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Poésie

Posts Tagged ‘cesser’

Navire qui pars pour le lointain (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 14 Mai 2024




    
Navire qui pars pour le lointain,
Pourquoi est-ce que, contrairement aux autres,
Je ne ressens pas, une fois disparu, des saudades de toi ?
Parce que quand je ne te vois plus, tu cesses d’exister.
Et si on a la nostalgie de ce qui n’existe pas,
On n’est plus alors en relation avec rien,
Ce n’est pas du navire, mais de nous, que l’on ressent le manque.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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Lieu. Maison. Foyer. (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024



Illustration: Salavat Fidai
    
Lieu. Maison. Foyer.

Je marche dans une ville
qui a cessé de m’habiter.

Je la touche décousue,
des
fourmis
sortent
des briques des murs,
des alarmes s’élèvent
et plus aucune sirène ne répond
— il se peut qu’il y ait des fourmilières
dans tous les jardins —.

Je jurerais que tout a changé.
Je jurerais qu’avant, ici,
il y avait une mer.
Ou un ciel.

Je jurerais que j’ai survolé cette ville
avec plus d’ailes
que d’années.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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Peut-être avons-nous le sentiment d’avancer (Christophe Manon)

Posted by arbrealettres sur 17 avril 2024




Illustration: Gilbert Garcin
    
Peut-être
avons-nous
le sentiment d’avancer
quand nous tournons en rond
et que nous creusons
sans même y prendre garde
avec persévérance
la fosse
où nos os blanchiront
ainsi
nous marchons
nus frêles
et tremblants
à notre obscur destin.

*

Peinant et suant
comme bêtes de somme
sous le soleil
d’aplomb poing tendu
vers le ciel vide
avec entre les dents
ce petit os à ronger
— mais nul ne sait
quand cela cessera.

(Christophe Manon)

Recueil: Provisoires
Editions: NOUS

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Entourer chaque son d’un cercle (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Entourer chaque son d’un cercle,
pour éviter qu’il ne se disperse
comme un amas de plumes arrachées.

Entourer par exemple
le tintement initial d’une cloche,
le bruit que fait le temps quand il lime les choses,
le choc des vertèbres du rêve,
le toucher menu de la pluie,
le frôlement interstitiel d’une chute.

Et de tous les cercles
faire au son une demeure,
pour que le silence cesse d’être une trahison.

Et aussi pour que la vie
qui n’est rien qu’un autre son,
apprenne à construire son propre cercle.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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ANALOGUE (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2024




    
ANALOGUE

Oui, joins les mains et prie…
Que tu pries est dans l’air…
Je sens que l’âme est prise
A tout ce que tu penses…

Il n’y a pas de chapelle,
Mais la paix de te croire
Rien que priant : en elle,
Moi, te rêver, te voir…

Rien de tout ça n’est sûr…
Tu souris, tu souris,
Et des nuages près
Planent de leurs profils…

De tous je ne sais rien.
Et je les aime tous…
Dans les nues je m’oublie
Et alors je m’appelle…

Mais le chant a cessé
Qui m’avait fait rêver
Tout cet enchantement…
Laisse-moi ne pas te trouver…

(Fernando Pessoa)

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Quelqu’un s’élèvera de la terre (Joy Harjo)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2024



Illustration
    
Quelqu’un s’élèvera de la terre
Sans ailes.

Un autre tombera du ciel
En passant par les noeuds d’un arbre.

Le chaos est primordial.
Tous les mots y prennent racine.

Tu ne dormiras jamais plus
Mais tu ne cesseras jamais de rêver.

La fin ne peut que suivre le commencement.
Et elle zigzaguera à travers le temps, les gouvernements, les amants.

Sois qui tu es, même si ça te tue.

Ça te tuera, oui. Encore et encore.
Alors même que tu vis.

Brise-moi le coeur, allez, veux-tu ?

***

Someone will lift from the earth
Without wings.

Another will fall from the sky
Through the knots of a tree.

Chaos is primordial.
All words have roots here.

You will never sleep again
Though you will never stop dreaming.

The end can only follow the beginning.
And it will zigzag through time, governments, and lovers.

Be who you are, even if it kills you.

It will. Over and over again.
Even as you live.

Break my heart, why don’t you?

(Joy Harjo)

Recueil: L’aube américaine
Traduction: de l’anglais (Etats Unis) par Héloïse Esquié
Editions: Globe

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Pourquoi (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2024




    
Pourquoi les feuilles occupent-elles le lieu des feuilles
et non celui qui reste entre les feuilles ?
Pourquoi ton regard occupe-t-il le vide qui est devant la raison
et non celui qui est derrière ?
Pourquoi te souviens-tu que la lumière meurt
et par contre oublies-tu que l’ombre meurt aussi ?

Pourquoi s’affine le coeur de l’air
jusqu’à ce que le chant devienne un autre vide dans le vide ?.
Pourquoi ne fais-tu silence à l’endroit même
où mourir est la juste présence
suspendue à l’arbre de sa propre vie ?

Pourquoi ces traits où le corps cesse
et non un autre corps et un autre et un autre ?
Pourquoi cette courbe du pourquoi et non le signe
d’une droite sans fin avec un point dessus ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Il y a un temps de l’oeil (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024




    
Il y a un temps de l’oeil
qui cesse de regarder
vers l’avant ou l’arrière
et se repose en soi.

Et il y a un temps du temps,
de la rencontre du temps avec le temps,
un écoulement sans témoins,
une durée durée.

Le point est ce qui résume.
Il faut surveiller le point.
Surtout le point final.
Ou peut-être celui qui suit.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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L’AMPOULE ÉLECTRIQUE (Jack Kerouac)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2024




    
L’AMPOULE ÉLECTRIQUE
SOUDAIN S’EST ÉTEINTE –
J’AI CESSÉ DE LIRE

***

THE LIGHT BULB
SUDDENLY WENT OUT –
STOPPED READING

(Jack Kerouac)

Recueil: Le livre des haïku
Traduction: Bertrand Agostini
Editions: La Table Ronde

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UNE PRIÈRE (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2024




    
UNE PRIÈRE

Notre père qui êtes aux cieux
Dans la lune pleine
Et le soleil vide
Épargnez la vie de mes parents
Dont la maison est sur la ligne du front
Et qu’ils ne veulent pas quitter
Tel un cercueil
Protégez mon mari
Qui est de l’autre côté de cette guerre
Comme de l’autre côté de la rivière
Et vise de sa carabine le cou
Qu’il embrassait autrefois

Je porte sur moi ce gilet pare-balles
Et je n’arrive pas à m’en débarrasser
Il est comme ma peau
Je porte en moi son enfant
Et je n’arrive pas à le chasser
Il s’est emparé de mon corps
Je porte en moi cette Patrie
Et je n’arrive pas à la vomir
Car comme le sang
Elle coule dans mes veines

Donnez aux affamés notre pain quotidien
Qu’ils cessent de se manger les uns les autres
Donnez notre lumière aux incultes
Que la lumière leur soit faite
Pardonnez-nous nos villes détruites
bien que nous ne le pardonnions pas à nos ennemis
Et ne nous soumettez pas à la tentation
De détruire ce monde corrompu
Mais délivrez-nous du mal
Soulagez le fardeau de notre Patrie
Piètre gilet pare-balles
Pesant et inutile

Protégez de moi
Mon mari, mes parents
Mon enfant et ma Patrie

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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