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Poésie

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La dame de l’été (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    
La dame de l’été

Sous les yeux d’or des églantines blanches,
Les liserons grimpent autour des fougères.
La fleur des ronces met des petites croix blanches
Dans la haie d’où surgissent les fougères.

L’herbe des prés ondule en vagues blondes,
Qui vont mourir sous les pas du faucheur,
Il y a dans l’herbe des ailes bleues, des ailes blondes,
Et la grande aile noire de la faux du faucheur.

Alors j’ai vu, assise près d’une source,
Cueillant des joncs pour lier ses cheveux,
Une femme aux yeux clairs comme une source,
Qui me permit de baiser ses cheveux.

Et je fus plein d’amour pour les yeux verts
De la dame de l’été qui vient sourire
Au bord des sentiers, au fond des bois verts,
Et mirer dans les sources son beau sourire.

(Rémy de Gourmont)

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Sa dernière lettre à Dieu (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




Illustration: Otto Dix
    
Sa dernière lettre à Dieu

Le sol tombe…
De l’autre côté du sang
Un cheval n’a pas échappé à sa solitude… Le sol tombe
Un homme aux mains d’oiseaux
Bien plus seul qu’une étoile
Jette des pierres dans le ciel

La neige est noire
Le cheval s’est noyé
Sur les charniers
Un homme écrit une dernière lettre à Dieu : Elle commence comme ça :
“À toi le Silencieux ! À toi le grand Aveugle !
Et elle se finit par ASSEZ, ÇA SUFFIT ! “.

(Tristan Cabral)

Recueil: Poèmes à dire
Editions: Chemins de Plume

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Ce rien (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




    
Ce rien

Certains soirs,
On appuierait bien sur la gâchette,
On tenterait bien le trou noir et la tendre blessure
Mais on ne le fait pas
Par peur
Par peur qu’après
Il n’y ait plus Rien
Même pas cette fêlure
Qui fait danser la Vie !

(Tristan Cabral)

Recueil: Poèmes à dire
Editions: Chemins de Plume

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Oh ! Qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Edvard Munch
    
Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage
Quien no ama, no vive.

Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage,
Si jamais vous n’avez épié le passage,
Le soir, d’un pas léger, d’un pas mélodieux,
D’un voile blanc qui glisse et fuit dans les ténèbres,
Et, comme un météore au sein des nuits funèbres,
Vous laisse dans le coeur un sillon radieux ;

Si vous ne connaissez que pour l’entendre dire
Au poète amoureux qui chante et qui soupire,
Ce suprême bonheur qui fait nos jours dorés,
De posséder un coeur sans réserve et sans voiles,
De n’avoir pour flambeaux, de n’avoir pour étoiles,
De n’avoir pour soleils que deux yeux adorés ;

Si vous n’avez jamais attendu, morne et sombre,
Sous les vitres d’un bal qui rayonne dans l’ombre,
L’heure où pour le départ les portes s’ouvriront,
Pour voir votre beauté, comme un éclair qui brille,
Rose avec des yeux bleus et toute jeune fille,
Passer dans la lumière avec des fleurs au front ;

Si vous n’avez jamais senti la frénésie
De voir la main qu’on veut par d’autres mains choisie,
De voir le coeur aimé battre sur d’autres coeurs ;
Si vous n’avez jamais vu d’un oeil de colère
La valse impure, au vol lascif et circulaire,
Effeuiller en courant les femmes et les fleurs ;

Si jamais vous n’avez descendu les collines,
Le coeur tout débordant d’émotions divines ;
Si jamais vous n’avez le soir, sous les tilleuls,
Tandis qu’au ciel luisaient des étoiles sans nombre,
Aspiré, couple heureux, la volupté de l’ombre,
Cachés, et vous parlant tout bas, quoique tout seuls ;

Si jamais une main n’a fait trembler la vôtre ;
Si jamais ce seul mot qu’on dit l’un après l’autre,
JE T’AIME ! n’a rempli votre âme tout un jour ;
Si jamais vous n’avez pris en pitié les trônes
En songeant qu’on cherchait les sceptres, les couronnes,
Et la gloire, et l’empire, et qu’on avait l’amour !

La nuit, quand la veilleuse agonise dans l’urne,
Quand Paris, enfoui sous la brume nocturne
Avec la tour saxonne et l’église des Goths,
Laisse sans les compter passer les heures noires
Qui, douze fois, semant les rêves illusoires,
S’envolent des clochers par groupes inégaux ;

Si jamais vous n’avez, à l’heure où tout sommeille,
Tandis qu’elle dormait, oublieuse et vermeille,
Pleuré comme un enfant à force de souffrir,
Crié cent fois son nom du soir jusqu’à l’aurore,
Et cru qu’elle viendrait en l’appelant encore,
Et maudit votre mère, et désiré mourir ;

Si jamais vous n’avez senti que d’une femme
Le regard dans votre âme allumait une autre âme,
Que vous étiez charmé, qu’un ciel s’était ouvert,
Et que pour cette enfant, qui de vos pleurs se joue,
Il vous serait bien doux d’expirer sur la roue ; …
Vous n’avez point aimé, vous n’avez point souffert !

(Victor Hugo)

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Je lisais (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
Je lisais. Que lisais-je ? Oh ! le vieux livre austère,
Le poème éternel ! — La Bible ? — Non, la terre.
Platon, tous les matins, quand revit le ciel bleu,
Lisait les vers d’Homère, et moi les fleurs de Dieu.

J’épelle les buissons, les brins d’herbe, les sources ;
Et je n’ai pas besoin d’emporter dans mes courses
Mon livre sous mon bras, car je l’ai sous mes pieds.
Je m’en vais devant moi dans les lieux non frayés,

Et j’étudie à fond le texte, et je me penche,
Cherchant à déchiffrer la corolle et la branche.
Donc, courbé, — c’est ainsi qu’en marchant je traduis
La lumière en idée, en syllabes les bruits, —

J’étais en train de lire un champ, page fleurie.
Je fus interrompu dans cette rêverie ;
Un doux martinet noir avec un ventre blanc
Me parlait ; il disait : « Ô pauvre homme, tremblant

Entre le doute morne et la foi qui délivre,
Je t’approuve. Il est bon de lire dans ce livre.
Lis toujours, lis sans cesse, ô penseur agité,
Et que les champs profonds t’emplissent de clarté !

Il est sain de toujours feuilleter la nature,
Car c’est la grande lettre et la grande écriture ;
Car la terre, cantique où nous nous abîmons,
A pour versets les bois et pour strophes les monts !

Lis. Il n’est rien dans tout ce que peut sonder l’homme
Qui, bien questionné par l’âme, ne se nomme.
Médite. Tout est plein de jour, même la nuit ;
Et tout ce qui travaille, éclaire, aime ou détruit,

A des rayons : la roue au dur moyeu, l’étoile,
La fleur, et l’araignée au centre de sa toile.
Rends-toi compte de Dieu. Comprendre, c’est aimer.
Les plaines où le ciel aide l’herbe à germer,

L’eau, les prés, sont autant de phrases où le sage
Voit serpenter des sens qu’il saisit au passage.
Marche au vrai. Le réel, c’est le juste, vois-tu ;
Et voir la vérité, c’est trouver la vertu.

Bien lire l’univers, c’est bien lire la vie.
Le monde est l’oeuvre où rien ne ment et ne dévie,
Et dont les mots sacrés répandent de l’encens.
L’homme injuste est celui qui fait des contre-sens.

Oui, la création tout entière, les choses,
Les êtres, les rapports, les éléments, les causes,
Rameaux dont le ciel clair perce le réseau noir,
L’arabesque des bois sur les cuivres du soir,

La bête, le rocher, l’épi d’or, l’aile peinte,
Tout cet ensemble obscur, végétation sainte,
Compose en se croisant ce chiffre énorme : DIEU.
L’éternel est écrit dans ce qui dure peu ;

Toute l’immensité, sombre, bleue, étoilée,
Traverse l’humble fleur, du penseur contemplée ;
On voit les champs, mais c’est de Dieu qu’on s’éblouit.
Le lys que tu comprends en toi s’épanouit ;

Les roses que tu lis s’ajoutent à ton âme.
Les fleurs chastes, d’où sort une invisible flamme,
Sont les conseils que Dieu sème sur le chemin ;
C’est l’âme qui les doit cueillir, et non la main.

Ainsi tu fais ; aussi l’aube est sur ton front sombre ;
Aussi tu deviens bon, juste et sage; et dans l’ombre
Tu reprends la candeur sublime du berceau. »
Je répondis : « Hélas ! tu te trompes, oiseau.

Ma chair, faite de cendre, à chaque instant succombe ;
Mon âme ne sera blanche que dans la tombe ;
Car l’homme, quoi qu’il fasse, est aveugle ou méchant. »
Et je continuai la lecture du champ.

(Victor Hugo)

Recueil: Les Contemplations
Editions:

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Une encre noire (Georges Perec)

Posted by arbrealettres sur 30 avril 2024




    
Une encre noire
décide de ce code encore mince
Mémoire indemne du monde
Un rocher, un menhir, un dock
Chimie endormie d’un derrick énorme
Indien Cherokee, orchidée de Chine

Une commode de cèdre,
Une odeur de cire, d’écorce, de cumin

(Georges Perec)

Recueil: BEAUX PRÉSENTS BELLES ABSENTES
Editions: POINTS

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EN ÉTÉ LE SOIR (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024




    
EN ÉTÉ LE SOIR
I

Les soieries d’été sont douces au toucher
C’est un crépuscule de corsages entrouverts sur la promenade
Et de baisers volés le long des bassins du jardin public
Où se mirent longuement les filles et les étoiles

Sous la laine noire des arbres des voix tricotent
Peaux brunes la promenade est encore belle.
Poudre à vos yeux bleu de vos cernes
La lune en son halo de juillet.

II

Terrasse en surplomb d’où considérer les passants
Nappe en papier blanc serviette de papier rouge
Pizza Margarita des bulles de Valpolicella
Un soir comme celui-ci les voix sont faciles et lointaines

Le rire des convives applaudit
On grignote des morceaux de ciel
Du soleil couchant jusque dans l’assiette
Léger d’épaules et de visage

Cette vie grésille entre les doigts puis s’envole en fumée
Ce goût d’alcool et de tabac on voudrait que ça dure
Surtout ne pas bouger ne plus rien déranger.
Une mouche sur une brindille se tient en équilibre.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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À L’HÔPITAL (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024




    
À L’HÔPITAL

Dans un couloir de l’hôpital civil
Une fillette pousse du bout du pied
Vers le ciel un caillou de marelle
Sur le damier blanc et noir du linoleum

Devant la porte des urgences
Une vieille femme ronfle dans son lit
Ses yeux gris-blanc grands ouverts

Deux infirmières roses
À demi nues sous leur blouse de nylon
Roulent le fauteuil d’un unijambiste

La ruche blanche bourdonne
Étrange messe étranges prêtresses
Enfants de choeur étranges

Des brancardiers transportent
On ne sait où
Des Christs de toutes sortes.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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Arcanes (Jean-Claude Renard)

Posted by arbrealettres sur 11 avril 2024



Arcanes

Est-il plus parfaite noce,
dans le matin vert,
que celle, sur la lise,
d’une roche noire,
du sable blanc
et d’un coquillage rose?
Le sens
éludant toute langue,
annulant tout leurre
s’y lit intact.
Mais quelle profondeur
honore-t-il?

(Jean-Claude Renard)

 

 

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Je suis une étoile (Joy Harjo)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2024




    
Je suis une étoile tombant du ciel nocturne
J’ai besoin de toi pour me rattraper
Je suis un arc-en-ciel sortant d’un nuage noir
J’ai besoin de toi pour me voir

***

I am a star falling from the night sky
I need you to catch me
I am a rainbow lifting from a dark cloud
I need you to see me

(Joy Harjo)

Recueil: L’aube américaine
Traduction: de l’anglais (Etats Unis) par Héloïse Esquié
Editions: Globe

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