me chérir comme un frère;
Au lieu de m’en vouloir, tu calmais mon tourment.

Pleins du trésor de tes charités merveilleuses,
Tes yeux bleus se faisaient plus doux que des veilleuses ;
Câline, tu pressais sur toi mon front en feu;
Tu me berçais avec ta chanson consolante ;
Et tandis que mon mal s’endormait peu à peu.
J’écoutais gazouiller ta voix rossignolante.

(Jean Richepin)

 Illustration: Peter Mitchev 

 

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L’Etoile de Vénus (VI) (José-Maria de Heredia)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2016



Jeunesse ,dévouement, amour, virginité
Qui de nous à seize ans n’a fixé dans un être
Ce rêve de ses nuits? Quel coeur n’a palpité
A ces premiers élans souvent sans se connaître.

Lorsque dans notre coeur l’amour venait de naître
En serrant dans nos bras l’idéale beauté
N’avons-nous pas senti le monde disparaître
Et ne croyions-nous pas à son Eternité?

Il est doux de songer plus tard à ce délire
Et de se souvenir après avoir aimé
Et d’entendre vibrer les cordes de la lyre

Il nous semble revivre à ce souffle embaumé
C’est l’intime plaisir que l’on trouve à relire
Un livre préféré depuis longtemps fermé.

(José-Maria de Heredia)

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