Ce qui est à moi
c’est un homme seul emprisonné de blanc
c’est un homme seul qui défie les cris blancs de la mort blanche
(TOUSSAINT, TOUSSAINT LOUVERTURE)
c’est un homme seul qui fascine l’épervier blanc de la mort blanche
c’est un homme seul dans la mer inféconde de sable blanc
c’est un moricaud vieux dressé contre les eaux du ciel
La mort décrit un cercle brillant au-dessus de cet homme
la mort étoile doucement au-dessus de sa tête
la mort souffle, folle, dans la cannaie mûre de ses bras
la mort galope dans la prison comme un cheval blanc
la mort luit dans l’ombre comme des yeux de chat
la mort hoquette comme l’eau sous les Cayes
la mort est un oiseau blessé
la mort décroît
la mort vacille
la mort est un patyura ombrageux
la mort expire dans une blanche mare de silence.
Plusieurs vies se sont partagé ma vie
Pendant que je ceinturais la terre.
Il ne sert à rien de rêver :
Je croyais étreindre les astres,
Sonder l’intensité de l’ombre.
Ciel où l’être perdure. Mer couleur de papier
D’emballage et le môle. Épervier d’une grue,
Drague épileptique avec son bruit de rouille
Dans le chenal. Mais le navire à quai
Pour l’aventure. Rien sans exil ni solitude.
Je ne chercherai plus dehors ce qui est au-dedans
Le convoi lent de la sagesse et les images.
Sur cette terre aux masques blancs
D’Hécate, aux sauvagines
Sur les marais que troue le groin des barques,
Je craignais de me perdre : loin de toi
Le monde est mort, halliers déserts.
Souris-moi, parle de ta voix
Grave et douce et légère, joyeuse,
Des profondeurs et de ce temps.
Tes pas traversent doucement
La neige du silence et l’ombre sous les arbres.
Ô fée vêtue de fleurs.
Ta main au feu des bagues.
(Philippe Delaveau)
Recueil: Le Veilleur amoureux précédé d’Eucharis
Traduction:
Editions: Gallimard
Neige de deux hivers ne se reconnaîtraient
Ni vous ne figerez les plis de mon eau froide,
Gel du poème, ou son fouillis ne ferez roide.
– Plus que l’épervier les demeures m’effraient,
Quand l’aurore me donne à sa serre féline,
Plus l’indiscret oiseau dont je suis la volière:
Mésange – cœur de fraise – aux tortures encline
Qui me met en morceaux comme on casse les oeufs.
Neiges de deux hivers ne se reconnaîtraient
Ni vous ne figerez les plis de mon eau froide,
Gel du poème, Ou son fouillis ne ferez roide.
— Plus que de l’épervier les demeures m’effraient,
Quand l’aurore me donne à sa serre féline,
Plus l’indiscret oiseau dont je suis la volière :
Mésange — cœur de fraise — aux tortures encline
Qui me met en morceaux comme on casse les œufs.
Âme du lasso
de l’algue
du cric, du grappin et de la vague qui gonfle
de l’épervier, du morse, de l’éléphant marin
âme triple
excentrée
énergumène
Âme de larve électrisée venant mordre à la surface
Âme des coups et des grincements de dents
âme en porte à faux toujours vers un nouveau redressement
D’où vient ce cri de source dans la nuit,
et le bruit d’aube au bleu de l’olivier
comme un oiseau qui rêve d’épervier,
froissant de l’aile une feuille ennemie?
Et le parfum de la terre endormie,
cette tiédeur féminine du vent,
une rumeur de mer qui se déprend
du piège plat des grèves obscurcies?
Fuyant l’écho, j’avais scellé les murs,
tissé ce creux de tentures cruelles.
Voici le bruit de source et le bruit d’ailes:
chute étouffée de hautes chevelures
dont la caresse efface le visage
de l’inconnue, qui parlait à mi-voix,
et n’a laissé qu’un souffle entre mes doigts
pour témoigner, au jour, de son passage.