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Poésie

Posts Tagged ‘supporter’

Tout cet amour (Hala Mohammad)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2024




    
Tout cet amour

Mon coeur ne supporte pas tout cet amour
Toutes ces vagues déchaînées ne sont pas mes émotions

Quelqu’un s’est déchargé dans mon coeur
Et a filé.

(Hala Mohammad)

Recueil: Prête moi une fenêtre
Editions: Bruno Doucey

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LA VIE AURA MA PEAU (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
LA VIE AURA MA PEAU

La vie aura ma peau
ma peau d’enfant solitaire
écorchée aux coudes,
aux genoux dans les trous, les ornières

La vie aura ma peau
ma peau d’enfant héroïque
de rêveur épidermique
charmé par les yeux de ma mère

La vie aura ma peau
ma peau douce et frissonnante
ma peau ivre de jouissance
de baisers d’insouciance
Ma peau bronzée, ma peau claire
ma peau brûlée, ultra violée
par les radiations solaires

La vie aura ma peau
que je pensais avoir si dure
que j’exposais aux quatre vents
à la froidure comme au brûlant
La vie aura ma peau
parfumée d’ambre solaire
cernée d’ombre et de lumière
par vent glacé, par vent chaud

La vie aura ma peau
et que le Diable l’emporte
depuis le temps qu’elle me supporte
elle ne me fera pas de cadeau
Ma chair et tout le reste les os de mon squelette
finiront en poussière en paradis
ou en enfer cramé ou six pieds sous terre
Quand mon âme déchargée du poids de sa violence
aura repris le cours de sa divine errance
dans ce ballet d’atomes où rêve l’éternité

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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ALBUM (Ron Padgett)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2024




    
ALBUM

Les images mentales que je conserve de mes parents
et de mes grands-parents et de mon enfance
commencent à se briser en petits morceaux,
soufflés loin de moi dans l’espace vide,
par le même vent qui m’aspire là-bas si doucement,
si doucement qu’il ne dresse pas un seul de mes cheveux sur ma tête
(il faut dire qu’il n’y en a plus beaucoup à dresser).

L’idée de la mort comme la fin m’est aujourd’hui plus difficile à supporter.
Autrefois j’avais tendance à me demander
pourquoi les gens jugeaient la vie tragique ou triste.
N’est-elle pas également comique et drôle?
Et par-dessus tout, n’est-elle pas étonnante et merveilleuse?

Oui, mais seulement si on l’a.
Et je commence à ne plus l’avoir.
Les photos se désintègrent, comme si leurs molécules disaient « J’en ai assez »,
prêtes à s’en aller former une nouvelle configuration ailleurs.
Elles nous trahissent, ces particules, nous qui tes avons tant aimées.
Elles nous traitent comme des moins que rien.

(Ron Padgett)

 

Recueil: On ne sait jamais
Traduction: Claire Guillot
Editions: Joca Seria

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C’est vrai (Juan Gelman)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023



C’est vrai

Chaque jour
je me rapproche de mon squelette.
Il a des raisons de se montrer.
Je lui en ai fait voir de bonnes et de mauvaises
sans rien lui demander
lui toujours me demandant, sans voir
comment était le bonheur ou le malheur,
sans se plaindre, sans
distances éphémères de moi.
Maintenant qu’il scrute presque
l’air autour,
que pensera la clavicule cassée,
bijou splendide, les genoux
que j’ai traînés sur des pierres
entre de faux pardons, etcétéra.
Squelette pillé, bientôt
ta vue ne gênera plus aucune velléité.
Tu supporteras l’univers tout nu.

*

Verdad es

Cada día
me acerco más a mi esqueleto.
Se está asomando con razón.
Lo metí en buenas y en feas sin preguntarle nada,
él siempre preguntándome, sin ver
cómo era la dicha o la desdicha,
sin quejarse, sin
distancias efímeras de mí.
Ahora que otea casi
el aire alrededor,
qué pensará la clavícula rota,
joya espléndida, rodillas
que arrastré sobre piedras
entre perdones falsos, etcétera.
Esqueleto saqueado, pronto
no estorbará tu vista ninguna veleidad.
Aguantarás el universo desnudo.

(Juan Gelman)

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com

 

 

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Les seins (Yi Pyông-Ki)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2023


maman

Le jour où elle se coucha pour la dernière fois
Reposant sa tête sur mon giron
Elle ne pouvait supporter la douleur dans sa poitrine
Elle délia le noeud de sa blouse
Laissa apparaître ses seins

Ses têtons étaient bleu foncés
Comme jadis
Moi et huit ou neuf de mes frères et soeurs
S’étaient nourris à ces seins

(Yi Pyông-Ki)

Illustration

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Mon coeur se souvient (Bilhana)

Posted by arbrealettres sur 3 août 2023




Encore aujourd’hui
Mon coeur se souvient,
Comme je me cachais près de sa porte,
De son regard fixé sur mon chemin,
De son visage que sa main supportait,
De sa douce voix mélodieuse invoquant mon nom,
De son coeur qui semblait cheminer à mes côtés.

(Bilhana)

Illustration: Marie-Pierre Kuhn

 

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ALLER À L’INSUPPORTABLE (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 11 juillet 2023




    
ALLER À L’INSUPPORTABLE

Puisque nous supportons de nous savoir mortels
Que ne pourrait-on exiger de nous ?
Déjà nous devons camper
Dans des philosophies sans feu
Sans fenêtres sans téléphone
Et borner nos saintes amours
À de puérils dévergondages

Déjà sur ordre avec le même soin
Nous étripons ou pansons
Déjà nous inventons à la demande
Des mots pour ne pas rire
Et des dieux à finir soi-même

Demain nous admettrons sans peine
Qu’on puisse indifféremment changer
À Ninive ou à Barbès
Pour aller à l’insupportable

(Jean Rousselot)

Recueil: Passible de …
Editions: Autres Temps

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Telle qu’une pluie de fleurs (Mâgha)

Posted by arbrealettres sur 25 janvier 2023




    
Telle qu’une pluie de fleurs,
il tombait une averse de perles
sur la poitrine d’un amant,
comme si le collier de la jeune maîtresse
avait dit en se rompant :
« Honneur à celle qui a vaillamment supporté
le choc de cette région des seins !

Des sons inarticulés, un murmure bas et doux,
des paroles sollicitant la pitié,
des expressions pleines d’amour,
des mots qui imposaient la défense,
les cris d’oiseau des parures, semblables à des rires :
tout s’élevait alors dans une jeune femme
à la puissance d’une incantation d’amour.

(Mâgha) (VIIe siècle)

Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard

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La cigale (Luo Binwang)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
La cigale

La voix de la cigale a résonné du côté de la route occidentale ;
Elle jette dans une rêverie profonde l’hôte qui porte une coiffe du sud.
Comment supporterais-je patiemment la vue de ce frêle insecte,
Qui vient, tout près de ma tête blanche, répéter son chant douloureux !
La rosée, trop lourde pour ses ailes, appesantit sa marche, et l’empêche de prendre son vol
Le vent, qui souffle avec violence, emporte ses cris étouffés.
Les hommes ne veulent pas croire à ce qu’il y a de pur et d’élevé dans le secret de son existence
Puis-je espérer qu’il s’en trouve un, pour faire connaître à tous ce que renferme mon coeur

(Luo Binwang)

(milieu du VIIe-début du VIIIe siècle)

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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La poésie est une vie trop dense (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2022



Illustration
    
que la lecture de poèmes
très vite me fatigue
Les mots cognent sous mes tempes
C’est que la poésie
est une vie trop dense
comme un alcool trop fort
qui brûle le crâne
Cela ne vient pas de la poésie
mais de moi
je ne peux vivre de vraie vie
qu’un instant pas plus

On dit que nul ne peut voir Dieu
sans aussitôt mourir
Moi je crois qu’une seconde
de vie pure
non tempérée non diluée
nous éclaterait le coeur
et que nous ne pourrions la supporter

C’est peut-être quelque chose comme cela
qui arrive
dans la beauté la poésie l’amour
Nous sommes pris soulevés
dans une main de feu
qui heureusement nous repose
sur nos chemins habituels
de salamandres

Ne reste plus qu’à filer
dans les fossés les sous-bois
où le danger est moins grand
et l’amour plus lointain

(Christian Bobin)

 

Recueil: La Vie Passante
Editions: Fata Morgana

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