Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘se servir’

L’univers s’explore lui-même (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2024




    
L’univers s’explore lui-même.
La vie est l’instrument
dont se sert l’univers pour s’explorer.

La flèche se retourne et se cloue en elle-même.
Et l’homme est la pointe de la flèche.

L’homme se cloue dans l’homme,
mais le but de la flèche n’est pas l’homme.

Un labyrinthe ne se découvre
que dans un autre labyrinthe.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Le Renard et le Bouc (Isaac de Benserade)

Posted by arbrealettres sur 11 janvier 2024




    
Le Renard et le Bouc.

Tous deux au fond d’un puits taciturnes et mornes,
De s’assister l’un l’autre avaient pris le parti ;
Pour sortir le renard se haussant sur ses cornes,
Fit les cornes au bouc après qu’il fut sorti.

Il ne le paya pas même d’un grand merci.
Qui s’est servi de toi souvent en use ainsi :
Dans le puits beaux discours tant qu’on est nécessaire ;
Mais mon traité signé, le tien c’est ton affaire.

(Isaac de Benserade)

 

Recueil: Fables
Editions:

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LES AUTRES ÉTÉS (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023




    
LES AUTRES ÉTÉS

Il y aura d’autres étés
D’autres grillons feront leurs gammes
dans d’autres blés
On croisera sur la route d’autres dames

Un autre merle inventera
une chanson presque la même
Un autre monsieur se trouvera
là sous cet arbre où je t’aime

Une petite fille qui n’est pas née encore
fera une poupée en coquelicot
à cet endroit précis où ton corps
endormi se mêle au long bruit de l’eau

On dira (mais ce seront d’autres)
Il faudrait bien un bon coup de pluie
Ça ferait du bien aux récoltes
Les mots feront le même bruit

Mais plus personne plus personne
ne se servira de mon coeur à moi
ni de ta voix à toi qui résonne
dans mon oreille et mon corps à moi.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Je sais fort bien parler d’amour (Raimbaut d’Orange)

Posted by arbrealettres sur 20 septembre 2023



Illustration: Frederic Leighton
    
Je sais fort bien parler d’amour
Au profit des autres amants
Mais pour moi, qui m’importe tant,
Je ne sais dire ni conter.
Rien ne me vient, pas plus louange
Que railleries ou mots pointus.
C’est qu’en amour je suis ainsi :
Trop bon, trop franc et trop sincère.

J’enseignerai donc la manière
D’aimer aux autres amoureux.
Et s’ils croient mon enseignement
Ils me devront bien des conquêtes !
Qu’on pende ou brûle sans tarder
Quiconque ne me croira pas,
Et gloire à ceux-là qui sauront
Se servir des clés de ma science !

Voulez-vous conquérir les dames
Qui vous feront peut-être honneur ?
Si leurs propos sont méprisants,
Faites les gros yeux, menacez !
Si elles se font trop insolentes,
Frappez-les du poing sur le nez !
Soyez aussi durs qu’elles sont.
Grand mal à elles, à vous grand paix !

Voulez-vous encore savoir
Comment conquérir les meilleures ?
Par méchants mots, par vantardises
Chants mauvais que vous leur ferez.
Honorez les pires de toutes,
Tentez d’égaler leurs défauts,
Veillez à ce que vos logis
N’aient pas l’air d’austères églises.

Ainsi vous aurez du succès.
Moi, j’agirai d’une autre sorte
Car il ne me plaît pas d’aimer.
Je ne veux pas plus en souffrir
Que si toutes étaient mes soeurs.
Je serai donc sûr et précieux,
Soumis et modeste, loyal,
Doux, amoureux, fidèle et tendre.

Mais gardez-vous de m’imiter,
Ma conduite sera folie !
Ne soyez pas comme je suis,
Tenez-vous-en à ma leçon,
Si vous ne voulez pas souffrir
De peines et pleurs infinis.
Si je voulais les courtiser
Je serais dur, rude, teigneux.

Sûr, j’ai le droit d’être moqueur
Car — ce n’est pas à mon honneur —
Je n’aime rien. Qu’est-ce qu’aimer?
J’ai un anneau, là, à mon doigt.
Il a fait ma joie, mais silence !
Tais-toi, ma langue, trop parler
Fait plus de mal qu’un grand péché.
Je tiendrai donc mon coeur bien clos

J’ai une Belle qui sait lire.
Tel est son prix, son dévouement,
Qu’aucun mal ne me viendra d’elle.
Ce poème est fait, qu’il s’en aille
À Rodez, dont je suis vassal.

(Raimbaut d’Orange)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Il a une voiture depuis peu (Georges Perros)

Posted by arbrealettres sur 10 Mai 2023




    
Il a une voiture depuis peu.
Il est en vacances.
Tous les matins
Il vient faire le ménage
De sa voiture.
Il rentre d’abord dedans
Sort le bras gauche
Met la main sur le toit
Et tapote avec trois doigts
En sifflotant
Il est content.
Puis il sort.

Il la regarde
En fait le tour
La caresse
Il l’aime.
Il lui flanquerait une petite panne
Avec plaisir,
Rien que pour pouvoir lui traficoter
Le ventre
Et se servir des outils tout neufs
Dans le bel étui.
On se demande où est sa femme
Pendant ce temps-là.

(Georges Perros)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Les autres étés (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 25 août 2022



Illustration: Frédéric Rébéna
    
Les autres étés

Il y aura d’autres étés
D’autres grillons feront leurs gammes
dans d’autres blés
On croisera sur la route d’autres dames

Un autre merle inventera
une chanson presque la même
Un autre monsieur se trouvera là
sous cet arbre où je t’aime

Une petite fille qui n’est pas née encore
fera une poupée en coquelicot
à cet endroit précis où ton corps
endormi se mêle au long bruit de l’eau

On dira (mais ce seront d’autres)
Il faudrait bien un bon coup de pluie
Ça ferait du bien aux récoltes
Les mots feront le même bruit

Mais plus personne plus personne
ne se servira de mon cœur à moi
ni de ta voix à toi qui résonne
dans mon oreille et mon corps à moi.

(Claude Roy)

 

Recueil: Poèmes de Claude Roy
Traduction:
Editions : Bayard Jeunesse

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Ne vous servez pas du teléphone (Jack Kerouac)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2021




    
A Edward Dahlberg

Ne vous servez pas du teléphone.
Les gens ne sont jamais prêts à répondre.
Servez-vous de la poésie.

***

To Edward Dahlberg

Don’t use the telephone
People are never ready to answer it.
Use poetry.

(Jack Kerouac)

 

Recueil: Poèmes
Traduction:
Editions: Seghers

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , | Leave a Comment »

Les champs et le jardin (Tao Yuan Ming)

Posted by arbrealettres sur 23 juin 2020



    

Les champs et le jardin doivent déjà être envahis par les herbes,
Pourquoi ne m’en suis-​je pas retourné plus tôt ?…
Aujourd’hui j’ai raison, hier j’avais tort…
J’interroge des passants pour trouver le bon chemin
À l’aube je regrette que la lumière soit à peine claire
Dès que j’aperçois mon humble hutte,
Joyeux aussitôt je me mets à courir
Le jeune serviteur vient m’accueillir,
Mes jeunes enfants attendent à la porte…
Tenant la main des enfants j’entre dans la maison
Il y a un pot rempli de vin
Je prends le pot, me sers et bois seul
À contempler les arbres dans la cour se réjouit mon visage

(Tao Yuan Ming)

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LE POMMIER SUR LA ROUTE (Mihai Beniuc)

Posted by arbrealettres sur 17 juin 2020



Illustration: Henri Eisenberg
    
LE POMMIER SUR LA ROUTE

Je suis un pommier tout près de la route
Que ne longe pas de clôture.
Ils sont rouges mes fruits,
Ils flamboient dans mes branches.
Sers-toi, passant, on ne te dira rien.
Et si tu tiens à remercier quelqu’un,
Remercie la terre où j’ai mes racines,
Ce pays-ci qui nous berce tous deux,
Qui me nourrit, qui te nourrit aussi.

Quand au printemps le soleil devient bon,
Je sens se faire en moi une nuée de fleurs,
Quand l’été me verse un suc vénéré,
J’incline jusqu’au sol mes branches
Pour rendre grâce à la terre,
Et lui dire humblement
Ce que je veux lui dire,
Je ne sais trop comment.

Quand vient l’automne
Et que mes branches ploient sous la foison des fruits,
Je les offre aux humains,
Puis quand commence à tomber ma parure,
Quand la neige me fait une fourrure épaisse,
J’étreins très fort le sol de toutes mes racines
Afin que la tempête
Ne puisse m’arracher à mes assises,
Et d’année en année je porte plus de fruits
Et chaque année je veux en donner davantage.

Je chéris les enfants balancés dans mes branches,
Portant le foulard rouge
Qui parle d’un drapeau.
Et je chéris aussi les jeunes filles
Dont les pieds blancs parcourent mon feuillage,
Poches, tabliers tout remplis de pommes,
Criant de joie, les joues en feu.

J’arrive alors à oublier les gens
Qui ont jeté des pierres
Dans ma boule de feuilles.
Je me souviens que le printemps passé
Deux jeunes gens se sont appuyés à mon tronc
Et se sont embrassés,
Que le garçon, joyeux,
Mit une fleur à son chapeau
Et partit en chantant.

Je suis un pommier tout près de la route
Que ne longe pas de clôture.
Ils sont rouges, mes fruits,
Ils flamboient dans mes branches.
Sers-toi, passant, on ne te dira rien.
Et si tu tiens à remercier quelqu’un,
Remercie la terre où j’ai mes racines,
Ce pays-ci qui nous berce tous deux,
Qui me nourrit, qui te nourrit aussi.

(Mihai Beniuc)

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Drôle de pays (Marianne Van Hirtum)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2019




    
Drôle de pays

Ce fut une étrange matinée-feuille
une étrange matinée-verte
les oiseaux tombaient des arbres
comme des feuilles les oiseaux tombaient,
bientôt le sol fut jonché d’oiseaux tombés
drôle de pays.
Il pleuvait des feuilles rapides denses comme la pluie,
sorties de nuages crevés.
Drôle de pays,
il n’y eut plus que des enfants,
couraient perdus hagards cherchaient,
– ne trouvaient pas.
Ces enfants étaient faits de pluie
lorsque s’entrouvraient leurs manteaux on les voyait
d’eau glacée trempés.
Ils avaient d’immenses yeux bleus
dont ils se servaient pour se battre
que dans leurs querelles ils se jetaient au visage,
qui tombés sur la terre vous regardaient, vous regardaient.

Ne cesseront plus de vous regarder.

(Marianne Van Hirtum)

 

Recueil: Bris de vers Les émeutiers du XXè siècle
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »