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Poésie

Posts Tagged ‘lettre’

Encore une fois (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



 

Encore une fois avant de poursuivre ma route
Et de tourner mes regards vers l’avenir,
Je lève vers Toi mes mains jointes en prière,
Toi en Qui je fuis
A qui je consacre des autels
Au fond du fond de mon coeur
Pour que toujours
Ta voix me rappelle.

Et là en lettres de feu
Les mots : Au dieu inconnu.
J’existe comme si, jusqu’à cette heure,
J’avais été fidèle à la cohorte des criminels ;
Je suis tel et je sens les liens
Qui, dans la lutte, disloquent mes membres ;
Mais je puis fuir pour me mettre à ton service.

Je veux te connaître, Inconnu.
Toi Qui plonge tes racines dans les profondeurs de mon âme
Et qui, tel un cyclone, traverse mon existence en tourbillonnant
Toi l’Ineffable qui m’est apparenté !
Je veux te connaître et même : te servir.

(Frédéric Nietzsche)

 

 

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Sa dernière lettre à Dieu (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




Illustration: Otto Dix
    
Sa dernière lettre à Dieu

Le sol tombe…
De l’autre côté du sang
Un cheval n’a pas échappé à sa solitude… Le sol tombe
Un homme aux mains d’oiseaux
Bien plus seul qu’une étoile
Jette des pierres dans le ciel

La neige est noire
Le cheval s’est noyé
Sur les charniers
Un homme écrit une dernière lettre à Dieu : Elle commence comme ça :
“À toi le Silencieux ! À toi le grand Aveugle !
Et elle se finit par ASSEZ, ÇA SUFFIT ! “.

(Tristan Cabral)

Recueil: Poèmes à dire
Editions: Chemins de Plume

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OÙ DONC EST LE BONHEUR ? (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Salvador Dali
    
OÙ DONC EST LE BONHEUR ?

Sed satis est jam posse mori.
LUCAIN.

Où donc est le bonheur ? disais-je. – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné.

Naître, et ne pas savoir que l’enfance éphémère,
Ruisseau de lait qui fuit sans une goutte amère,
Est l’âge du bonheur, et le plus beau moment
Que l’homme, ombre qui passe, ait sous le firmament !

Plus tard, aimer, – garder dans son coeur de jeune homme
Un nom mystérieux que jamais on ne nomme,
Glisser un mot furtif dans une tendre main,
Aspirer aux douceurs d’un ineffable hymen,

Envier l’eau qui fuit, le nuage qui vole,
Sentir son coeur se fondre au son d’une parole,
Connaître un pas qu’on aime et que jaloux on suit,
Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit,

Pleurer surtout cet âge où sommeillent les âmes,
Toujours souffrir ; parmi tous les regards de femmes,
Tous les buissons d’avril, les feux du ciel vermeil,
Ne chercher qu’un regard, qu’une fleur, qu’un soleil !

Puis effeuiller en hâte et d’une main jalouse
Les boutons d’orangers sur le front de l’épouse ;
Tout sentir, être heureux, et pourtant, insensé
Se tourner presque en pleurs vers le malheur passé ;

Voir aux feux de midi, sans espoir qu’il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l’illusion, l’espérance, et sentir
Qu’on vieillit au fardeau croissant du repentir,

Effacer de son front des taches et des rides ;
S’éprendre d’art, de vers, de voyages arides,
De cieux lointains, de mers où s’égarent nos pas ;
Redemander cet âge où l’on ne dormait pas ;

Se dire qu’on était bien malheureux, bien triste,
Bien fou, que maintenant on respire, on existe,
Et, plus vieux de dix ans, s’enfermer tout un jour
Pour relire avec pleurs quelques lettres d’amour !

Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
Rappeler notre enfance et nos beaux jours flétris,
Boire le reste amer de ces parfums aigris,

Être sage, et railler l’amant et le poète,
Et, lorsque nous touchons à la tombe muette,
Suivre en les rappelant d’un oeil mouillé de pleurs
Nos enfants qui déjà sont tournés vers les leurs !

Ainsi l’homme, ô mon Dieu ! marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d’ombre.
C’est donc avoir vécu ! c’est donc avoir été !
Dans la joie et l’amour et la félicité

C’est avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.
Voilà de quel nectar la coupe était remplie !
Hélas ! naître pour vivre en désirant la mort !
Grandir en regrettant l’enfance où le coeur dort,

Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie !
Où donc est le bonheur, disais-je ? – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné !

(Victor Hugo)

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Je lisais (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
Je lisais. Que lisais-je ? Oh ! le vieux livre austère,
Le poème éternel ! — La Bible ? — Non, la terre.
Platon, tous les matins, quand revit le ciel bleu,
Lisait les vers d’Homère, et moi les fleurs de Dieu.

J’épelle les buissons, les brins d’herbe, les sources ;
Et je n’ai pas besoin d’emporter dans mes courses
Mon livre sous mon bras, car je l’ai sous mes pieds.
Je m’en vais devant moi dans les lieux non frayés,

Et j’étudie à fond le texte, et je me penche,
Cherchant à déchiffrer la corolle et la branche.
Donc, courbé, — c’est ainsi qu’en marchant je traduis
La lumière en idée, en syllabes les bruits, —

J’étais en train de lire un champ, page fleurie.
Je fus interrompu dans cette rêverie ;
Un doux martinet noir avec un ventre blanc
Me parlait ; il disait : « Ô pauvre homme, tremblant

Entre le doute morne et la foi qui délivre,
Je t’approuve. Il est bon de lire dans ce livre.
Lis toujours, lis sans cesse, ô penseur agité,
Et que les champs profonds t’emplissent de clarté !

Il est sain de toujours feuilleter la nature,
Car c’est la grande lettre et la grande écriture ;
Car la terre, cantique où nous nous abîmons,
A pour versets les bois et pour strophes les monts !

Lis. Il n’est rien dans tout ce que peut sonder l’homme
Qui, bien questionné par l’âme, ne se nomme.
Médite. Tout est plein de jour, même la nuit ;
Et tout ce qui travaille, éclaire, aime ou détruit,

A des rayons : la roue au dur moyeu, l’étoile,
La fleur, et l’araignée au centre de sa toile.
Rends-toi compte de Dieu. Comprendre, c’est aimer.
Les plaines où le ciel aide l’herbe à germer,

L’eau, les prés, sont autant de phrases où le sage
Voit serpenter des sens qu’il saisit au passage.
Marche au vrai. Le réel, c’est le juste, vois-tu ;
Et voir la vérité, c’est trouver la vertu.

Bien lire l’univers, c’est bien lire la vie.
Le monde est l’oeuvre où rien ne ment et ne dévie,
Et dont les mots sacrés répandent de l’encens.
L’homme injuste est celui qui fait des contre-sens.

Oui, la création tout entière, les choses,
Les êtres, les rapports, les éléments, les causes,
Rameaux dont le ciel clair perce le réseau noir,
L’arabesque des bois sur les cuivres du soir,

La bête, le rocher, l’épi d’or, l’aile peinte,
Tout cet ensemble obscur, végétation sainte,
Compose en se croisant ce chiffre énorme : DIEU.
L’éternel est écrit dans ce qui dure peu ;

Toute l’immensité, sombre, bleue, étoilée,
Traverse l’humble fleur, du penseur contemplée ;
On voit les champs, mais c’est de Dieu qu’on s’éblouit.
Le lys que tu comprends en toi s’épanouit ;

Les roses que tu lis s’ajoutent à ton âme.
Les fleurs chastes, d’où sort une invisible flamme,
Sont les conseils que Dieu sème sur le chemin ;
C’est l’âme qui les doit cueillir, et non la main.

Ainsi tu fais ; aussi l’aube est sur ton front sombre ;
Aussi tu deviens bon, juste et sage; et dans l’ombre
Tu reprends la candeur sublime du berceau. »
Je répondis : « Hélas ! tu te trompes, oiseau.

Ma chair, faite de cendre, à chaque instant succombe ;
Mon âme ne sera blanche que dans la tombe ;
Car l’homme, quoi qu’il fasse, est aveugle ou méchant. »
Et je continuai la lecture du champ.

(Victor Hugo)

Recueil: Les Contemplations
Editions:

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Il arriva… (Françoise Favretto)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2024




    
Il arriva…

Il arriva que des femmes s’unirent, parlèrent.
Semblable et semblable.

Nos petites à faire craquer le cadre (murs, plancher, toiture)
s’en allèrent courir avec les bêtes du champ ou celles des rues.
Elles jouèrent et nous laissèrent parler,
tandis que les pères étaient en voyage forcé
et nous écrivaient malgré leur âge des lettres d’amour
que nos filles déchiraient,
gardant les timbres pour s’en décorer les joues, bien sûr.

Nous nous sommes mises à parler,
avec la peau, avec la gorge,
et nous attirions toutes les bêtes domestiques :
les chiens, les chats qui nous aimaient.

Claude, elle, avait rassemblé tous ses tableaux dans ses yeux,
afin de ne plus avoir à parler.
Il en sortait parfois, qui venaient nous illustrer.
Nous n’avions plus d’amies depuis des années.
Il faisait assez chaud pour en créer.

Le soleil nous reprit,
trouvant le sens des femmes, vapeurs, fumées.
Elles décidèrent de s’installer sur la terre pourtant,
entre les cailloux, les chardons, se mêler, se planter.
Quand un vent se leva alors dans leur feuillage.

(Françoise Favretto)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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ART ÉQUESTRE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024



 


   
ART ÉQUESTRE

Toujours le même pied dans le même sabot,
C’est là l’une des lois qui régit le cheval.
Quelque embardée qu’il fasse ou pente qu’il dévale,
Jamais il n’y déroge et cela le rend beau.

S’il avait le loisir d’intervertir ses pattes,
Si de changer de botte il était soudain libre,
Sans doute un jour ou l’autre il perdrait l’équilibre
Et nous nous moquerions si par terre il s’éclate.

Par bonheur le cheval a toujours fière allure :
Le cheval réussit du cheval la figure.
Et jamais ne s’empêtre en la voltige d’être.

On apprécie chez lui que toujours il réponde
Très scrupuleusement à l’ordre qui le fonde.
Le cheval exécute un cheval à la lettre.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Lettre à l’inconnue d’en face (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024



    

Lettre à l’inconnue d’en face

1
Rideaux, tentures, voilages, non rien, Madame,
pour dérober à votre oeil de cyclope
dans l’ombre qui m’épie ce long corps nu
de faux gisant recru d’intempérances,
et qui se pâme aussi devant votre balcon
où sèche toute une lingerie de nonne aux abois —
fleurs vénéneuses pour le solitaire
que la mort affole dresse démoelle dans la nuit,
rivé à vos blanches cuisses.

2
Si peu de lumière sur ma table,
si peu que les mots comme fleurs rabougrissent
— et ma chair, si vous n’y portez remède par saoules salives,
si votre ventre fougueusement ne l’enroule,
ma chair vive et veuve livrée nue chaque nuit à votre délectation
s’en ira elle aussi pétale à pétale avant que nous n’ayons trouvé,
belle inconnue, cette bête qui voyage beaucoup.

3
Reconnaissez Madame
que mourir hors du dérèglement de tous les sens
est triste et sans aucun profit
(présent gâché que la vertu, la nuit vient vite
et la plus belle rose est du fumier).
Ouvrez vos ombres votre giron vos lèvres :
le clou du spectacle est en bas dans la rue où,
preste comme une main sous les robes,
le vent réveille les beaux orages qui nous étaient promis.

(Guy Goffette)

Recueil: Un manteau de fourrures suivi de L’adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne
Editions: POINTS

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DÉCOMPOSITION (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
DÉCOMPOSITION

À l’est rien de nouveau
pour combien encore rien de nouveau
Le métal devant la mort devient brûlant
Alors que de lui les gens deviennent glacés
Ne me parlez pas d’un certain Louhansk
Depuis longtemps n’en reste que hansk
Lou rasé sur l’asphalte rouge
Mes amis maintenus en otage —
Et do nestk a tourné son dos
Je ne peux les libérer du sous-sol, au-dessus du sol du dessous du sol
Et vous composez des vers, ouvragés comme des chemises brodées
Vous composez des vers sans aucune aspérité
De la haute poésie d’or
Dans la guerre n’advient pas la poésie
La guerre n’est que décomposition
N’est que lettres
Et toutes font — rrr

Pervomaïsk a été atomisé en pervo et maïsk
Souffrant le martyre dans un éternel recommencement
La guerre y est de nouveau terminée
Sans que la paix éclose pour autant
De baltsevo ?
Dé-terrer mon baltsevo ? Sossioura n’y naîtra plus,
Plus rien d’humain n’y naît plus

Je scrute l’horizon
Réduit à un triangle étranglé
Dans les champs les tournesols ont baissé leur tête
Ils sont devenus noirs et secs, et moi
Je suis déjà une vieille baba
Je ne pourrai jamais plus être Luba
Ne reste que ba

***

 

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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Les traces qu’on laisse (Hubert Haddad)

Posted by arbrealettres sur 1 mars 2024




    

Les traces qu’on laisse –
un corps sale aux mains des gens
des lettres d’amour

(Hubert Haddad)

Recueil: Les Haïkus du peintre d’éventail
Editions: Zulma

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PASSÉE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration: ArbreaPhotos
    
PASSÉE

Je marche et la nuit tombe.
Je décide et la nuit tombe.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai été curieuse et studieuse.
Je sais un peu de tout. Rien qu’un peu.
Le nom des fleurs quand elles se fanent,
et quand les mots verdissent et quand nous avons froid.
La serrure des sentiments si simple à ouvrir
avec la moindre clé d’oubli.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Passée par des journées de pluie
je me suis tendue derrière
ces barbelés liquides
patiente, inaperçue,
comme la douleur des arbres
quand l’ultime feuille les quitte
et comme la peur des courageux.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Passée par des jardins, m’arrêtant aux fontaines
j’ai vu plein de petites statues sourire
à d’invisibles causes de joie.
Et des petits Amours vantards.
Leurs arcs bandés sont apparus
demi-lunes dans mes nuits mes rêveries.
J’ai fait bien des beaux rêves
et me suis vue oubliée.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai beaucoup marché parmi les sentiments,
les miens et ceux des autres,
et il restait toujours de la place entre eux
pour le passage du temps si large.
Passée par des bureaux de poste j’y suis repassée.
J’ai écrit, réécrit des lettres
et inlassable j’ai prié le dieu des réponses.
J’ai reçu des cartes brèves :
cordial adieu de Patras
et les salutations de la vieille Tour de Pise.
Non, je n’ai pas de chagrin de voir le jour vieillir.

J’ai beaucoup parlé. Aux gens,
aux lampadaires, aux photos.
Beaucoup aux chaînes aussi.
J’ai appris à lire les mains
et à perdre les mains.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai même voyagé.
Je suis allée par-ci, allée par-là …
Partout le monde prêt à vieillir.
J’ai perdu par-ci, perdu par-là.
Perdu à cause de mon attention
et de mon inattention.
Je suis allée aussi à la mer.
On me devait une étendue. Disons que je l’ai eue.
J’ai craint la solitude
j’ai imaginé des gens.
Je les ai vus tomber
de la main d’une poussière tranquille,
qui traversait un rayon de soleil
et d’autres du son d’une cloche minuscule.
J’ai retenti dans des carillons
de désert orthodoxe.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai même pris feu et me suis consumée.
J’ai même eu droit à l’expérience des lunes.
Leur disparition au-dessus des mers et des yeux,
obscure, m’a aiguisée.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Autant que j’ai pu j’ai résisté au fleuve
quand il était plein d’eau,
j’ai vu de l’eau tant que c’était possible
dans les rivières à sec
et elles m’ont emportée.

Non, je n’ai pas de chagrin.
La nuit tombe à l’heure juste.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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