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Poésie

Posts Tagged ‘autrefois’

NEIGE (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
NEIGE

Neige dehors neige dedans
neige lente sur les frissons
neige noire à crever les yeux
pas un humain qui vous réponde
il doit leur neiger sur la voix
est-ce que tout le monde est mort
est-ce que je suis le dernier vivant
enfoui sous quelques flocons de rien
(posant le rien tout autour je veux dire)
corrompu jusqu’à l’os par le deuil et le froid
car il neige à n’en plus finir
de plein fouet sur le chagrin
comme autrefois doucement sans pardon
neige légère à serrer le coeur
neige lourde à tuer le temps
c’est bien l’éternité comme prévu
qui précipite exactement sur moi
c’est tout simple il ne fallait pas naître

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

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UNE PRIÈRE (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2024




    
UNE PRIÈRE

Notre père qui êtes aux cieux
Dans la lune pleine
Et le soleil vide
Épargnez la vie de mes parents
Dont la maison est sur la ligne du front
Et qu’ils ne veulent pas quitter
Tel un cercueil
Protégez mon mari
Qui est de l’autre côté de cette guerre
Comme de l’autre côté de la rivière
Et vise de sa carabine le cou
Qu’il embrassait autrefois

Je porte sur moi ce gilet pare-balles
Et je n’arrive pas à m’en débarrasser
Il est comme ma peau
Je porte en moi son enfant
Et je n’arrive pas à le chasser
Il s’est emparé de mon corps
Je porte en moi cette Patrie
Et je n’arrive pas à la vomir
Car comme le sang
Elle coule dans mes veines

Donnez aux affamés notre pain quotidien
Qu’ils cessent de se manger les uns les autres
Donnez notre lumière aux incultes
Que la lumière leur soit faite
Pardonnez-nous nos villes détruites
bien que nous ne le pardonnions pas à nos ennemis
Et ne nous soumettez pas à la tentation
De détruire ce monde corrompu
Mais délivrez-nous du mal
Soulagez le fardeau de notre Patrie
Piètre gilet pare-balles
Pesant et inutile

Protégez de moi
Mon mari, mes parents
Mon enfant et ma Patrie

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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Métro, station Wittenbergplatz (Hans Magnus Enzensberger)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2024



    

Métro, station Wittenbergplatz

Ceux qui, sous tes yeux, descendent vers toi
dans l’Hadès quotidien
par l’escalator, ce vieil homme renfrogné
au coeur morose,
et la femme fripée
qui marmonne à part soi son amertume…

Eux aussi pourtant ont été épris,
autrefois, un jour, oublieux d’eux-mêmes,
absents, rayonnants peut-être
d’exaltation, ou pas?
Comment est-ce arrivé? Depuis quand? Et pourquoi?
Dehors, la neige elle aussi s’est déjà transformée

en gadoue

***

U-Bahn Wittenbergplatz

Die dir da entgegensinken, abwärts
in den alltäglichen Hades
auf der Rolltreppe, dieser alte Mann,
ganz bei sich in seinem mürrischen Herzen,
und die zerknitterte Frau,
die etwas Bitteres vor sich hinmurmelt —

die waren doch auch einmal entflammt,
früher, irgendwann, selbstvergessen,
außer sich, strahlend
vor Übermut, oder nicht?
Wie kam es? Seit wann? Und warum?
Draußen der Schnee ist auch schon wieder

zu Matsch geworden

(Hans Magnus Enzensberger)

Recueil: L’HISTOIRE DES NUAGES 99 méditations
Traduction: de l’allemand par Frédéric Joly et Patrick Charbonneau
Editions: Vagabonde

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PATHÉTIQUE Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    PATHÉTIQUE

O pathétique des jeunes filles :
leurs cris de joie
leurs mains ouvertes
leurs glorioles étranges
tournaient parfois à l’aigre
tout d’un coup comme le lait d’autrefois
sur le fourneau d’émail historié de losanges
et chargé de braises.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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Accourez au secours de ma mort violente… (Théodore Agrippa d’Aubigné)

Posted by arbrealettres sur 13 février 2024



Illustration: Etienne-Maurice Falconet
    
Accourez au secours de ma mort violente…

Accourez au secours de ma mort violente,
Amants, nochers experts en la peine où je suis,
Vous qui avez suivi la route que je suis
Et d’amour éprouvé les flots et la tourmente.

Le pilote qui voit une nef périssante,
En l’amoureuse mer remarquant les ennuis
Qu’autrefois il risqua, tremble et lui est avis
Que d’une telle fin il ne perd que l’attente.

Ne venez point ici en espoir de pillage :
Vous ne pouvez tirer profit de mon naufrage,
Je n’ai que des soupirs, de l’espoir et des pleurs.

Pour avoir mes soupirs, les vents lèvent les armes.
Pour l’air sont mes espoirs volagers et menteurs,
La mer me fait périr pour s’enfler de mes larmes.

(Théodore Agrippa d’Aubigné)

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« Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière… » (Les Dix-Neuf Poèmes anciens des Han)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2024



Illustration: Zheng Jian
    
« Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière… »

Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière
Amples, si amples se déploient les saules du jardin
Belle, si belle cette femme qui se tient en haut des marches
Claire et brillante, elle apparaît dans la fenêtre
Charmant, si charmant son visage poudré
Fines, si fines ses mains blanches qui se découvrent
Autrefois chanteuse, elle ornait la maison de musique
La voilà aujourd’hui à un petit qui délaisse son foyer
Comment se résoudre à voir encore son lit inoccupé ?

Le banquet remplit le jour d’échos hilares
Et les joies délicieuses épuisent encore nos mots.
Comment dire cette merveille que le luth accentue ?
Son chant m’amène au voisinage céleste,
Le génie musical embrase l’écoute de ceux qui s’attardent
Et c’est d’un seul coeur que nous portons l’élan de nos souhaits
Mais la fête entamée garde encore une pensée silencieuse.
Les jours des hommes tourbillonnent puis se dispersent.
Si peu de temps pour jouir du beau séjour !
Pourquoi ne pas laisser ses ambitions galoper ?
Pour être ainsi le premier arrivé aux commandes du monde
Pourquoi rester pauvre et ignoré,
Enlisé dans les marais aigres du ressentiment !

(Les Dix-Neuf Poèmes anciens des Han)
(Ier siècle apr. J.-C.)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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Espoir (Germain Droogenbroodt)

Posted by arbrealettres sur 2 février 2024



 Illustration: Barb Hofer
    
Espoir

C’est l’hiver
le vent glacial a des arbres
arraché les dernières feuilles
autrefois protection
et asile pour les oiseaux

Ils grelottent de froid
et pourtant pépient encore
eux aussi continuent d’espérer
en des temps meilleurs.

(Germain Droogenbroodt)

Traduction de Elisabeth Gerlache

de “La Voie de l’être”

Autres langues:

Anglais: https://www.point-editions.com/en/777-hope
Espagnol: https://www.point-editions.com/es/777-hope
Néerlandais: https://www.point-editions.com/nl/777-hope
Autres: https://www.point-editions.com/ww/777-hope

Recueil: ITHACA 777
Editions: POINT
Site: http://www.point-editions.com/en/

FRIENDS ITHACA
Holland: https://boekenplan.nl
Poland: http://www.poetrybridges.com.pl
France: https://arbrealettres.wordpress.com
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Romania: http://www.logossiagape.ro; http://la-gamba.net/ro; http://climate.literare.ro; http://www.curteadelaarges.ro.; https://cetatealuibucur.wordpress.com
Spain: https://www.point-editions.com; https://www.luzcultural.com
India: https://nvsr.wordpress.com; https://ourpoetryarchive.blogspot.com>
USA-Romania: http://www.iwj-magazine.com/journal02

ITHACA-FIN

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L’ami (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2024




    
L’ami que j’avais pour m’aimer,
Il s’en va de plus en plus loin.
L’ami que j’avais pour m’aider,
Il vient dès que j’en ai besoin.

Et mon coeur s’arrête pendant
Que son regard sur moi s’abaisse.
Il s’arrête, il guette, il attend
Qu’enfin le sien me reconnaisse

Et folle d’espoir ma douleur
Accourt, pâle, aux bords de mon être
Comme une femme à la fenêtre.
Revient-il? Revient-il, ce coeur?

Revient-il, ce coeur? Sur sa bouche
Vole-t-il tout bas? Dans sa main
Qui saisit la mienne soudain,
Est-ce lui, soudain, qui me touche ?

Dans sa parole a-t-il tremblé
Comme autrefois? Bat-il des ailes
Comme autrefois dans ses prunelles?
L’air entre nous s’est-il troublé?

Non Ah! non ! folle, ce qui frissonne,
C’est le temps qui passe, c’est toi…
Mon ami marche autour de moi
Mais en lui je n’ai plus personne.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les chants de la Merci suivi de Chants des Quatre-Temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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ALBUM (Ron Padgett)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2024




    
ALBUM

Les images mentales que je conserve de mes parents
et de mes grands-parents et de mon enfance
commencent à se briser en petits morceaux,
soufflés loin de moi dans l’espace vide,
par le même vent qui m’aspire là-bas si doucement,
si doucement qu’il ne dresse pas un seul de mes cheveux sur ma tête
(il faut dire qu’il n’y en a plus beaucoup à dresser).

L’idée de la mort comme la fin m’est aujourd’hui plus difficile à supporter.
Autrefois j’avais tendance à me demander
pourquoi les gens jugeaient la vie tragique ou triste.
N’est-elle pas également comique et drôle?
Et par-dessus tout, n’est-elle pas étonnante et merveilleuse?

Oui, mais seulement si on l’a.
Et je commence à ne plus l’avoir.
Les photos se désintègrent, comme si leurs molécules disaient « J’en ai assez »,
prêtes à s’en aller former une nouvelle configuration ailleurs.
Elles nous trahissent, ces particules, nous qui tes avons tant aimées.
Elles nous traitent comme des moins que rien.

(Ron Padgett)

 

Recueil: On ne sait jamais
Traduction: Claire Guillot
Editions: Joca Seria

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MÉDITATION DU VIEUX PÊCHEUR (William Butler Yeats)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2023



Illustration: Flo DS
    
MÉDITATION DU VIEUX PÊCHEUR

Ô vagues qui dansez à mes pieds comme des enfants qui jouent
Vous lancez vos éclairs furtifs et vos flèches, vous savez ronronner ;
Mais aux juins plus chauds d’autrefois les vagues étaient plus gaies ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

Le hareng ne vient plus comme autrefois dans les courants;
Quelle tristesse ! comme craquait la bourriche dans la charrette
Qui ramenait la pêche au marché de Sligo ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

Et vous, fière jeune fille, vous n’êtes plus si belle
Quand sur l’eau retentit son aviron, que les fières et solitaires
Qui le soir près des filets marchaient sur les galets ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

***

THE MEDITATION OF THE OLD FISHERMAN

You waves, though you dance by my feet like children ai play,
Though you glow and you glance, though you purr and you dart;
In the Junes that were warmer than these are, the waves were more gay,
When I was a boy with never a crack in my heart.

The herring are not in the tides as they were of old;
My sorrow! for many a creak gave the creel in the can
That carried the take to Sligo town to be sold,
When I was a boy with never a crack in my heart.

And ah, you proud maiden, you are not so fair when his oar
Is heard on the water, as they were, the proud and apart,
Who paced in the eve by the nets on the pebbly shore,
When I was a boy with never a crack in my heart.

(William Butler Yeats)

Recueil: La Rose et autres poèmes
Traduction; de l’anglais (Irlande) par Jean Briat
Editions: POINTS

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