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Poésie

Posts Tagged ‘pouvoir’

ÉNIGME (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2024




ÉNIGME

Seigneur du vertige,
l’épervier
solitaire dans la hauteur
trace un signe,
aussitôt
évanoui dans la lumière, dans l’air.
Obstiné, de l’aube jusqu’au soir
il le répète.
Il dessine, sans le savoir,
une question :
le pouvoir est-il liberté,
la liberté est-elle destin ?
Lumière et air.

(Octavio Paz)

Illustration

 

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Je croyais bien vivre sans amour (Le Chatelain de Coucy)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024




    
Je croyais bien vivre sans amour,
désormais en paix toute ma vie,
mais mon coeur dont je l’avais sauvé
m’a entraîné dans la folie.
J’ai entrepris plus grande folie
que le fol enfant qui crie
pour avoir la belle étoile
qu’il voit en haut briller immobile.

Bien que je me désespère,
Amour m’a bien récompensé
pour l’avoir autant que je pouvais
servi sans déloyauté:
il a fait de moi le roi des fous,
mais qui s’y fie prenne bien garde,
car grande faveur doit récompenser
ceux qui servent sans trahir.

Ce n’est pas merveille si je m’irrite
contre Amour qui m’a fait tant souffrir.
Dien! si je pouvais le tenir
un seul jour,à ma volonté!
elle paierait sa folie:
il lui faudrait mourir
s’il ne triomphait de ma dame.

Chanson, salut la belle, objet de ma folie,
et prie là
que pour Dieu et pour son honneur
elle ne me trahisse pas.

(Le Chatelain de Coucy)

Recueil:
Traduction: André Mary
Editions:

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LES CRIS VAINS (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024



Ghérasim Luca 
    
LES CRIS VAINS

personne à qui pouvoir dire
que nous n’avons rien à dire
et que le rien que nous nous disons
continuellement
nous nous le disons
comme si nous ne nous disions rien
comme si personne ne nous disait
même pas nous
que nous n’avons rien à dire
personne
qui pouvoir le dire
même pas à nous

Personne à qui pouvoir dire
que nous n’avons rien à faire
et que nous ne faisons rien d’autre
continuellement
ce qui est une façon de dire
que nous ne faisons rien
une façon de ne rien faire
et de dire ce que nous faisons

Personne à qui pouvoir
dire que nous ne faisons rien
que nous ne faisons
que ce que nous disons
c’est-à-dire rien

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

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Si seulement (Jim Morrison)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024




    
Si seulement je
pouvais sentir pépiement
des moineaux air l’enfance
me ramener
à elle
seulement je pouvais
me sentir ramené
à elle

me sentir une nouvelle fois
embrassé par
la réalité
Je mourrais
Avec joie je mourrais

***

If only I
could feel The sound
of the sparrows
& feel child hood pulling me
back again

If only I could feel
me pulling back
again
& feel embraced
by reality
again
I would die
Gladly die

(Jim Morrison)

Recueil: La nuit américaine
Traduction: de l’anglais (Etats-Unis) par Patricia Devaux
Editions: Christian Bourgois

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S’il te plaît aime-moi (Jim Morrison)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024



    

s’il te plaît aime-moi
dit la chipie
que puis-je faire?
je l’adore.

***

please like me
says the shrew
what can i do?
I love her.

(Jim Morrison)

Recueil: La nuit américaine
Traduction: de l’anglais (Etats-Unis) par Patricia Devaux
Editions: Christian Bourgois

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Je peux écrire les vers les plus tristes (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 27 avril 2024




    
Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.

Écrire, par exemple :
« La nuit est étoilée, et grelottent, bleus, les astres, au lointain. »

Le vent de la nuit tourne dans le ciel et chante.

Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Je l’ai aimée, et parfois elle aussi m’aima.

Dans les nuits comme celle-ci je l’ai tenue dans mes bras.
Je l’ai embrassée tant de fois sous le ciel infini.

Elle m’aima, parfois moi aussi je l’ai aimée.
Comment ne pas avoir aimé ses grands yeux fixes.

Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Songer que je ne l’ai pas. Sentir que je l’ai perdue.

***

Puedo escribir los versos más tristes esta noche.

Escribir, por ejemplo :
« La noche está estrellada, y tiritan, azules, los astros, a lo lejos. »

El viento de la noche gira en el cielo y canta.

Puedo escribir los versos más tristes esta noche.
Yo la quise, y a veces ella también me quiso.

En las noches como ésta la tuve entre mis brazos.
La besé tantas veces bajo el cielo infinito.

Ella me quiso, a veces yo también la quería.
Cómo no haber amado sus grandes ojos fijos

Puedo escribir los versos más tristes esta noche.
Pensar que no la tengo. Sentir que la he perdido.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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Quelque chose chante (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration: Pascal Renoux
    
Quelque chose chante, quelque chose monte
Jusqu’à mon avide bouche.
Oh pouvoir te célébrer
avec toutes les paroles de joie.
Chanter, flamber, fuir,
comme un clocher aux mains d’un fou.

Ma triste tendresse,
que deviens-tu soudain ?
Quand je suis arrivé à l’angle
le plus osé et froid
mon coeur se referme
comme une fleur nocturne.

***

Algo canta, algo sube hasta mi ávida boca.
Oh poder celebrarte con todas las palabras de alegría.
Cantar, arder, huir,
como un campanario en las manos de un loco.

Triste ternura mía, qué te haces de repente ?
Cuando he llegado al vértice más atrevido y frío
mi corazón se cierra como una flor nocturna.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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Presque hors du ciel (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration: Silvia Leveroni Calvi
    
Presque hors du ciel jette l’ancre entre deux montagnes
la moitié de la lune.
Tournante, errante nuit, la terrassière des yeux.
Que d’étoiles en morceaux à voir dans la flaque.

Elle fait une croix de deuil entre mes sourcils, elle fuit.
Forge de métaux bleus, nuits des luttes silencieuses,
mon coeur tourne comme un volant fou.
Petite venue de si loin, amenée de si loin,
parfois fulgure son regard sous le ciel.

Plainte incessante, tempête, tourbillon de furie,
traverse sur mon coeur, sans t’arrêter.
Ô vent des sépulcres charrie, détruis,
disperse ta racine somnolente.

Déracine les grands arbres de l’autre côté d’elle.
Mais toi, claire petite, question de fumée, épi.
Elle était celle que formait peu à peu le vent
avec des feuilles illuminées.

Derrière les montagnes nocturnes, blanc lys d’incendie,
ah je ne peux rien dire !
Elle était faite de toutes les choses.

Désir violent, toi qui me fendis la poitrine à coups de couteau,
il est l’heure de suivre un autre chemin,
où elle ne sourira pas.

Tempête qui enterra les cloches,
trouble et nouvel essor des tourments
pourquoi la toucher maintenant,
pourquoi l’attrister.

Suivre hélas le chemin qui s’éloigne de tout,
où ne taillade pas l’angoisse, la mort, l’hiver,
avec ses yeux ouverts parmi la rosée.

***

Casi fuera del cielo ancla entre dos montañas la mitad de la luna.
Girante, errante noche, la cavadora de ojos.
A ver cuántas estrellas trizadas en la charca.

Hace una cruz de luto entre mis cejas, huye.
Fragua de metales azules, noches de las calladas luchas,
mi corazón da vueltas como un volante loco.
Niña venida de tan lejos, traída de tan lejos,
a veces fulgurece su mirada debajo del cielo.
Quejumbre, tempestad, remolino de furia,
cruza encima de mi corazón, sin detenerte.

Viento de los sepulcros acarrea, destroza, dispersa tu raíz soñolienta.
Desarraiga los grandes árboles al otro lado de ella.
Pero tú, clara niña, pregunta de humo, espiga.
Era la que iba formando el viento con hojas iluminadas.
Detrás de las montañas nocturnas, blanco lirio de incendio,
ah nada puedo decir! Era hecha de todas las cosas.

Ansiedad que partiste mi pecho a cuchillazos,
es hora de seguir otro camino, donde ella no sonría.
Tempestad que enterró las campanas, turbio revuelo de tormentas
para qué tocarla ahora, para qué entristecerla.

Ay seguir el camino que se aleja de todo,
donde no esté atajando la angustia, la muerte, el invierno,
con sus ojos abiertos entre el rocío.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2024



Illustration: OTSUKIMI: Fête de la pleine lune! 
    
QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES

Quoi que tu écrives, tu n’exprimeras point le sens,
car au commencement n’était pas le verbe
mais la joie des corps.

Ensuite est venue la saison de la douce faim.

L’horizon a blanchi et les oiseaux ont attaqué les blés.
Les petits fauves des mots que nous nous lancions
mordaient, de plus en plus acharnés,
notre avenir commun et j’ai compris
que seuls mes sens articulaient
toutes les nuances du bleu
dont ton langage est imprégné.
C’est alors que je t’ai perdu
à la fin d’un poème.

À présent, le silence dans le coeur,
je regarde le ventre lisse de la lune d’août
frémir dans la tasse en porcelaine,
mais tu ne peux pénétrer dans ce paysage
car au-dessus des épaules
tu es un véritable hiver.

Aussi je reste dans ma réalité:
je te rends les mots
je garder ma joie.

(Aksinia Mihaylova)

Recueil: Ciel à perdre
Editions: Gallimard

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Tant que mes yeux pourront larmes épandre (Louise Labé)

Posted by arbrealettres sur 22 avril 2024



Illustration
    
Tant que mes yeux pourront larmes épandre
À l’heur passé avec toi regretter,
Et qu’aux sanglots et soupirs résister
Pourra ma voix, et un peu faire entendre ;

Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignard luth, pour tes grâces chanter ;
Tant que l’esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien fors que toi comprendre,

Je ne souhaite encore point mourir.
Mais, quand mes yeux je sentirai tarir,
Ma voix cassée, et ma main impuissante,

Et mon esprit en ce mortel séjour
Ne pouvant plus montrer signe d’amante,
Prierai la mort noircir mon plus clair jour.

(Louise Labé)

Recueil: Oeuvres poétiques Pernette du Guillet Rymes
Editions: Gallimard

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