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Poésie

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Mes vers, dansons la ronde (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023




Illustration: Pierre Corratgé
    
Mes vers, dansons la ronde,
Mes vers jeunes et fous,
Je n’ai plus rien au monde
Que le plaisir de vous.

Ma peine solitaire
Crie à remplir le soir.
Chantons, faisons-la taire,
Dansons dans mon coeur noir.

Dans mon coeur, hors du monde,
Voici le mois de mai —
Dansons une. seconde
Comme si c’était vrai!

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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Île (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023




    
Île

Solitude au vent, ô sans pays, mon Île,
Que les barques de loin entourent d’élans
Et d’appels, sous l’essor gris des goélands,
Mon Île, mon lieu sans port, ni quai, ni ville,

Mon Île où s’élance en secret la montagne
La plus haute que Dieu heurte du talon
Et repousse… Ô Seule entre les aquilons
Qui n’a que la mer farouche pour compagne.

Temps où se plaint l’air en éternels préludes,
Mon Île où l’Amour me héla sur le bord
D’un chemin de cieux qui descendait à mort,
Espace où les vols se brisent, Solitude.

Solitude, Aire en émoi de Cœur immense
Qui sans cesse jette au large ses oiseaux,
Sans cesse au-dessus d’infranchissables eaux,
Sans cesse les perd, sans cesse recommence.

Désolation royale, terre folle
Que berce l’abîme entre ses bras massifs,
Mon Île, tu tiens un Silence captif
Qu’interroge en vain la houle des paroles.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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J’ai la fureur d’aimer (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023




    
J’ai la fureur d’aimer

J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,

Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,
Il revient triste et seul bien souvent, mais fidèle,

Et laissant aux ingrats quelque chose de lui,
Sang ou chair. Mais, sans plus mourir dans son ennui,
Il embarque aussitôt pour l’île des Chimères
Et n’en apporte rien que des larmes amères

Qu’il savoure, et d’affreux désespoirs d’un instant,
Puis rembarque. – Il est brusque et volontaire tant
Qu’en ses courses dans les infinis il arrive,
Navigateur têtu, qu’il va droit à la rive,

Sans plus s’inquiéter que s’il n’existait pas
De l’écueil proche qui met son esquif à bas.
Mais lui, fait de l’écueil un tremplin et dirige
Sa nage vers le bord. L’y voilà. Le prodige

Serait qu’il n’eût pas fait avidement le tour,
Du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au jour,
Et le tour et le tour encor du promontoire,
Et rien ! Pas d’arbres ni d’herbes, pas d’eau pour boire,

La faim, la soif, et les yeux brûlés du soleil,
Et nul vestige humain, et pas un cœur pareil !
Non pas à lui, – jamais il n’aura son semblable –
Mais un cœur d’homme, un cœur vivant, un cœur palpable,

Fût-il faux, fût-il lâche, un cœur ! quoi, pas un cœur !
Il attendra, sans rien perdre de sa vigueur
Que la fièvre soutient et l’amour encourage,
Qu’un bateau montre un bout de mât dans ce parage,

Et fera des signaux qui seront aperçus,
Tel il raisonne. Et puis fiez-vous là-dessus ! –
Un jour il restera non vu, l’étrange apôtre.
Mais que lui fait la mort, sinon celle d’un autre ?

Ah, ses morts ! Ah, ses morts, mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse et puise une tristesse douce;
Il les aime comme un oiseau son nid de mousse;

Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort,
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et n’en sort
Plein d’eux que pour encor quelque effrayante affaire.
J’ai la fureur d’aimer. Qu’y faire ? Ah, laisser faire!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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FADAISES (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 19 mai 2023



    

FADAISES

Daignez souffrir qu’à vos genoux, Madame
Mon pauvre coeur vous explique sa flamme

Je vous adore autant et plus que Dieu,
Et rien jamais n’éteindra ce beau feu.

Votre regard, profond et rempli d’ombre,
Me fait joyeux, s’il brille, et sinon, sombre

Quand vous passez, je baise le chemin,
Et vous tenez mon coeur dans votre main

Seule, en son nid, pleure la tourterelle.
Las, je suis seul et je pleure comme elle.

L’aube, au matin ressuscite les fleurs,
Et votre vue apaise les douleurs.

Disparaissez, toute floraison cesse,
Et, loin de vous, s’établit la tristesse.

Apparaissez, la verdure et les fleurs
Aux prés, aux bois, diaprent leurs couleur

Si vous voulez, Madame et bien-aimée,
Si tu voulais, sous la verte ramée,

Nous en aller, bras dessus, bras dessous,
Dieu! Quels baisers! Et quels propos de fous!

Mais non! Toujours vous vous montrez revêche
Et cependant je brûle et me dessèche,

Et le désir me talonne et me mord,
Car je vous aime, ô Madame la Mort!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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UN SOIR DE FÊTE … (Sandrine Faivre)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2023




    
UN SOIR DE FÊTE …

Ce soir , c’est la fête ,
La musique retentit de toute part ,
Orchestres , sonos , chanteurs ,
Les tonalités se confondent ,
Les bruits font le tour du monde ,
Et, par les fenêtres ouvertes ,
Ils viennent égayer ma maison .
C’est un instant magique ,
Ce soir, c’est la fête ,
Même les statuettes y participent ,
Elles se dandinent ,
Dans un sens puis dans l’autre .
J’ai comme l’impression d’être au cirque ;
Chaque personnage est animé
Et joue un rôle ,
Les indiens font la danse du feu ,
Les femmes, la danse du ventre ,
Et moi, je manipule la plume
Au rythme de la musique .
Un spectacle complètement fou ,
Remplit de bonheur ,
D’émotions, de sensations ,
Qui, pour une fois ,
Me fait oublier
La solitude d’une maison inhabitée .
C’est la fête de la musique …

(Sandrine Faivre)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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PARIS, APRÈS… (Roger Bevand)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2023



Illustration 
    
PARIS, APRÈS…

Les ronces pousseront dans le métro désert,
Les sangliers boiront sous le pont de l’Alma
Et dans le parc Monceau grignoté par la mer,
Quelques cerfs improbables brameront leur effroi.

On aura de folles herbes jusqu’aux marchés d’Auteuil,
Les vipères siffleront près du Trocadéro,
Les tigres dormiront dans les rues d’Argenteuil
Et un troupeau de buffles y cherchera de l’eau.

Ce temps sera le temps des fourmis de retour,
Des araignées géantes et des scorpions fébriles,
Des taureaux assoupis à l’ombre de la Tour,
Des vendanges en Mai, des moissons en Avril.

Trois soleils brûleront la vieille capitale,
Ce temps sera celui d’un espoir chaviré,
La forêt mangera le forum des Halles,
Et les loups se battront sur les Champs Elysées.

(Roger Bevand)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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Nul ne guérit de son enfance (Jean Ferrat)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023




    
Nul ne guérit de son enfance

Sans que je puisse m’en défaire
Le temps met ses jambes à mon cou
Le temps qui part en marche arrière me fait sauter sur ses genoux
Mes parents, l’été, les vacances, mes frères et sœurs faisant les fous
J’ai dans la bouche l’innocence des confitures du mois d’août

Nul ne guérit de son enfance, de son enfance
Nul ne guérit de son enfance, de son enfance

Les napperons et les ombrelles qu’on ouvrait à l’heure du thé
Pour rafraichir les demoiselles roses dans leurs robes d’été
Et moi le nez dans leurs dentelles, je respirais à contre-jour
Dans le parfum des mirabelles, l’odeur troublante de l’amour

Nul ne guérit de son enfance, de son enfance
Nul ne guérit de son enfance, de son enfance

Le vent violent de l’histoire allait disperser à vau-l’eau
Notre jeunesse dérisoire, changer nos rires en sanglots
Amour orange amour amer, l’image d’un père évanoui
Qui disparut avec la guerre, renaît d’une force inouie

Nul ne guérit de son enfance, de son enfance
Nul ne guérit de son enfance, de son enfance

Celui qui vient à disparaître, pourquoi l’a-t-on quitté des yeux ?
On fait un signe à la fenêtre sans savoir que c’est un adieu
Chacun de nous a son histoire et dans notre cœur à l’affût
Le va-et-vient de la mémoire ouvre et déchire ce qu’il fût

Nul ne guérit de son enfance, de son enfance
Nul ne guérit de son enfance, de son enfance

Belle cruelle et tendre enfance, aujourd’hui c’est à tes genoux
Que j’en retrouve l’innocence au fil du temps qui se dénoue
Ouvre tes bras, ouvre ton âme, que j’en savoure en toi le goût
Mon amour frais, mon amour femme
Le bonheur d’être et le temps doux

Pour me guérir de mon enfance, de mon enfance
Pour me guérir de mon enfance, de mon enfance.

(Jean Ferrat)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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NEZAHUALCOYOTL (Miguel León-Portilla)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2023




NEZAHUALCOYOTL
    
Nulle part ne se trouve la maison de l’inventeur de soi-même.
Dieu, notre seigneur, est invoqué partout,
partout il est vénéré.
On cherche sa gloire, sa renommée sur terre.
Il est celui qui invente les choses,
celui qui s’invente soi-même : Dieu.
Partout il est invoqué
partout il est vénéré,
on cherche sa gloire, sa renommée sur terre.

Nul ne peut ici
nul ne peut être l’ami
de Celui qui donne vie :
seulement quand il est invoqué
à son côté
près de lui
on peut vivre sur cette terre.
Celui qui l’a trouvé
sait seulement ceci : invoqué
à son côté
près de lui
on peut vivre sur cette terre.

Nul en vérité
n’est ton ami,
ô toi qui donnes vie !
Ainsi qu’entre les fleurs
nous chercherions quelqu’un
ainsi nous te cherchons,
nous qui vivons sur terre
bien que nous soyons à ton côté.
Ton coeur se lassera
et pour peu de temps
nous serons avec toi, près de toi.

Celui qui donne vie nous rend fous,
nous enivre ici.

Nul sans doute ne peut être à son côté
être heureux, régner sur terre.

Toi seul altères les choses,
notre coeur le sait bien :
nul sans doute ne peut être à ton côté,
être heureux, régner sur terre.

traduit du Nahuátl

(Miguel León-Portilla)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Nous sommes les rossignols (Zatî)

Posted by arbrealettres sur 6 avril 2023



    

Nous sommes les rossignols du plus haut des cieux,
notre roseraie est un clos d’amis

Nous sommes les amoureux au coeur épris,
notre vigueur est souffrance.

Sur l’arène du Seigneur chacun de nous est une noctuelle
Devant le soleil de la Face, toujours nous menons notre ronde.

Le dévot nous croit fous, nous croit pleins de révolte
Nous sommes libres de pure liberté, nos ruines sont florissantes.

Nous venons de nulle part, nous venons d’une grande souche
Au delà de la voûte céleste, au delà du trône nous mènent nos pas.

Le secret de la confiance est en nous, en nous l’éclat de la volonté
La grâce du bonheur est en nous, nombreux sont nos titres.

Qui n’est pas le vrai Salomon, qui ne connaît pas le langage des oiseaux
Celui-là est un indifférent, ô Zatî ! Il ne connaît pas notre savoir.

(Zatî)

Recueil: Poèmes des derviches anatoliens
Traduction: Guzine Dino,Michèle Aquien,Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana

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CIMETIÈRE (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2023




    
CIMETIÈRE

Concessions échues, tombes abandonnées,
défoncées, à la renverse, forcées, christs
arrachés, passés à l’estrapade, manchots,
bouquets fanés, fleurs saccagées, mousses
et lichens, herbes folles, angelots sans tête,
marbres fendus, pierres grises et ferrailles
mangées par la rouille et la vermine, terre
ultime et sans concession pour nous futurs
morts en train de promener nos dimanches
parmi la charpie de cent regrets éternels
que le soleil en passant ramasse et fourre
dans sa poche comme un voleur de peu.

(Guy Goffette)

Recueil: Petits riens pour jours absolus
Editions: Gallimard

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