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Poésie

Posts Tagged ‘avoir’

Berger dans la montagne (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 17 Mai 2024



Illustration: Rosa Bonheur
    
Berger dans la montagne, si loin de moi avec tes brebis :
Quel bonheur est celui qui paraît être le tien — le tien ou le mien ?
La paix que je ressens quand je te vois, est-ce la mienne ou la tienne ?

Non, berger, ce n’est ni la tienne ni la mienne.
Tout ça n’appartient qu’au bonheur et à la paix.
Même toi tu ne la possèdes pas, parce que tu ne sais pas que tu l’as.
Même moi je ne la possède pas, parce que je sais que je l’ai.

Elle est seulement elle et tombe sur nous comme le soleil,
Qui te frappe dans le dos, te réchauffe, et tu penses à tout autre chose,
Et qui me frappe le visage, m’éblouit, moi qui ne pense même pas à lui.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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La densité de ce qui n’est pas (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024




    
La densité de ce qui n’est pas,
la force de ce qu’on n’a pas,
agite de remous l’eau de la vie
et crée un bruit de fond
pour tous les gestes.

Jusqu’au tissu serré de la mort
comporte un pâle fil
où la trame cède et s’allège
parce que la mort lui manque.

Et jusqu’à ce qui jamais n’a vécu
et jamais ne mourra

émerge dans la faille d’une absence
qui lui prête son corps.

La pierre du non-être,
la sûre condition négative,
la pression du néant,
est l’ultime appui qui nous reste.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Steppe (Édith Thomas)

Posted by arbrealettres sur 20 mars 2024



 


    
Steppe

La neige et son bruit de duvet
et son tendre et lent crissement,
comme une plume sur les haies,
comme un drap de lit sur un champ,

comme une fourrure étendue sur les corps
qui n’auront plus froid
sous les éclatements d’obus
et sous l’écroulement des toits.

Profils kalmouks ou bien aryens, profils juifs,
qu’est-ce que cela fait
à ceux qui ne sont plus rien
et que la neige recéla.

Pardonnez-nous, pardonnez-nous,
la neige et le vent et l’envie,
pardonnez-nous, à vos genoux;
et votre mort et notre vie.

(Édith Thomas)

Recueil: L’Honneur des poètes,1943.

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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La poésie, personne n’en lit (Marc Guimo)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024




    
La poésie, personne n’en lit

[…]

Je suis bien content d’avoir écrit ce texte
comme ça je n’ai pas besoin de le lire

(Marc Guimo)

Recueil: La poésie, personne n’en lit
Editions: la Boucherie littéraire

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SE BIEN AIMER (Paul Fort)

Posted by arbrealettres sur 19 février 2024




    
SE BIEN AIMER

Se bien aimer n’est fumée,
c’est assurer sa vieillesse
des souvenirs de caresses,
mon adorée bien-aimée.

Voilà toute la richesse que l’on aura,
béquillards aveugles, et loin sans cesse de nous-mêmes.
O faiblesse de la Vie en vie à peine.

Nous n’aurons que ce poème
et nous n’aurons plus les arts…
Il faut s’aimer, ô Aimée!

(Paul Fort)

Recueil: Ballades du beau hasard
Editions: Flammarion

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Je t’offre les lèvres de ma plaie (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration
    
Je t’offre les lèvres de ma plaie
c’est la plus grande douceur que j’aie

Je t’offre l’étreinte de l’absent
c’est le plus long voyage du sang

je t’offre la voix de mes silences
c’est la plus sûre des confidences

je t’offre de t’aimer Dieu sait où
n’est-ce pas le seul des rendez-vous ?

(Robert Mallet)

 

Recueil: La Rose en ses remous
Editions: Gallimard

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LA JEUNE FILLE AUTRICHIENNE (Ron Padgett)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2024




    
LA JEUNE FILLE AUTRICHIENNE

J’aimerais avoir les cheveux blonds
et être une jeune fille, dans une ferme, en Autriche,

au dix-neuvième siècle, un jour ensoleillé,
avec des joues roses et des yeux bleus, exactement

comme sur ces images nazies avec des filles de ferme en pleine santé.
Mais mes arrière-petits-enfants seront-ils

des monstres? Dans ce cas je n’en aurai pas.
Je vais aller traire la vache et dire à Hans

et aux autres de ne pas poser leurs sales mitaines sur moi.
Je remplirai mes soirées avec la musique triste

de Schubert et la triste poésie de Heine.
Ce sera tellement beau.

(Ron Padgett)

 

Recueil: On ne sait jamais
Traduction: Claire Guillot
Editions: Joca Seria

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ALBUM (Ron Padgett)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2024




    
ALBUM

Les images mentales que je conserve de mes parents
et de mes grands-parents et de mon enfance
commencent à se briser en petits morceaux,
soufflés loin de moi dans l’espace vide,
par le même vent qui m’aspire là-bas si doucement,
si doucement qu’il ne dresse pas un seul de mes cheveux sur ma tête
(il faut dire qu’il n’y en a plus beaucoup à dresser).

L’idée de la mort comme la fin m’est aujourd’hui plus difficile à supporter.
Autrefois j’avais tendance à me demander
pourquoi les gens jugeaient la vie tragique ou triste.
N’est-elle pas également comique et drôle?
Et par-dessus tout, n’est-elle pas étonnante et merveilleuse?

Oui, mais seulement si on l’a.
Et je commence à ne plus l’avoir.
Les photos se désintègrent, comme si leurs molécules disaient « J’en ai assez »,
prêtes à s’en aller former une nouvelle configuration ailleurs.
Elles nous trahissent, ces particules, nous qui tes avons tant aimées.
Elles nous traitent comme des moins que rien.

(Ron Padgett)

 

Recueil: On ne sait jamais
Traduction: Claire Guillot
Editions: Joca Seria

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Le Renard et les Raisins (Isaac de Benserade)

Posted by arbrealettres sur 11 janvier 2024




    
Le Renard et les Raisins.

Les plaisirs coûtent cher ! et qui les a tous purs ?
De gros raisins pendaient ; ils étaient beaux à peindre,
Et le renard n’y pouvant pas atteindre,
Ils ne sont pas, dit-il, encore mûrs.

Ce renard, dans le fond, était au désespoir.
On croit qu’il dit après, avec plus de franchise :
Les raisins étaient mûrs ; mais toujours l’on méprise
Ce qu’on ne peut avoir.

(Isaac de Benserade)

 

Recueil: Fables
Editions:

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Son sourire (Franz Toussaint)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2023



Illustration: Oleg Zhivetin
    
Son sourire

Tu es mon univers,
avec des collines et des jardins,
avec des sources et des moissons.

Je voudrais avoir mille bouches,
je voudrais n’avoir jamais besoin de sommeil.

Pourtant, ne suis-je pas le voyageur qui s’endort,
chaque soir, sous des ombrages parfumés ?

(Franz Toussaint)

Recueil: Le jardin des caresses
Editions: Paris Piazza

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