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Poésie

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Via le champ (Fabrizio De André)

Posted by arbrealettres sur 17 Mai 2024



Illustration: Lucien Roudier
    
Rue du Camp

Rue du Camp il y a une gracieuse
Les yeux grands couleur de feuille
Toute les nuits elle est sur le seuil
Elle vend à tous la même rose

Rue du Camp il y a une enfant
Avec les lèvres couleur de rosée
Les yeux grands comme la rue
Il naît des fleurs où elle marche

Rue du Camp il y a une putain
Les yeux grands couleur de feuille
Si de l’aimer il te vient l’envie
Il suffit de la prendre par la main

Et il te semble d’aller très loin
Elle te regarde avec un sourire
Tu ne croyais pas que le paradis
Fût seulement au premier étage.

Rue du Camp il y va un rêveur (naïf)
Pour la prier de se marier
Pour la voir monter les escaliers
Jusqu’au moment où le balcon est fermé

Aime et ris si l’amour répond
Pleure fort s’il ne t’entend pas
Des diamants, il ne naît rien
Du fumier, naissent les fleurs.

Des diamants, il ne naît rien
Du fumier, naissent les fleurs.
Des diamants, il ne naît rien
Du fumier, naissent les fleurs.

***

Via Del Campo

Via del Campo c una graziosa
Gli occhi grandi color di foglia
Tutta notte sta sulla soglia
Vende a tutti la stessa rosa.

Via del Campo c una bambina
Con le labbra color rugiada
Gli occhi grigi come la strada
Nascon fiori dove cammina.

Via del Campo c una puttana
Gli occhi grandi color di foglia
Se di amarla ti vien la voglia
Basta prenderla per la mano

E ti sembra di andar lontano
Lei ti guarda con un sorriso
Non credevi che il paradiso
Fosse solo l al primo piano.

Via del Campo ci va un illuso
A pregarla di maritare
A vederla salir le scale
Fino a quando il balcone chiuso.

Ama e ridi se amor risponde
Piangi forte se non ti sente
Dai diamanti non nasce niente
Dal letame nascono i fior…

Dai diamanti non nasce niente
Dal letame nascono i fior…
Dai diamanti non nasce niente
Dal letame nascono i fior…

(Fabrizio De André)

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La dame de l’automne (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    
La dame de l’automne

La dame de l’automne écrase les feuilles mortes
Dans l’allée des souvenirs :

C’était ici ou là… le vent passe et emporte
Les feuilles de nos désirs.

O vent, emporte aussi mon cœur : il est si lourd !

La dame de l’automne cueille des chrysanthèmes
Dans le jardin sans soleil :

C’est là que fleurissaient les roses pâles que j’aime,
Les roses pâles au cœur vermeil.

O soleil, feras-tu fleurir encore mes roses ?

La dame de l’automne tremble comme un oiseau
Dans l’air incertain du soir :

C’était ici ou là, et le ciel était beau
Et nos yeux remplis d’espoir.

O ciel, as-tu encore des étoiles et des songes ?

La dame de l’automne a laissé son jardin
Tout dépeuplé par l’automne :

C’était là… Nos cœurs eurent des moments divins…
Le vent passe et je frissonne…

O vent qui passe, emporte mon cœur : il est si lourd !

(Rémy de Gourmont)

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OÙ DONC EST LE BONHEUR ? (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Salvador Dali
    
OÙ DONC EST LE BONHEUR ?

Sed satis est jam posse mori.
LUCAIN.

Où donc est le bonheur ? disais-je. – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné.

Naître, et ne pas savoir que l’enfance éphémère,
Ruisseau de lait qui fuit sans une goutte amère,
Est l’âge du bonheur, et le plus beau moment
Que l’homme, ombre qui passe, ait sous le firmament !

Plus tard, aimer, – garder dans son coeur de jeune homme
Un nom mystérieux que jamais on ne nomme,
Glisser un mot furtif dans une tendre main,
Aspirer aux douceurs d’un ineffable hymen,

Envier l’eau qui fuit, le nuage qui vole,
Sentir son coeur se fondre au son d’une parole,
Connaître un pas qu’on aime et que jaloux on suit,
Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit,

Pleurer surtout cet âge où sommeillent les âmes,
Toujours souffrir ; parmi tous les regards de femmes,
Tous les buissons d’avril, les feux du ciel vermeil,
Ne chercher qu’un regard, qu’une fleur, qu’un soleil !

Puis effeuiller en hâte et d’une main jalouse
Les boutons d’orangers sur le front de l’épouse ;
Tout sentir, être heureux, et pourtant, insensé
Se tourner presque en pleurs vers le malheur passé ;

Voir aux feux de midi, sans espoir qu’il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l’illusion, l’espérance, et sentir
Qu’on vieillit au fardeau croissant du repentir,

Effacer de son front des taches et des rides ;
S’éprendre d’art, de vers, de voyages arides,
De cieux lointains, de mers où s’égarent nos pas ;
Redemander cet âge où l’on ne dormait pas ;

Se dire qu’on était bien malheureux, bien triste,
Bien fou, que maintenant on respire, on existe,
Et, plus vieux de dix ans, s’enfermer tout un jour
Pour relire avec pleurs quelques lettres d’amour !

Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
Rappeler notre enfance et nos beaux jours flétris,
Boire le reste amer de ces parfums aigris,

Être sage, et railler l’amant et le poète,
Et, lorsque nous touchons à la tombe muette,
Suivre en les rappelant d’un oeil mouillé de pleurs
Nos enfants qui déjà sont tournés vers les leurs !

Ainsi l’homme, ô mon Dieu ! marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d’ombre.
C’est donc avoir vécu ! c’est donc avoir été !
Dans la joie et l’amour et la félicité

C’est avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.
Voilà de quel nectar la coupe était remplie !
Hélas ! naître pour vivre en désirant la mort !
Grandir en regrettant l’enfance où le coeur dort,

Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie !
Où donc est le bonheur, disais-je ? – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné !

(Victor Hugo)

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Quitte ou double (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Quitte ou double

Nous sommes tous amoureux.
Seuls certains d’entre nous sont éveillés.

*

L’amour est une parenthèse ouverte.

*

Je sais que tu me rends heureuse
car ma tristesse ne te reconnaît pas.

*

Elle était si belle qu’elle m’a fait douter :
Allais-je l’aimer de l’extérieur
ou m’aimer de l’intérieur ?

*

Je l’aimais avec l’éternité que concède
la brièveté d’un moment inoubliable.

*
Elle m’a demandé de lui écrire
un poème d’amour.
J’ai dessiné un oiseau
Et elle est partie.

*

Je suis aussi faible et aussi forte
qu’une fleur au milieu d’un champ en ruine.

*

Je t’aime jusqu’à ce que tu me prouves le contraire.

*

Il est des moments où la vie te place à égale distance
de l’envie de fuir ou de rester pour toujours.

*

La paix, ce n’est pas l’absence de bruits,
mais les écouter et les changer en silence.

*

Écrire est une affaire de lâches ;
l’amour est pur courage.
Les deux ensemble, poésie.

*

Deux personnes qui s’oublient
s’aiment juste différemment.
L’oubli arrive avec la solitude,
quand un n’est plus qu’un
et qu’il n’y a pas de place pour un autre.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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ALGUE (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2024




    
ALGUE

Plane sur la nuit calme
Le silence des brises…
Il arrive â mon âme
Une chose imprécise…

Une porte entrouverte…
Sourire en discrédit…
Appétence qui manque
L’objet de ses pensées.

Ombre, doute, vers qui
Je me crois je l’élève,
Alors sa voix de brume
Vient effleurer mon rêve…

Rien ne nous fasse mal,
Rien n’abîme nos yeux,
Vivons dans la torpeur
D’observer, d’ignorer.

Avec la pensée vague
D’aller dans le courant
Vivons donc le moment
Irresponsablement.

(Fernando Pessoa)

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La nudité (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024




    
La nudité est antérieure au corps.
Et le corps par moments s’en souvient.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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LA RIVIÈRE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024




    
LA RIVIÈRE

Quand la rivière prend sa source, elle l’emporte
Ainsi qu’elle ferait d’un maniable bagage
Qu’à tout moment elle ouvre à l’instar d’une cage
Libérant dans son lit la fraîcheur qui la porte.

Elle a là sous la main tout le long de son cours
De quoi se toiletter, de quoi se vivifier,
Sachant qu’elle pourra à son instinct se fier
Conduite par sa source où elle a son secours.

L’eau se change toujours tout en étant pareille.
Sa matière est un puits, sa course un aiguillon,
Elle paraît un boeuf harnaché de rayons

Qui pousse devant lui la charrue du soleil.
Quand elle suit sa pente et met la soif en lot
Elle obéit à l’eau qui est de l’eau pour l’eau.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Moment sans douleur (Sumitaku Kenshin)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



 

 

Moment sans douleur
Une lune pâle
En plein jour.

(Sumitaku Kenshin)

Illustration: ArbreaPhotos  

 

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SI VOIR EXISTE À PEINE (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2024




    
SI VOIR EXISTE À PEINE

Par chaque tour de roue avec son grincement
la charrette qui vient vers toi chargée de foin
te calme et te fait mal
on dirait que tu pèses en un moment beaucoup plus lourd
car elle traîne après elle tout l’été
que tu regardais passer enfant sans le voir
et c’est maintenant que tu vois
mais ça n’est plus lui ça n’est plus toi
rien qu’une odeur de foin un grincement de roue
dans un pays qui est ailleurs une autre vie
que veut dire oublier si voir existe à peine

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

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LE BON MOMENT (Carl Norac)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2024




    
LE BON MOMENT

Le temps passe sans que personne
ne lui demande de passer.
Ma lune, ô ma douceur,
il va faire noir sur mon coeur.

(Carl Norac)

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