Posts Tagged ‘défaire’
Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

Gabriela Mistral
CHOSES
A Max Daireaux.
J’aime les choses jamais eues,
avec celles que je n’ai plus.
Je palpe une eau silencieuse,
étale sur des prés frileux,
frissonnant sans la moindre brise,
dans un clos qui fut mon enclos.
Je la vois comme la voyais,
une étrange pensée me vient
et je joue, lente, avec cette eau,
comme avec poisson ou mystère.
Je pense au lieu où j’ai laissé
des pas joyeux que je n’ai plus
et sur le seuil, vois une plaie,
pleine de mousse et de silence.
Je cherche un vers que j’ai perdu
et que m’avait dit à sept ans
une femme faisant le pain,
dont je vois la bouche bénie.
Un parfum défait en rafales
m’apporte bonheur quand il vient,
si ténu qu’il n’est pas parfum,
et c’est l’odeur des amandiers.
Il redonne enfance à mes sens,
je lui cherche un nom et ne trouve
et flaire l’air et les villages,
en quête d’amandiers absents.
J’entends tout près une rivière;
je l’entends depuis quarante ans :
c’est le murmure de mon sang,
ou quelque rythme à moi donné;
ou bien l’Elqui de mon enfance,
que je remonte et passe à gué,
jamais perdu, coeur contre coeur,
nous allons comme deux enfants.
Lorsque je rêve de mes Andes,
j’avance par des défilés
où me parvient un sifflement,
presque une conjuration.
Je vois à ras de Pacifique
mon archipel violet sombre,
avec l’île qui m’a laissé
une âcre odeur d’alcyon mort.
Un dos, un dos grave et paisible
au bout du rêve que je fais
marque la fin de mon chemin;
je m’y repose quand j’arrive.
Tronc d’arbre mort ou bien mon père
est ce vague dos couleur cendre;
je ne l’interroge ni trouble,
je me couche à côté et dors.
J’aime une pierre d’Oaxaca
ou Guatemala; j’en approche;
fixe et rouge, elle me ressemble;
la crevasse en expire un souffle.
Dans son sommeil, je la vois nue,
et ne sais pourquoi la retourne.
Je ne l’ai pas eue peut-être :
c’est mon sépulcre que je vois.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted in poésie | Tagué: (Gabriela Mistral), absent, aimer, air, alcyon, aller, amandier, approcher, arbre, archipel, arriver, avancer, avoir, âcre, étaler, étrange, béni, bonheur, bouche, brise, chemin, chercher, chose, clos, coeur, conjuration, crevasse, défaire, défilé, donner, dos, eau, enclos, enfance, enfant, entendre, expirer, faire, femme, fice, fin, flairer, frileux, frissonner, grave, gué, jamais, jouer, joyeux, lent, lieu, mort, mousse, murmuré, mystère, nom, nu, odeur, pacifique, pain, paisible, palper, parfum, parvenir, pas, passer, père, pensée, penser, perdre, perdu, pierre, plaie, plein, poisson, pourquoi, pré, quête, rafale, ras, rêve, rêver, redonner, remonter, reposer, ressembler, retourner, rivière, rouge, rythme, sang, sépulcre, se coucher, sens, seuil, sifflement, silence, silencieux, sombre, sommeil, souffle, ténu, tronc, trouver, vague, venir, vers, village, violet, voir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2022
Illustration: Shan Sa
Vers du souvenir
Je songe à sa venue
Brillante, brillante en haut des marches du jardin
Impatient, impatient de faire cesser notre séparation
Inépuisables, inépuisables, nous parlons d’amour
Nos regards s’embrassent sans pouvoir se rassasier
Je te contemple et en oublie ma faim
Je songe à l’instant où elle s’assit,
Consciencieuse, devant le rideau fin.
Elle chante par trois fois
Et par trois fois pince les cordes du luth.
Son rire efface le souvenir des autres êtres.
Elle fait la mine et n’en est que plus belle.
Je songe à son sommeil
Gardant l’éveil quand tous se reposent
Elle défait la torpeur sans y être poussée
Immobile sur le coussin,
Elle attend qu’une caresse la trouve.
Effrayée par mes regards,
Elle rougit sous la lueur des chandelles.
(Shen Yue)
(441-513)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
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Posted in poésie | Tagué: (Shen Yue), amour, attendre, éveil, être, beau, brillant, caresse, cesser, chandelle, chanter, conscencieux, contempler, corde, coussin, défaire, effacer, effrayer, faim, fin, garder, haut, immobile, impatient, inépuisable, instant, jardin, lueur, luth, marche, mibe, oublier, parler, pincer, pousser, pouvoir, regard, rideau, rire, rougir, s'asseoir, s'embrasser, séparation, se rassasier, se reposer, sommeil, songer, souvenir, torpeur, trouver, venue, vers | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2022

Combien de temps le rouge-gorge a-t-il joué sous mes yeux?
Deux secondes, peut-être trois –
et cela a suffi pour qu’avec son bec
il attrape une maille de mon coeur et, s’envolant brusquement,
défasse toute la pelote pour l’emmener dans le ciel
où je me découvrais soudain rêveur.
(Christian Bobin)
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Posted by arbrealettres sur 4 novembre 2022

Chanson pour la nommer
Elle est comme un puits de feuillage
Douce comme le flanc du vent
Affolée comme un feu flambant
Dérivante comme un nuage.
Elle est la sueur et la nage
Elle est le sable en plein midi
Une humide touffe de nuit
Prise entre la lune et minuit.
Elle est la belle et l’opportune
L’indolente, le foin de mai
Et parmi ses cheveux défaits
La pluie fine sur l’églantier.
(Luc Bérimont)
Recueil: Le sang des hommes
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
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Posted in poésie | Tagué: (Luc Bérimont), affoler, églantier, belle, chanson, cheveux, défaire, dériver, doux, feu, feuillage, fin, flamber, flanc, foin, humide, indolent, lune, mai, midi, minuit, nage, nommer, nuage, nuit, opportune, plein, pluie, prendre, puits, sable, sueur, touffe, vent | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022

une natte se défait
dans la chevelure d’une femme au visage ovale
qui se doit de veiller
mais dort assise
pleine d’ombres et de courbes
(Jean Follain)
Illustration
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Posted by arbrealettres sur 19 septembre 2022

Illustration
Lointaine, la beauté fine
Lointaine, la beauté fine est ascension,
Roseraie de neige
Formant une maison claire
Sur la fumée du bleu.
Le monde ainsi donné
Rejoint l’enfant de son visage
En un matin,
Et ton regard ouvre les passes
Au plus léger de la lumière.
Le jour alors te reconnaît.
La buée rouge des fleurs,
Un chant, qui tout le jour
Accompagne mes yeux,
Tandis que je traverse,
Avec la brise et l’alouette,
Ce monde abandonné.
Où vont les herbes et les nuages,
Les écheveaux de la lumière,
Le papillon d’après-midi devant la lune,
Et ma figure, baignée de tant de paysages
Versant leurs heures,
De proche en proche vers le plus seul?
Ni moi, ni mon cheval ne le savons.
Dormir d’un seul éclat,
Les yeux ouverts
Au seuil des grands parfums d’étoiles.
Se souvenir de la fascination
De la pivoine
Follement donnée
Aux mains de transparence qui peuplent l’air,
En ce jardin de mai où traverser était un geste d’aube,
Puis s’éveiller
Dans le sourire de la lenteur
Sans fin recommencée
Par les allées d’automne
Où les pétales jamais défaits
Rassemblent un avenir
Ganté d’abeilles et de pollen.
Les yeux, cherchant cet or,
Suivent à distance
La mince nuée de la beauté,
Statue mouvante insaisissable,
Épousant l’air de son absence
Sans fin recommencée.
Traversant les reflets,
Tu marches entre les marbres
Hantés d’amour,
Un bouquet nu à tes paupières,
La bouche fardée de nuit,
Pour mieux offrir Le grain de l’aube
A la pulpe du vent.
(Marc-Henri Arfeux)
Recueil: La Beauté Éphéméride poétique pour chanter la vie
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
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Posted in poésie | Tagué: (Marc-Henri Arfeux), abandonner, abeille, absence, accompagner, air, allée, aller, alouette, amour, après-midi, ascension, aube, automne, avenir, à distance, écheveau, éclat, épouser, étoile, baigner, beauté, bleu, bouche, bouquet, brise, buée, chant, chercher, cheval, clair, défaire, donner, dormir, enfant, farder, fascination, figure, fin, fleur, follement, former, fumée, ganter, geste, grain, hanter, herbe, heure, insaisisssable, jardin, jour, léger, lenteur, lointain, lumière, lune, mai, main, maison, marbre, marcher, matin, mince, monde, mouvant, neige, nu, nuage, nuée, nuit, offrir, or, ouvrir, papillon, parfum, passé, paupière, paysage, pétale, peupler, pivoine, pollen, proche, pulpe, rassembler, recommencer, reconnaître, reflet, regard, rejoindre, roseraie, rouge, s'éveiller, sans fin, savoir, se souvenir, seuil, seul, sourire, statue, suivre, transparence, traverser, vent, verser, visage, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 juin 2022

Illustration: Emile Eisman-Semenowsky
Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de promesse
Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaine
A, comme l’océan, son flux et son reflux,
Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,
Ou je me vais résoudre à ne la souffrir plus.
Vos yeux ont des appas que j’aime et que je prise.
Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté :
Mais pour me retenir, s’ils font cas de ma prise,
Il leur faut de l’amour autant que de beauté.
Quand je pense être au point que cela s’accomplisse
Quelque excuse toujours en empêche l’effet ;
C’est la toile sans fin de la femme d’Ulysse,
Dont l’ouvrage du soir au matin se défait.
Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire
De me l’avoir promis et vous rire de moi.
S’il ne vous en souvient, vous manquez de mémoire
Et s’il vous en souvient, vous n’avez point de foi.
J’avais toujours fait compte, aimant chose si haute,
De ne m’en séparer qu’avecque le trépas
S’il arrive autrement ce sera votre faute,
De faire des serments et ne les tenir pas.
(François de Malherbe)
Recueil: Poèmes par coeur
Traduction:
Editions: Seghers
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Posted in poésie | Tagué: (François de Malherbe), aimer, amour, appas, arriver, autrement, âme, beaucoup, beauté, défaire, dessein, effet, empêcher, excuse, faute, fin, flux, foi, incertain, liberté, manquer, matin, mémoire, océan, penser, prendre, promesse, quitter, résoudre, reflux, retenir, rire, s'accomplir, se séparer, se souvenir, serment, soir, souci, souffrir, tenir, toile, trépas, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 23 juin 2022
![Eugène Grasset _CU01 [1280x768]](https://arbrealettres.files.wordpress.com/2013/10/eugc3a8ne-grasset-_cu01-1280x768.jpg?w=653&h=935)
Tu viens et le jour s’arrête.
L’espace d’un battement
de cils, c’est là. Comme si
au verdict de chaque instant
répondait un signe invisible.
Ou qu’il suffisait d’un mot
pour que tout ne soit qu’un seul
éclat, la chambre, le monde,
le vide de nos images
Le soleil revient de loin.
Et même si nous tombons
si le temps nous défait
c’est un signe, moins parfois,
un mot mal articulé.
C’est toi, de loin, qui arrives
du soleil. Il y a des mouettes,
leurs cris. Je compte les pas
qui nous séparent. Je vois
ce qui ne sera plus. C’est
Là. L’imperceptible brûle.
(Jacques Ancet)
Illustration: Eugène Grasset
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Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2022

Illustration: Alice de Miramon
JE TOUCHE TES LEVRES
Je touche tes lèvres,
je touche d’un doigt le bord de tes lèvres.
Je dessine ta bouche comme si elle naissait de ma main,
comme si elle s’entrouvrait pour la première fois
et il me suffit de fermer les yeux
pour tout défaire et tout recommencer.
Je fais naître chaque fois la bouche que je désire,
la bouche que ma main choisit et qu’elle dessine sur ton visage,
une bouche choisie entre toutes, choisie par moi
avec une souveraine liberté pour la dessiner de ma main sur ton visage et qui,
par un hasard que je ne cherche pas à comprendre,
coïncide exactement à ta bouche
qui sourit sous la bouche que ma main te dessine.
Tu me regardes, tu me regardes de tout près,
tu me regardes de plus en plus près,
nous jouons au cyclope,
nos yeux grandissent, se rejoignent, se superposent,
et les cyclopes se regardent, respirent confondus,
les bouches se rencontrent, luttent tièdes avec leurs lèvres,
appuyant à peine la langue sur les dents,
jouant dans leur enceinte où va et vient
un air pesant dans un silence et un parfum ancien.
Alors mes mains s’enfoncent dans tes cheveux,
caressent lentement la profondeur de tes cheveux,
tandis que nous nous embrassons
comme si nous avions la bouche pleine de fleurs ou de poissons,
de mouvement vivants, de senteur profonde.
Et si nous nous mordons, la douleur est douce
et si nous sombrons dans nos haleines mêlées
en une brève et terrible noyade,
cette mort instantanée est belle.
Et il y a une seule salive et une seule saveur de fruit mûr,
et je te sens trembler contre moi comme une lune dans l’eau.
(Julio Cortázar)
Recueil: Marelle
Traduction: Laure Bataillon & Françoise Rosset
Editions: Gallimard
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Posted in poésie | Tagué: (Julio Cortázar), bord, bouche, bref, cheveux, choisir, coïncider, comprendre, confondu, cyclope, défaire, désirer, dent, dessiner, doigt, douleur, doux, eau, fermer, fleur, fruit, grandir, haleine, instantané, jouer, langue, lèvres, liberté, lune, lutter, main, mordre, mort, mur, naître, noyade, plein, poisson, près, recommencer, regarder, respirer, s'embrasser, s'enfoncer, s'entrouvrir, salive, saveur, se rejoindre, se rencontrer, se superposer, sombrer, sourire, suffire, terrible, tiède, toucher, trembler, visage, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 20 octobre 2021

LES AMANTS
Heureux, curieux de s’ouvrir
dans leur durée intime, ils ont scellé
plus que poussé la porte.
Et voilà qu’il oublie son désir
pour mieux percevoir les noeuds
en cette femme et les défaire.
Et voilà qu’avec l’ultime énergie
elle s’écarte pour mieux saisir
le cri d’où naîtra cet homme.
Et voilà qu’ils sont une exclamation vraie,
un mystère autour du partage,
un midi à hauteur des lèvres,
un futur parmi le mordre !
(Gérard Noiret)
Illustration
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Posted in poésie | Tagué: (Gérard Noiret), amant, énergie, curieux, défaire, désir, durée, exclamation, femme, futur, heureux, homme, intime, lèvres, midi, mordre, mystère, noeud, oublier, partage, porte, pousser, s'ouvrir, sceller, ultime | Leave a Comment »