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QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2024



Illustration: OTSUKIMI: Fête de la pleine lune! 
    
QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES

Quoi que tu écrives, tu n’exprimeras point le sens,
car au commencement n’était pas le verbe
mais la joie des corps.

Ensuite est venue la saison de la douce faim.

L’horizon a blanchi et les oiseaux ont attaqué les blés.
Les petits fauves des mots que nous nous lancions
mordaient, de plus en plus acharnés,
notre avenir commun et j’ai compris
que seuls mes sens articulaient
toutes les nuances du bleu
dont ton langage est imprégné.
C’est alors que je t’ai perdu
à la fin d’un poème.

À présent, le silence dans le coeur,
je regarde le ventre lisse de la lune d’août
frémir dans la tasse en porcelaine,
mais tu ne peux pénétrer dans ce paysage
car au-dessus des épaules
tu es un véritable hiver.

Aussi je reste dans ma réalité:
je te rends les mots
je garder ma joie.

(Aksinia Mihaylova)

Recueil: Ciel à perdre
Editions: Gallimard

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ENTREVUE (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2024



    

ENTREVUE

La neige est drue et forte,
Il neige sur les toits.
Je sors devant la porte.
Devant moi je te vois.

Dans un manteau d’automne,
Sans chapeau, sans sabots,
Tu trembles, tu t’étonnes,
Mâchant des flocons d’eau.

Les arbres, les clôtures
Se noient dans le brouillard.
Seule, au coin du mur,
Tu te tiens à l’écart.

De ton fichu l’eau glisse
Lentement jusqu’aux gants,
Et sur tes cheveux lisses
L’eau scintille en tremblant.

Et une blonde mèche
Eclaire ton fichu,
Ta figure si fraîche,
Ton petit pardessus.

Sur tes cils fond la neige,
Tes yeux sont attristés.
Ton visage, pensé-je,
D’un seul bloc est sculpté.

Ton visage en épure
Comme par de l’airain
Marqué de noircissure
En mon coeur est empreint.

Il garde en souvenance
La douceur de ces traits,
Aussi quelle importance
Si le monde est mal fait ?

Aussi la nuit de neige
Paraît scindée en deux ;
Des frontières n’osé-je
Tracer entre nous deux.

Mais qui donc sommes-nous
Quand il ne restera
De ces temps que ragots
Et de nous que les cendres ?

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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SOUVENIR D’OHRID (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
SOUVENIR D’OHRID
à Philippe Delaveau

Finis les beaux voyages et les séjours
indolents au milieu des barriques de vin,
des tapis et des ors d’un Orient de quatre
sous, finie la mer lisse du lac

où le sable va longtemps sous le pied
comme une semelle de rêve : voici l’hiver
qui monte dans l’été comme un chat
dans l’arbre — et les feuilles sont noires

avant l’automne, sombres prémisses : déjà
des femmes pleurent et des hommes s’égorgent
qui recueillaient hier ensemble les mots
bleus du poète. Tout est rouge à présent

comme nos fronts penchés sur la carte qui brûle.

(Guy Goffette)

 

Recueil: Le pêcheur d’eau
Editions: Gallimard

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L’eau de la rivière (Tristan Tzara)

Posted by arbrealettres sur 8 janvier 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
l’eau de la rivière a tant lavé son lit
que même la lumière glisse sur l’onde lisse
et tombe au fond avec le lourd éclat des pierres.

(Tristan Tzara)

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À la lisière (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023




    
À la lisière

Je ne sais où nous allons
Plus étranges que le mystère,
Entre le gris et l’étincelle
Aimant la rose, aimant l’ami ;
Embourbés dans nos ruelles
Semblables et lisses dans la mort.

Je ne sais d’où nous venons
De quel séjour vers quelle poursuite,
Avec nos ongles avec nos ailes
À la lisière de nos deux vies ;
Dessous nos toits, devers l’immense,
Entre nos murs et notre cri.

Mais nous allons et nous allons
Vêtus d’ardeur, vêtus de nuit ;
Comme si l’autre monde était le nôtre.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Chant de l’amour présent (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2023




    
Chant de l’amour présent

Chaque image détenait son extrême
Les sentiers se mêlaient en leur nuit

Quand un après-midi qui fait les blés d’aurore
Soudain mon âme fut une pierre lisse ô cher repos

Vois la fontaine répond en métamorphoses
Ton ombre est douce à mes pensées
Vois cette soeur très naturelle
Fleurir en toute chose
Poésie ma rose illimitée

C’était l’après-midi qui fait les mots d’aurore
L’oiseau avait la clef de nos vies.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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LE SERPENT (Franz Toussaint)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023



Illustration: Alphonse Mucha
    
LE SERPENT

Elle était assise sur mes genoux.
J’avais glissé ma main sous sa robe,
et, d’une voix indifférente,
je parlais des troupeaux,
des chiens agiles, des pâturages.

Ses jambes étaient lisses et fermes.
Enfin, elle parut s’apercevoir que je la caressais.

– Il y a un serpent sous ma robe ! dit-elle en riant.

– Justement, lui ai-je répondu, je le cherche.

(Franz Toussaint)

Recueil: Le jardin des caresses
Editions: Paris Piazza

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Corps mémorable (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Bruno Di Maio
    
Corps mémorable

I

Tes mains pourraient cacher ton corps
Car tes mains sont d’abord pour toi
Cacher ton corps tu fermerais les yeux
Et si tu les ouvrais on n’y verrait plus rien

Et sur ton corps tes mains font un très court chemin
De ton rêve à toi-même elles sont tes maîtresses
Au double de la paume est un miroir profond
Qui sait ce que les doigts composent et défont.

II

Si tes mains sont pour toi tes seins sont pour les autres
Comme ta bouche où tout revient prendre du goût
La voile de tes seins se gonfle avec la vague
De ta bouche qui s’ouvre et joint tous les rivages

Bonté d’être ivre de fatigue quand rougit
Ton visage rigide et que tes mains se vident
Ô mon agile et la plus lente et la plus vive
Tes jambes et tes bras passent la chair compacte

D’aplomb et renversée tu partages tes forces
A tous tu donnes de la joie comme une aurore
Qui se répand au fond du cœur d’un jour d’été
Tu oublies ta naissance et brûles d’exister.

III

Et tu te fends comme un fruit mûr ô savoureuse
Mouvement bien en vue spectacle humide et lisse
Gouffre franchi très bas en volant lourdement
Je suis partout en toi partout où bat ton sang

Limite de tous les voyages tu résonnes
Comme un voyage sans nuages tu frissonnes
Comme une pierre dénudée aux feux d’eau folle
Et ta soif d’être nue éteint toutes les nuits.

(Paul Eluard)

Recueil: Eluard amoureux
Editions: Bruno Doucey

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DIEU CRÉE LA FEMME (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 3 octobre 2023



Illustration: Odilon Redon
    
DIEU CRÉE LA FEMME

Pense aux plages, pense à la mer,
Au lisse du ciel, aux nuages,
A tout cela devenant chair
Et dans le meilleur de son âge,

Pense aux tendres bêtes des bois,
Pense à leur peur sur tes épaules,
Aux sources que tu ne peux voir
Et dont le murmure t’isole,

Pense à tes plus profonds soupirs,
Ils deviendront un seul désir,
À ce dont tu chéris l’image,
Tu l’aimeras bien davantage.

Ce qui était beaucoup trop loin
Pour le parfum ou le reproche,
Tu vas voir comme il se rapproche
Se faisant femme jusqu’au lien,

Ce dont rêvaient tes yeux, ta bouche,
Tu vas voir comme tu le touches.
Elle aura des mains comme toi
Et pourtant combien différentes,

Elle aura des yeux comme toi
Et pourtant rien ne leur ressemble.
Elle ne te sera jamais
Complètement familière,

Tu voudras la renouveler
De mille confuses manières.
Voilà, tu peux te retourner

C’est la femme que je te donne
Mais c’est à toi de la nommer,
Elle approche de ta personne.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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TROP DE DOULEUR D’AMOUR (Vita Sackville-West)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2023



Illustration: Clémence Dupuch
    
TROP DE DOULEUR D’AMOUR

Si je n’avais adoré que ta chair,
Je pourrais rire et aimer à nouveau,
Je condamnerais ton âme aux Enfers,
Et mon amour serait léger et beau,
Sans rien de trop.

Mais c’est ton âme que j’ai empoignée,
(Fugueuse, esquiveuse, fluide),
Et mon amour en flots je l’ai versé
Comme dans un tonneau des Danaïdes.
Me voilà vide.

Désormais, la nuit, près des tamaris,
Je marche lentement. La lune lance
Des disques argentés sur la mer lisse.
Et je ne fais qu’un voeu dans le silence:
La délivrance.

(Vita Sackville-West)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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