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QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2024



Illustration: OTSUKIMI: Fête de la pleine lune! 
    
QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES

Quoi que tu écrives, tu n’exprimeras point le sens,
car au commencement n’était pas le verbe
mais la joie des corps.

Ensuite est venue la saison de la douce faim.

L’horizon a blanchi et les oiseaux ont attaqué les blés.
Les petits fauves des mots que nous nous lancions
mordaient, de plus en plus acharnés,
notre avenir commun et j’ai compris
que seuls mes sens articulaient
toutes les nuances du bleu
dont ton langage est imprégné.
C’est alors que je t’ai perdu
à la fin d’un poème.

À présent, le silence dans le coeur,
je regarde le ventre lisse de la lune d’août
frémir dans la tasse en porcelaine,
mais tu ne peux pénétrer dans ce paysage
car au-dessus des épaules
tu es un véritable hiver.

Aussi je reste dans ma réalité:
je te rends les mots
je garder ma joie.

(Aksinia Mihaylova)

Recueil: Ciel à perdre
Editions: Gallimard

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Peut-être avons-nous le sentiment d’avancer (Christophe Manon)

Posted by arbrealettres sur 17 avril 2024




Illustration: Gilbert Garcin
    
Peut-être
avons-nous
le sentiment d’avancer
quand nous tournons en rond
et que nous creusons
sans même y prendre garde
avec persévérance
la fosse
où nos os blanchiront
ainsi
nous marchons
nus frêles
et tremblants
à notre obscur destin.

*

Peinant et suant
comme bêtes de somme
sous le soleil
d’aplomb poing tendu
vers le ciel vide
avec entre les dents
ce petit os à ronger
— mais nul ne sait
quand cela cessera.

(Christophe Manon)

Recueil: Provisoires
Editions: NOUS

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Quand tu contemples une rose (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Quand tu contemples une rose
qui a blessé un mur et que tu te dis :
J’ai bon espoir de guérir du sable,
ton cœur verdit…

Quand, par une journée belle comme une icône,
tu accompagnes une femme au cirque
et que tu es convié à la danse des chevaux,
ton cœur rougit…

Quand tu comptes les étoiles, que tu te trompes
après la treizième et que tu t’assoupis
comme l’enfant
dans la bleuité de la nuit,
ton cœur blanchit…

Quand tu marches et
que tu ne
trouves pas
le songe
allant devant toi comme l’ombre,
ton cœur jaunit…

*

When You Gaze Long

When you gaze long at a rose
that has wounded a wall, you say to yourself:
I hop e for a cure ftom the sand.
Your heart turns green…

When you take a woman to the circus,
a woman whose day is lovely as an icon…
and you dismount like a guest to the horse’s prance.
your heart turns red…

When you count the stars, and make a mistake after
thirteen, and you doze like a child
in the blue of the night,
your heart turns white…

When you journey, and do not find the dream
that walks before you like a shadow,
your heart turns yellow…

(Mahmoud Darwich)

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com/

Illustration

 

 

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La première lune d’hiver (Pan Qie Yu)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2024



Illustration: Wu Songting   
    
La première lune d’hiver annonce les courants froids
Le vent du nord s’engouffre cruel et tranchant.
J’endure la peine et sais la nuit longue.
Les étoiles hiérarques s’égrènent dans la nuit claire
Au quinzième jour, la lune est pleine
Et au vingtième déjà ses ombres se brisent.
Un voyageur pâle me tend une lettre seule.
J’ai lu au premier vers « amour immortel »
J’ai lu au dernier vers « douleur infinie d’être encore séparés »,
J’ai conservé cette lettre dans les plis de ma robe
Trois ans déjà sont passés mais les mots n’ont pas blanchi.
Je m’offre entière à cette unique ferveur
Et je tremble que jamais tu n’en voies la valeur.

(Pan Qie Yu)

(Ier siècle av. J.-C.)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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Sur le bas-côté ensoleillé (Pier Paolo Pasolini)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2024



Italie – Toscane – RŽgion de Sienne – Chemin de campagne et cyprs // Landscape around Sienne – Tuscany – Italy

    

Sur le bas-côté ensoleillé dans le silence
habituel de la blanche campagne
je me berce d’une solitude mortelle
dans le mortel matin, qui depuis toujours
blanchit de sa lumière l’intense campagne.
Mais sous cette lumière monotone (où je rêve)
souffle un filet de vent, et l’or s’enflamme
dans les frondaisons des frênes lointains.
J’attends ? Nulle chose
dans cet espace ouvert auquel je fais face
ce vaste désert, cette lumière hors de moi,
rien que mon rêve jusqu’à l’horizon,
pas au-delà… Tout est muet.
Un enfant crie, je rêve ?, crie ou chante
il crie dans la muette campagne, je suis vivant,
un enfant crie.

***

Per i cigli assolati e il consueto
silenzio della candida campagna
cullo una solitudine mortale
nel mortale mattino; che da sempre
imbianca col suo lume i vivi campi.
Ma in quel lume monotono (o io sogno)
scorre un filo di vento; e accende oro
tra le fronde di frassini remoti.
Che cosa attendo? Nulla che non sia
in questo spazio aperto a cui sono volto,
questo esteso deserto, questo lume
fuori di me, tutto il mio sogno, fino,
non oltre, l’orizzonte… Tutto è muto.
Grida un fanciullo, sogno? , grida Ô canta,
grida nei muti campi, sono vivo,
grida un fanciullo.

(Pier Paolo Pasolini)

 

Recueil: Je suis vivant
Traduction: Olivier Apert et Ivan Messac
Editions: NOUS

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Un Jurançon 93 (Paul-Jean Toulet)

Posted by arbrealettres sur 6 novembre 2023



    
Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs,
Et ma mie, et l’air du pays :
Que mon coeur était aise.

Ah, les vignes de Jurançon,
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson ?

Dessous les tonnelles fleuries
Ne reviendrez-vous point
A l’heure où Pau blanchit au loin
Par-delà les prairies ?

(Paul-Jean Toulet)

Recueil: Max-Pol Fouchet La poésie française Anthologie thématique
Editions: Seghers

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LAVANDIÈRES DU FLEUVE GRIJALVA (Rosario Castellanos)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    
LAVANDIÈRES DU FLEUVE GRIJALVA

Mouchoir de l’adieu,
chemise de la noce dans le
fleuve et ses poissons qui
jouent avec les vagues.

Comme au baptême un nouveau-né
cette étoffe proclame
sa parfaite blancheur
miraculeusement.

Femme de l’écume et du
geste qui blanchit accordez-
moi un beau fleuve pour
purifier mes jours.

(Rosario Castellanos)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Amour ! (Michel Ange)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
Amour ! Tu m’as, il est vrai, mille fois vaincu
et mortellement blessé dans ma jeunesse ;
mais aujourd’hui, sous mes cheveux blanchis,
puis-je me laisser prendre encore à tes promesses frivoles ?

Hélas ! combien de fois as-tu tour-à-tour
rallumé ou étouffé mes désirs !
combien de fois m’as-tu vu, le sein baigné de larmes,
trembler et pâlir sous tes coups !

Amour! c’est à toi que je parle,
et c’est de toi que je me plains.
Désabusé de tes flatteurs mensonges,
je ne crains plus tes traits cruels;
tu les diriges en vain contre moi.

Que peut la scie ou le ver
contre le bois réduit en cendres?
Et n’y a-t-il pas de la honte
à poursuivre celui qui manque à-la-fois
et d’haleine et de force?

(Michel Ange)

 

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Verte, si Verte, si verte l’herbe… (Anonyme)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2022




Illustration: Shan Sa
    
Verte, si Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière
Amples, si amples se déploient les saules du jardin
Belle, si belle cette femme qui se tient en haut des marches
Claire et brillante, elle apparaît dans la fenêtre
Charmant, si charmant son visage poudré
Fines, si fines ses mains blanches qui se découvrent
Autrefois chanteuse, elle ornait la maison de musique
La voilà aujourd’hui à un petit qui délaisse son foyer
Comment se résoudre à voir encore son lit inoccupé ?

Le banquet remplit le jour d’échos hilares
Et les joies délicieuses épuisent encore nos mots.
Comment dire cette merveille que le luth accentue
Son chant m’amène au voisinage céleste
Le génie musical embrase l’écoute de ceux qui s’attardent
Et c’est d’un seul coeur que nous portons l’élan de nos souhaits
Mais la fête entamée garde encore une pensée silencieuse
Les jours des hommes tourbillonnent puis se dispersent
Si peu de temps pour jouir du beau séjour !
Pourquoi ne pas laisser ses ambitions galoper ?
Pour être ainsi le premier arrivé aux commandes du monde
Pourquoi rester pauvre et ignoré,
Enlisé dans les marais aigres du ressentiment !

La première lune d’hiver annonce les courants froids
Le vent du nord s’engouffre cruel et tranchant.
J’endure la peine et sais la nuit longue.
Les étoiles hiérarques s’égrènent dans la nuit claire
Au quinzième jour, la lune est pleine
Et au vingtième déjà ses ombres se brisent.
Un voyageur pâle me tend une lettre seule.
J’ai lu au premier vers « amour immortel »
J’ai lu au dernier vers « douleur infinie d’être encore
J’ai conservé cette lettre dans les plis de ma robe
Trois ans déjà sont passés mais les mots n’ont pas blanchi.
Je m’offre entière à cette unique ferveur
Et je tremble que jamais tu n’en voies la valeur.

(Anonyme)

Les dix-neuf poèmes anciens des Han (ler siècle ap. J.-C.)

 

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Le But (Charles Cros)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022


 


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Le But

Le long des peupliers je marche, le front nu,
Poitrine au vent, les yeux flagellés par la pluie.
Je m’avance hagard vers le but inconnu.

Le printemps a des fleurs dont le parfum m’ennuie,
L’été promet, l’automne offre ses fruits, d’aspects
Irritants; l’hiver blanc, même, est sali de suie.

Que les corbeaux, trouant mon ventre de leurs becs,
Mangent mon foie, où sont tant de colères folles,
Que l’air et le soleil blanchissent mes os secs,

Et, surtout, que le vent emporte mes paroles!

(Charles Cros)

Illustration: David Brayne

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