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Poésie

Posts Tagged ‘roi’

Rondeau lyrique (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    
Rondeau lyrique

Les cœurs dorment dans des coffrets
Que ferment de belles serrures ;
Sous les émaux et les dorures
La poussière des vieux secrets
Et des lointaines impostures
Se mêle aux frêles moisissures
Des plus récentes aventures :
Chère, ôtez vos doigts indiscrets,
Les cœurs dorment.

Vos doigts ravivent des blessures
Et vos regards sont des injures,
Laissez-les reposer en paix.
Comme des rois dans leurs palais
Ou des morts dans leurs sépultures,
Les cœurs dorment.

(Rémy de Gourmont)

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Chanson persane (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    

Chanson persane

Celle qui tiens mon cœur m’a dit languissamment :
« Pourquoi donc es-tu triste et pâle, ô mon Charmant ? »
M’a dit languissamment celle qui tient mon cœur.

Celle qui tient mon cœur m’a dit moqueusement :
« Quel miel d’amour a donc englué mon Charmant ? »
M’a dit moqueusement celle qui tient mon cœur.

Moi, j’ai pris un miroir et j’ai dit à la Belle :
« Regarde en ce miroir, regarde, ô ma cruelle ! »
Et j’ai dit à la Belle, en brisant le miroir :

« Comme une perle d’ambre attire un brin de paille,
La langueur de ton teint m’appelle, je défaille,
Je suis le brin de paille et toi la perle d’ambre. »

« Apportez-moi des fleurs fleurantes et des cinnames
Pour ranimer le cœur de mon Roi qui se pâme,
Des cinnames pour son âme et des fleurs pour son son cœur ! »

(Rémy de Gourmont)

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LA VIEILLE AMOUREUSE (Conon de Béthune)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024




    
LA VIEILLE AMOUREUSE

Jadis dans un autre pays
Un chevalier aima une dame.
Tant que la dame fut à son avantage,
Elle lui refusa son amour,
Jusqu’au jour où elle lui dit : « Ami,
Je vous ai longtemps amusé par mes paroles ;
Or votre amour est connu et prouvé,
Désormais, je serai toute à votre gré. »

Le chevalier la regarda bien en face,
Il la vit pâle et décolorée.
« Dame, fait-il, je n’ai pas de chance
Que dès l’autre année, vous n’ayez eu cette pensée.
Votre beau visage qui ressemblait à la fleur de lis
Me paraît avoir tellement changé de mal en pis
Qu’il m’est avis que vous n’êtes plus la même à mes yeux.
Vous avez pris bien tard cette décision, madame. »

Quand la dame s’entendit railler de cette manière,
Elle en eut honte, et elle dit étourdiment :
« Par Dieu, vassal, croyez-vous qu’on doive vous aimer
Et que je parle sérieusement ?
Cela ne m’est pas venu à l’esprit.
Jamais je n’aurai daigné vous aimer
Vu que vous avez souvent plus grande envie
D’embrasser un bel adolescent. »

– Madame, j’ai bien ouï parler
De votre beauté, mais ce n’est pas d’aujourd’hui.
J’ai ouï conter de Troie
Que cette ville fut jadis de très grande puissance,
Et maintenant on en trouve à peine l’emplacement.
Pour ce, je vous conseille d’excuser
Que soient accusés de tricherie
Ceux qui désormais ne voudront vous aimer. »

– Vassal, vous avez eu une fâcheuse idée
De me reprocher mon âge ;
Si ma jeunesse est tout à fait passée,
Je suis d’autre part riche et de haut parage ;
On m’aimerait avec un peu de beauté.
Il n’y a pas un mois
Que le marquis m’envoya son messager
Et le Barrois a jouté pour l’amour de moi. »

– Par Dieu, dame, cela doit bien vous ennuyer
De regarder toujours à la haute situation.
On n’aime pas une dame pour sa parenté,
Mais on l’aime quand elle est belle et sage ;
Vous en saurez un jour la vérité :
Car il y en a bien cent qui ont jouté pour l’amour de vous,
Qui, fussiez-vous la fille du roi de Carthage,
Ne le voudraient plus aujourd’hui. »

(Conon de Béthune)

Recueil:
Traduction: André Mary
Editions:

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Je croyais bien vivre sans amour (Le Chatelain de Coucy)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024




    
Je croyais bien vivre sans amour,
désormais en paix toute ma vie,
mais mon coeur dont je l’avais sauvé
m’a entraîné dans la folie.
J’ai entrepris plus grande folie
que le fol enfant qui crie
pour avoir la belle étoile
qu’il voit en haut briller immobile.

Bien que je me désespère,
Amour m’a bien récompensé
pour l’avoir autant que je pouvais
servi sans déloyauté:
il a fait de moi le roi des fous,
mais qui s’y fie prenne bien garde,
car grande faveur doit récompenser
ceux qui servent sans trahir.

Ce n’est pas merveille si je m’irrite
contre Amour qui m’a fait tant souffrir.
Dien! si je pouvais le tenir
un seul jour,à ma volonté!
elle paierait sa folie:
il lui faudrait mourir
s’il ne triomphait de ma dame.

Chanson, salut la belle, objet de ma folie,
et prie là
que pour Dieu et pour son honneur
elle ne me trahisse pas.

(Le Chatelain de Coucy)

Recueil:
Traduction: André Mary
Editions:

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À MA FILLE (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2024




    
À MA FILLE

Ô mon enfant, tu vois, je me soumets.
Fais comme moi : vis du monde éloignée ;
Heureuse ? non ; triomphante ? jamais.
— Résignée ! —

Sois bonne et douce, et lève un front pieux.
Comme le jour dans les cieux met sa flamme,
Toi, mon enfant, dans l’azur de tes yeux
Mets ton âme !

Nul n’est heureux et nul n’est triomphant.
L’heure est pour tous une chose incomplète ;
L’heure est une ombre, et notre vie, enfant,
En est faite.

Oui, de leur sort tous les hommes sont las.
Pour être heureux, à tous, — destin morose ! —
Tout a manqué. Tout, c’est-à-dire, hélas !
Peu de chose.

Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
Dans l’univers chacun cherche et désire :
Un mot, un nom, un peu d’or, un regard,
Un sourire !

La gaîté manque au grand roi sans amours ;
La goutte d’eau manque au désert immense.
L’homme est un puits où le vide toujours
Recommence.

Vois ces penseurs que nous divinisons,
Vois ces héros dont les fronts nous dominent,
Noms dont toujours nos sombres horizons
S’illuminent !

Après avoir, comme fait un flambeau,
Ébloui tout de leurs rayons sans nombre,
Ils sont allés chercher dans le tombeau
Un peu d’ombre.

Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,
Prend en pitié nos jours vains et sonores.
Chaque matin, il baigne de ses pleurs
Nos aurores.

Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,
Sur ce qu’il est et sur ce que nous sommes ;
Une loi sort des choses d’ici-bas,
Et des hommes.

Cette loi sainte, il faut s’y conformer,
Et la voici, toute âme y peut atteindre :
Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
Ou tout plaindre !

(Victor Hugo)

Recueil: Les Contemplations
Editions:

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L’ASPIRATEUR (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 17 mars 2024



    

L’ASPIRATEUR

Un genre d’éléphant coincé entre sa large
Trompe et sa queue-de-rat dans la prise branchée.
Opiniâtre il poursuit les moutons retranchés.
Un danseur de salon qui feinte au pas de charge.

Tel est l’aspirateur: un vrombissant molosse
Dénicheur de poussière et chercheur de chichis.
Ses appendices sont plus encombrants que lui
Mais de grandioses riens nourrissent le colosse.

Tout en lui est pataud et pattu: son antenne
À râteau pesamment informe l’abdomen
Des directions à prendre où trouver de la manne.

Il a le bruit plus gros, plus gourmand que le ventre
Dans la pièce, attention, c’est lui qui est au centre:
Le roi de l’électro-ménagerie pavane.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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À l’ombre des pins et des cyprès (Pan Qie Yu)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2024




    
À l’ombre des pins et des cyprès

La sagesse reçue des Anciens
M’accorda une vie humaine.
Elle m’invita, pauvre créature, jusqu’au palais
À tenir un humble rang dans le quartier des femmes.
J’ai joui de la grâce profuse du saint souverain,
Recueillant la faveur radieuse du soleil et de la lune.
Les rais brûlants de l’astre pourpre posés sur moi,
Je reçus la haute bénédiction dans le pavillon de Zeng Shen.
Abandonnée à l’espoir de jours heureux,
Je délaçais mon souffle, éveillée comme endormie.
Mais les décrets du Ciel — qui pourra jamais les infléchir ?
Avant de les savoir, le soleil voilait sa lumière
Et me laissait déjà dans l’ombre du soir.
Je gardais la bonté du roi qui demeurait mon seul asile
Et mes fautes ne me conduisirent pas à l’exil.
J’ai servi l’impératrice douairière dans le palais d’Orient
Et pris ma place parmi les suivantes de la Confiance éternelle.
J’aidais à laver les rideaux, à balayer le sol souillé
Et ma tâche se poursuit ainsi jusqu’au terme mortel.
Alors mes os trouveront repos au pied de la colline.
Et l’ombre vacillante des pins et des cyprès couvrira ma tombe.

(Pan Qie Yu)

(Ier siècle av. J.-C.)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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CHANSON DES SEPT JOURS (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2024



    

CHANSON DES SEPT JOURS

Dimanche, ayant l’eau passée,
Suis entrée après midi
Dans le coeur et la pensée
Du roi qui m’a l’amour dit.

Ah ! Dieu! comme il m’a bercée
En son doux coeur du lundi!
Mais dans son coeur du mardi
Son amour s’est renversée.

Dans son coeur du mercredi,
Une autre m’a remplacée.
J’ai, de son coeur du jeudi,
Trouvé la porte glacée.

En vain, comme trépassée
Dont le pas est peu hardi,
Je reviens, toujours chassée,
A son coeur du vendredi.

Dans son coeur du samedi
Le vent m’a toute effacée…
Jamais ne serai placée
En son coeur du Paradis.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les chants de la Merci suivi de Chants des Quatre-Temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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Le Pot de Fer et le Pot de Terre (Isaac de Benserade)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2024



    

Le Pot de Fer et le Pot de Terre.

Le pot de fer nageait auprès du pot de terre ;
L’un en vaisseau marchand, l’autre en vaisseau de guerre.
L’un n’appréhendait rien, l’autre avait de l’effroi,
Et tous deux savaient bien pourquoi.

Ainsi mal-à-propos petit prince se brise
Aux côtés d’un grand roi.
Ceci vous dit : malheur à qui s’avise
D’approcher de trop près d’un plus puissant que soi.

(Isaac de Benserade)

 

Recueil: Fables
Editions:

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Le léopard et l’écureuil (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



Illustration: Victor Adam
    
Le léopard et l’écureuil

Un écureuil sautant, gambadant sur un chêne,
Manqua sa branche, et vint, par un triste hasard,
Tomber sur un vieux léopard
Qui faisait sa méridienne.

Vous jugez s’il eut peur ! En sursaut s’éveillant,
L’animal irrité se dresse ;
Et l’écureuil s’agenouillant
Tremble et se fait petit aux pieds de son altesse.

Après l’avoir considéré,
Le léopard lui dit : je te donne la vie,
Mais à condition que de toi je saurai
Pourquoi cette gaîté, ce bonheur que j’envie,
Embellissent tes jours, ne te quittent jamais,
Tandis que moi, roi des forêts,
Je suis si triste et je m’ennuie.

Sire, lui répond l’écureuil,
Je dois à votre bon accueil
La vérité : mais, pour la dire,
Sur cet arbre un peu haut je voudrais être assis.
– Soit, j’y consens, monte. – j’y suis.
À présent je peux vous instruire.

Mon grand secret pour être heureux,
C’est de vivre dans l’innocence ;
L’ignorance du mal fait toute ma science ;
Mon cœur est toujours pur, cela rend bien joyeux.

Vous ne connaissez pas la volupté suprême
De dormir sans remords : vous mangez les chevreuils,
Tandis que je partage à tous les écureuils
Mes feuilles et mes fruits ; vous haïssez, et j’aime :

Tout est dans ces deux mots. Soyez bien convaincu
De cette vérité que je tiens de mon père :
Lorsque notre bonheur nous vient de la vertu,
La gaîté vient bientôt de notre caractère.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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