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Poésie

Posts Tagged ‘tour à tour’

À MATINES (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024



Illustration: Edvard Munch
    
À MATINES
Donnez-nous aujourd’hui…

Du plus noir de l’abîme où mes sens sont noyés
Je viens ayant jeté le sommeil à mes pieds.

Je balbutie encore et ma prière est lourde.
A peine ai-je au cerveau quelque lumière sourde

Et ma pensée y cherche une issue à tâtons
Parmi des mots épars, aveugles sans bâtons.

Ô Père, il en est temps, les étoiles sont mortes,
Des cieux fermés encore entrebâille les portes.

Laisse échapper le jour à travers comme un fil
Pour conduire au soleil mes yeux pleins de péril…

Vêts-moi, Père ! Je n’ai ni chaussures, ni bourse.
Donne-moi ce qu’il faut pour reprendre ma course.

Baigne mon âme en l’innocence du matin,
Dans le bruit de la source et dans l’odeur du thym ;

Fais couler sur mes mains le ciel rose et l’arôme
Tendre du jeune jour pour que mon oeuvre embaume ;

Donne à ma voix le son transparent des ruisseaux ;
Dorme à mon coeur l’essor ingénu des oiseaux ;

Verse le calme ailé des brises sur ma face,
En mes yeux la candeur immense de l’espace ;

À mes pieds nus parmi les herbes en émoi
Prête un pas large et pur pour m’en aller vers Toi.

Et par les prés flottants voilés de mousselines,
Par le recueillement limpide des collines,

Mène-moi dans le haut du lumineux versant,
Aux cimes d’où l’eau vive éternelle descend.

Conduis-moi lentement seul à travers les choses
Le long des heures tour à tour brunes et roses,

Seul avec Toi, du ciel aspirant tout l’espoir,
De la paix du matin jusqu’à la paix du soir.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Editions: Gallimard

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VIVE LE VIN, VIVE L’AMOUR (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 17 novembre 2023




    
VIVE LE VIN, VIVE L’AMOUR

1

Vive le vin, vive l’amour
Amant et buveur tour à tour
Je marque la mélancolie
Jamais les peines de la vie
Ne m’ont causé quelque soupir
Avec l’amour je change de plaisir
Avec le vin je les oublie.

2

Soupirais-je pour un tendron
Je me munis d’un bon flacon
Je vole aux pieds de ma maîtresse
Elle s’oppose à ma sagesse
Au flacon alors j’ai recours :
Avec le vin je triomphe. L’amour
Voilà le nœud de la tendresse.

3

Lise est sensible à mon ardeur
Ce serait trop peu pour mon cœur
Si je n’y vois que ma bouteille
Avec Lise assise sous la treille
Je partage ses trésors
Si le bras de l’autre s’endort
Avec Lise je le réveille.

(Chansons du XVIIIè)

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CELEBRONS L’EXEMPLE OLYMPIEN DE L’AMOUR ET DU VIN (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023



Illustration: Jean-Marc Nattier
    
CELEBRONS L’EXEMPLE OLYMPIEN DE L’AMOUR ET DU VIN

1

Prenons le verre en main
Et que soudain on verse du vin
Ami qu’au tendre amour
Dans ce séjour on fasse la cour
Buvons tous une santé chère
Et qu’Iris règne dans ce beau jour
Célébrons tour à tour
Nos bergères, Bacchus et l’amour.

2

Jupin, qu’amour domptait
Quand il aimait tous les jours buvait
Junon qui le grondait
En vain pestait tout bas. Il riait,
Le nectar coulait à pleins verres.
Et très souvent ce dieu s’enivrait.
Célébrons tour à tour
Nos bergères, Bacchus et l’amour.

3

Quand on est amoureux
Le sort des dieux n’est pas plus heureux.
Par l’amour et le vin
Notre destin devient tout divin.
Tant que je serai sur la terre
Voici quel doit être mon refrain :
Célébrons tour à tour
Nos bergères, Bacchus et l’amour.

(Chansons du XVIIIè)

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Vers La Lance (Michael Edwards)

Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2023


ubac-adret

Vers La Lance

Les ombres des nuages
Qui maneuvrent là-haut
Rôdent sur les versants,
Eteignent tour à tour
Les arbres, les maisons.

Le noir de la lumière
Creuse des puits profonds
Dans la terre surprise,
Et libère en partant
D’éclatantes collines.

***

Towards La Lance

The clouds process.
Their shadows range
the slopes at will,
dousing each tree
and house in turn.

The dark of light
sinks in the earth,
hollowing deep.
Its going leaves
luminous hills.

(Michael Edwards)

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CHANSON (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 Mai 2023



Illustration: Alexis Becard
    
CHANSON

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Dès le matin parmi les fleurs écloses.
Pour le trouver il effeuillait les roses
Couleur du soir, de l’aurore et du jour.
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.

Je l’attendais, pâle et grise lavande,
Et tout mon cœur embaumait son chemin.
Il a passé… j’ai parfumé sa main,
Mais il n’a pas vu mes yeux pleins d’offrande.

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Au verger mûr quand midi l’ensoleille.
Pour le trouver il goûtait la groseille,
La pomme d’or, la pêche, tour à tour…
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.

Je l’attendais, fraise humble à ses pieds toute,
Et mon sang mûr embaumait son chemin.
Hélas ! mon sang n’a pas taché sa main.
Il a marché sur moi, suivant sa route.

Vent du ciel ! vent du ciel ! éparpille mon cœur !
Je n’en ai plus besoin. O brise familière, Perds-le !
Dessèche en moi ma source, éteins ma fleur,
O vent, et dans la mer va jeter ma poussière !

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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RAMEAU FLEURI (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 29 mars 2023



Illustration: ArbreaPhotos

    
RAMEAU FLEURI

La branche en fleur se balance,
De ci, de là, dans le vent.
Mon coeur, comme au temps d’enfance,
Monte avec elle ou descend,
Jours de fête ou tristes jours,
Force, abandon, tour à tour.

Voilà les fleurs envolées,
La branche de fruits chargée ;
Le cœur d’enfant désormais
A trouvé sa paix.
Il sait que ce fut joie et non vaine folie,
Ce jeu mouvementé, bigarré, de la vie.

***

DER BLÜTENZWEIG

Immer hin und wider
Strebt der Blütenzweig im Winde,
Immer auf und nieder
Strebt mein Herz gleich einem Kinde
Zwischen hellen, dunklen Tagen,
Zwischen Wollen und Entsagen.

Bis die Blüten sind verweht
Und der Zweig in Früchten steht,
Bis das Herz, der Kindheit satt,
Seine Ruhe hat
Und bekennt : voll Lust und nicht vergebens
War das unnihvolle Spiel des Lebens.

(Hermann Hesse)

Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti

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Amour ! (Michel Ange)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
Amour ! Tu m’as, il est vrai, mille fois vaincu
et mortellement blessé dans ma jeunesse ;
mais aujourd’hui, sous mes cheveux blanchis,
puis-je me laisser prendre encore à tes promesses frivoles ?

Hélas ! combien de fois as-tu tour-à-tour
rallumé ou étouffé mes désirs !
combien de fois m’as-tu vu, le sein baigné de larmes,
trembler et pâlir sous tes coups !

Amour! c’est à toi que je parle,
et c’est de toi que je me plains.
Désabusé de tes flatteurs mensonges,
je ne crains plus tes traits cruels;
tu les diriges en vain contre moi.

Que peut la scie ou le ver
contre le bois réduit en cendres?
Et n’y a-t-il pas de la honte
à poursuivre celui qui manque à-la-fois
et d’haleine et de force?

(Michel Ange)

 

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Circonstances (Béatrice Bastiani-Helbig)

Posted by arbrealettres sur 20 août 2022



    
Circonstances

La géographie et l’histoire de chaque être
Lui sont particulières selon qu’il va naître
Dans tel ou tel pays, de tels ou tels parents,
Sous quelle conjoncture et quels événements.

Son bagage essentiel est sa petite enfance :
L’amour reçu ou, au contraire, la souffrance
Paveront son chemin, seront déterminants,
Et son regard d’adulte en sera différent.

Il n’y a jamais dans une même brassée
Deux fleurs identiques malgré les apparences.
La chaîne et la trame que la vie a tissées
Font notre unicité et notre différence.

Nous ne savons jamais de quoi demain est fait,
De quels accidents ou de quelles rencontres,
Mais, quand nous grandissons, l’expérience nous montre
Qu’il est bon de savoir jouir de chaque bienfait.

Nous sommes tour à tour, selon les circonstances,
Pleins d’ombre ou de lumière, tristes ou joyeux,
Et, si le soleil brille, il faut saisir sa chance
Et vivre le présent comme un cadeau des Cieux.

(Béatrice Bastiani-Helbig)

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LE CHAT (Maurice Rollinat)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2022




Illustration: ArbreaPhotos
    

LE CHAT

Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire
Par son être magique où s’incarne le sphinx ;
Par le charme câlin de la lueur si claire
Qui s’échappe à longs jets de ses deux yeux de lynx,
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire.

Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,
Il ondule, se cambre et regimbe aux doigts lourds ;
Et lorsque sa fourrure abrite une chair grasse,
C’est la beauté plastique en robe de velours :
Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,

Vivant dans la pénombre et le silence austère
Où ronfle son ennui comme un poêle enchanté,
Sa compagnie apporte à l’homme solitaire
Le baume consolant de la mysticité
Vivant dans la pénombre et le silence austère.

Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre,
C’est bien l’âme du gîte où je me tiens sous clé ;
De la table à l’armoire et du fauteuil à l’âtre,
Il vague, sans salir l’objet qu’il a frôlé,
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre.

Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue
Où livres et cahiers gisent ouverts ou clos,
Il passe comme un souffle, effleurant de sa queue
La feuille où ma pensée allume ses falots,
Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue.

Quand il mouille sa patte avec sa langue rose
Pour lustrer son poitrail et son minois si doux,
Il me cligne de l’œil en faisant une pause,
Et je voudrais toujours l’avoir sur mes genoux
Quand il mouille sa patte avec sa langue rose.

Accroupi chaudement aux temps noirs de décembre
Devant le feu qui flambe, ardent comme un enfer,
Pense-t-il aux souris dont il purge ma chambre
Avec ses crocs de nacre et ses ongles de fer ?
Non ! assis devant l’âtre aux temps noirs de décembre

Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes
À la face bizarre, aux tétons monstrueux,
Il songe à l’angora, mignonne des mignonnes,
Qu’il voudrait bien avoir, le beau voluptueux,
Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes.

Il se dit que l’été, par les bons clairs de lune,
Il possédait sa chatte aux membres si velus ;
Et qu’aujourd’hui, pendant la saison froide et brune,
Il doit pleurer l’amour qui ne renaîtra plus
Que le prochain été, par les bons clairs de lune.

Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve,
Et quand nous en sortons encor pleins de désir,
Il nous jette un regard jaloux et presque fauve
Car tandis que nos corps s’enivrent de plaisir,
Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve.

Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte,
Comme pour y cueillir un brin de volupté,
La passion reluit dans sa prunelle verte :
Il est beau de mollesse et de lubricité
Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte.

Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante,
Dans le creux où son corps a frémi dans mes bras,
Il se roule en pelote, et sa tête charmante
Tourne de droite à gauche en flairant les deux draps,
Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante.

Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule,
Et quand il s’est grisé de la senteur d’amour,
Il s’étire en bâillant avec un air si drôle,
Que l’on dirait qu’il va se pâmer à son tour ;
Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule.

Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières
Où, matou lovelace et toujours triomphant,
Il s’amuse à courir pendant des nuits entières
Les chattes qu’il enjôle avec ses cris d’enfant :
Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières.

Panthère du foyer, tigre en miniature,
Tu me plais par ton vague et ton aménité,
Et je suis ton ami, car nulle créature
N’a compris mieux que toi ma sombre étrangeté,
Panthère du foyer, tigre en miniature.

(Maurice Rollinat)

Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus

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Dimanche Soir (Charles-Ferdinand Ramuz)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2022



Illustration
    
Dimanche Soir

On commence à danser, les filles rient,
les gros souliers vont battant la mesure,
et l’accordéon assis sur la table presse
et distend tour à tour ses soufflets aigres.

C’est l’heure où le soleil se couche,
la lune est ronde, l’air est bleu;
on dirait qu’une poussière d’étoiles
monte des champs avec 1a nuit.

Les cloches du dimanche ont sonné ce matin,
les cloches se sont tues,
mais il y a comme un souvenir qui reste d’elles
dans le balancement des arbres du jardin;
et les gens sur le seuil de leurs maisons regardent,
heureux de voir grandir la lune
à la cime des peupliers.

(Charles-Ferdinand Ramuz)

 

Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite

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