Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘milieu’

Quitte ou double (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Quitte ou double

Nous sommes tous amoureux.
Seuls certains d’entre nous sont éveillés.

*

L’amour est une parenthèse ouverte.

*

Je sais que tu me rends heureuse
car ma tristesse ne te reconnaît pas.

*

Elle était si belle qu’elle m’a fait douter :
Allais-je l’aimer de l’extérieur
ou m’aimer de l’intérieur ?

*

Je l’aimais avec l’éternité que concède
la brièveté d’un moment inoubliable.

*
Elle m’a demandé de lui écrire
un poème d’amour.
J’ai dessiné un oiseau
Et elle est partie.

*

Je suis aussi faible et aussi forte
qu’une fleur au milieu d’un champ en ruine.

*

Je t’aime jusqu’à ce que tu me prouves le contraire.

*

Il est des moments où la vie te place à égale distance
de l’envie de fuir ou de rester pour toujours.

*

La paix, ce n’est pas l’absence de bruits,
mais les écouter et les changer en silence.

*

Écrire est une affaire de lâches ;
l’amour est pur courage.
Les deux ensemble, poésie.

*

Deux personnes qui s’oublient
s’aiment juste différemment.
L’oubli arrive avec la solitude,
quand un n’est plus qu’un
et qu’il n’y a pas de place pour un autre.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Que la vie peut durer (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Que la vie
peut durer le temps de deux regards échangés
au milieu d’une tempête
Et je vous assure que c’est un cadeau,
et cela est plus que suffisant.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Trois mille battements et deux cent litres de sang (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 19 avril 2024




    
Trois mille battements et deux cent litres de sang

Si je pouvais me multiplier
je me promènerais avec toi
en te donnant les deux mains.

Je veux dire
que si je pouvais être deux,
moi deux fois
— comprends-moi —,
une âme répétée
comme la boucle qui s’enroulerait entre deux doigts
et ressemblerait à un auriculaire
ou les lèvres
qui laisseraient passer la langue
précédant un baiser
qui se dupliquerait en quête d’éternité,
je coloniserais ton présent et tes lendemains,
t’attendrais où que tu sois
et où tu voudrais être,
me languirais de toi
en voyant tes baisers faire des gouttières entre mes cils
et je te dessinerais en même temps des lèvres
pleines de salive
au milieu du majeur.

Si je pouvais me dédoubler
je nous observerais de l’extérieur
comme on regarde la mort dans les yeux :
avec envie.

Si je pouvais être ici et là
je serais en toi et en toi,
je mettrais le feu à Troie,
tout en t’offrant Paris,
je te regarderais dormir
et rêverais de toi en même temps.

Tu sais ce à quoi je me réfère,
si je pouvais fausser les coordonnées,
je créerais une carte où ne figureraient que tes orteils
et ce besoin que j’ai de te suivre partout.

Si je pouvais être la même en deux moitiés, amour,
je t’habillerais avec autant de nervosité
que tu en as quand tu me laisses te dénuder,
je polirais mes erreurs
pour que le faux pas soit doux
et je serais à la fois le précipice et l’élan
de toutes tes peurs, de tous tes rêves.

Si je pouvais,
mon amour,
je transformerais tout ce qui est maintenant singulier
en pluriel

Mais je ne peux pas,
et tu dois donc te satisfaire
de la seule chose que je puisse faire :
t’aimer
— pas le double, ni par deux, ni au carré,
mais avec la force d’une armée
de trois mille battements et deux cents litres
de sang
qui en voulant te donner plus qu’elle
ne possède
te donne tout ce qu’elle est —.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LAVEUR D’EAU (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 17 mars 2024




    
LAVEUR D’EAU

Je refuse que l’eau soit sujette à croupir.
Il est inadmissible, il n’est pas digne d’elle
De la voir s’envaser dans des stases mortelles,
S’embourber dans la mare et se mettre à sentir.

Ouvrier mécontent équipé de ses rimes,
Le poète impétrant qui est un laveur d’eau,
En déposant sa pierre au milieu du ruisseau,
Tâche de la remettre au courant qui l’anime.

Que fait-il en effet sinon la replacer
Dans le circuit parfait et autonettoyant
Où l’eau purifie l’eau en la renouvelant?

Le système n’a rien de très sophistiqué :
Il suffit d’un peu d’eau — un ru fera l’affaire —
D’une pente légère et de la laisser faire.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LA NAPPE FRÉNÉTIQUE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024




    
LA NAPPE FRÉNÉTIQUE

C’est une étendue d’eau que dressent les vibrisses
Des araignées de l’eau qui concentrent leurs cernes
Sur la cible voilée de ce vinyle terne
Parcouru de frissons au milieu des iris.

C’est une flaque morte où dansent les gerris,
Une mare lassée, fatiguée d’être soi.
De grossiers batraciens y font plouf dans la soie
S’asseyant de leur pet dans l’eau qui se hérisse.

Tout ce peuple y vivote, y barbote, y ovule.
Le moustique y fait tache à la façon d’un poil
Incongru dans la soupe, une chute d’étoile:

Dans la plate musique elle a mis sa virgule.
Écoutons maintenant ce silence amplifié:
La mare bruit d’un rien et tout est modifié.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

INCIDENT AILÉ (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




    
INCIDENT AILÉ

L’allégresse impie des oiseaux
m’a si tôt réveillée
pendant des rêves de tristesses.
Des bruits de va-et-vient
m’ont si tôt réveillée.
De va-et-vient, de cercles
que les oiseaux écrivent
sur l’espace vierge.

Les cercles m’ont réveillée.
Tous dans la ronde, les oiseaux jouent
— allégresse impie —,
tous dans la ronde,
les oiseaux écrivent des cercles effrénés,
tous dans la ronde,
toutes choses dans la ronde,
personne dans la ronde
— schéma redoutable —,
rien dans la ronde
et toi au milieu.

Mais voici la lumière,
et la vision nette, la traîtresse.
Elle a pris leurs empreintes aux cercles,
leurs dépositions aux oiseaux,
interrogé les bruits et les ardeurs.
Et vérifié ton identité.
Comme quoi tu n’es pas et ne t’appelles pas,
tu es née en plein dépeuplement.
Et l’on en reste là.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

C’est très loin sous la mer (Brigitte Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
C’est très loin sous la mer
l’amour est au milieu
vous étiez en enfer
vous revenez heureux

Dans la ville engloutie
vous faites les cent pas
et le sang cramoisi
coule sur le sang froid

Les blessures du coeur
s’évadent dans les rues
votre amour de couleur
vous soigne droit au but

Il vous panse avec l’or
la fourrure et les fleurs
le fruit confit vous mord
d’un baiser de bonheur

(Brigitte Fontaine)

Recueil: FATRASIE
Editions: LE TRIPODE

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

DES HOMMES (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2024




    
DES HOMMES

Au milieu d’un grand luminaire
on voyait discuter des hommes
en proie à la grande peur
d’autres pleuraient
on trouvait aussi les amants
de la secrète beauté
ils gagnaient les anciens faubourgs
et rejoignaient leurs compagnes
marchant pieds nus
sur les planchers de bois blanc
pour ne pas réveiller.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

ENFANTEMENT (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2024




    

ENFANTEMENT

L’enfant tremblait en elle
au milieu des tissus roses
des veines bleues
du fiel sombre.
On voyait à travers la ville
cette femme dont les yeux
avec tout son corps
exprimaient la résignation
aux épuisantes constructions
de la chair et du sang.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Ciel fendu (Marie-Claire Bancquart)

Posted by arbrealettres sur 1 février 2024




    
Ciel fendu

Les mots s’autodétruisent
dans l’odeur surie des bibliothèques
on lève son regard vers la fragilité des nuages.

Plus fragile, pourtant,
le ciel fendu par des écroulements

chairs pissant leurs liquides

massacres attentats

ils ne suriront pas, eux
ils bombillent sur le sang, bourdonnant l’opéra de la mort totale.

Eh, la parole, tu t’es enfuie
sur les ailes de ces mouches à merde ?

Mais non, tu restes
cette place de sève où la vie continue
dans la tige qu’on croyait gâtée pour toujours.

On s’accorde avec un espoir minuscule
en pot sur le balcon.

Notre précieux rien.
Notre indéfectible amour, à deux, à d’autres au milieu du monde presque défait.
Notre évidence.

(Marie-Claire Bancquart)

Recueil: Anthologie Poèmes ouverts
Editions: POINTS

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »