Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘vaincu’

Danger des plus heureux (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2024


 


Igor Morski   (41) [1280x768]

Danger des plus heureux.

— Avoir des sens subtils et un goût fin ;
être habitué aux choses de l’esprit les plus choisies et les meilleures,
comme à la nourriture la plus vraie et la plus naturelle ;
jouir d’une âme forte, intrépide et audacieuse ;
traverser la vie d’un œil tranquille et d’un pas ferme,
être toujours prêt à l’extrême comme à une fête,
plein du désir des mondes et des mers inexplorés,
des hommes et des dieux inconnus ;
écouter toute musique joyeuse,
comme si, à l’entendre, des hommes braves, soldats et marins,
se permettaient un court repos et une courte joie,
et dans la profonde jouissance du moment seraient vaincus par les larmes,
et par toute la rouge mélancolie du bonheur,
qui donc ne désirerait pas que tout ceci fût son partage, son état !

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Igor Morski 

Posted in méditations | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

Que cherches-tu (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 30 mars 2024



Illustration: Silvia Leveroni Calvi
    
Que cherches-tu
Tu avances erres te traînes renonces repars rebrousses chemin tournes en rond
Ton oeil empli par la nuit tu cherches le lieu
Le lieu où tu serais rassasié
Où se déploierait la réponse
Où bouillonnerait la source
Tu ne sais que marcher
La nuit et la peur te harcèlent
Et aussi la soif
Mais à chaque pas la hantise de faire fausse route
D’accroître encore la distance
Tu cherches le lieu
Le lieu et le nom
Le nom qui saurait tout dire de ce en quoi consiste l’aventure

Tu ne sais où tu vas ni ce que tu es ni même ce que tu désires mais tu ne peux t’arrêter
Et tu progresses
À moins que tu ne t’éloignes
Sans fin tu erres te traînes rampes tournes en rond
Et tu renonces
Et tu repars
Jusqu’à n’être plus qu’épuisement

Survient l’instant où tu dois faire halte
Faire ton deuil du lieu et du nom
Et à l’invitation de la voix définitivement tu renonces t’avoues vaincu
Alors que tu découvres que tu auras chance de trouver ce que tu cherches
si précisément tu ne t’obstines pas à le chercher

Tu repars
Des forces nouvelles te sont venues
Ton oeil qui s’écarquille n’est plus dévoré par la soif
Tu ne sais où tu vas mais tu connais ce que tu es

Tu avances d’un pas tranquille désormais convaincu que le lieu se porte à ta rencontre
Le lieu où mûrir l’hymne la strophe le nom
Où jouir enfin de ce qui s’est jusque-là dérobé

(Charles Juliet)

Recueil: Pour plus de lumière Anthologie personnelle 1990-2012
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La passion vaincue (Anne De La Vigne)

Posted by arbrealettres sur 24 novembre 2023



Illustration: Camille Pissarro
    
La passion vaincue

La bergère Liris, sur le bord de la Seine
Se plaignait l’autre jour d’un volage berger.
Après tant de serments peux-tu rompre ta chaîne;
Perfide, disait-elle, oses-tu bien changer ?

Puisqu’au mépris des dieux tu peux te dégager,
Que ta flamme est éteinte et ma honte certaine;
Sur moi-même, de toi je saurai me venger,
Et ces flots uniront mon amour et ma peine.

A ces mots, résolue à se précipiter,
Elle hâta ses pas, et sans plus consulter,
Elle allait satisfaire une fatale envie;

Mais bientôt, s’étonnant des horreurs de la mort
Je suis folle, dit-elle, en s’éloignant du bord
Il est tant de bergers, et je n’ai qu’une vie !

(Anne De La Vigne)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

IRIS SE MEURT DE DESESPOIR (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 14 novembre 2023



Illustration: Jean-Jacques Henner
    
IRIS SE MEURT DE DESESPOIR

1

Le long de ce coteau
Paissait troupeau sans chien ni houlette.
Adieu tout mon bonheur
Hélas trompeur ; j’ai perdu le cœur.
Désormais dans le bois seulette
N’entendant plus sa tendre musette
Hélas je veux languir.
Allez troupeau laissez moi mourir.

2

Et vous cher agnelet
De mes regrets tu m’es trop cruel
Ici des faux serments
De mon amant que j’aime tendrement
Loin de moi mon amour t’appelle
Va cher agneau trouver l’infidèle
Et dis lui tous les jours
Que sa tendre Isis l’aimera toujours.

3

Et vous sombre forêt
De mes regrets tu m’es trop cruelle.
Ici des faux serments
De mon amant que j’aime tendrement
Souvenez-vous de ma vive tendresse
Et que partout l’on répète sans cesse
Iris …. gardant ta foi
Iris vaincue va mourir pour toi.

(Chansons du XVIIIè)

Recueil:
Editions:

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

LA MORT, L’AMOUR, LA VIE (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 14 octobre 2023



Illustration: Valentine Hugo 
    
LA MORT, L’AMOUR, LA VIE

J’ai cru pouvoir briser la profondeur l’immensité
Par mon chagrin tout nu sans contact sans écho
Je me suis étendu dans ma prison aux portes vierges
Comme un mort raisonnable qui a su mourir
Un mort non couronné sinon de son néant
Je me suis étendu sur les vagues absurdes
Du poison absorbé par amour de la cendre
La solitude m’a semblé plus vive que le sang

Je voulais désunir la vie
Je voulais partager la mort avec la mort
Rendre mon coeur au vide et le vide à la vie
Tout effacer qu’il n’y ait rien ni vitre ni buée
Ni rien devant ni rien derrière rien entier
J’avais éliminé le glaçon des mains jointes
J’avais éliminé l’hivernale ossature
Du voeu de vivre qui s’annule

Tu es venue le feu s’est alors ranimé
L’ombre a cédé le froid d’en bas s’est étoilé
Et la terre s’est recouverte
De ta chair claire et je me suis senti léger
Tu es venue la solitude était vaincue
J’avais un guide sur la terre je savais
Me diriger, je me savais démesuré
J’avançais je gagnais de l’espace et du temps

J’allais vers toi j’allais sans fin vers la lumière
La vie avait un corps l’espoir tendait sa voile
Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit
Promettait à l’aurore des regards confiants
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard
Ta bouche était mouillée des premières rosées
Le repos ébloui remplaçait la fatigue
Et j’adorais l’amour comme à mes premiers jours.

Les champs sont labourés les usines rayonnent
Et le blé fait son nid dans une houle énorme
La moisson la vendange ont des témoins sans nombre
Rien n’est simple ni singulier
La mer est dans les yeux du ciel ou de la nuit
La forêt donne aux arbres la sécurité
Et les murs des maisons ont une peau commune
Et les routes toujours se croisent

Les hommes sont faits pour s’entendre
Pour se comprendre pour s’aimer
Ont des enfants qui deviendront pères des hommes
Ont des enfants sans feu ni lieu
Qui réinventeront les hommes
Et la nature et leur patrie
Celle de tous les hommes
Celle de tous les temps.

(Paul Eluard)

Recueil: Paul Eluard par Louis Parrot
Editions: Seghers

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Je sors de la nuit plein d’éclaboussures Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023



Illustration
    
Je sors de la nuit plein d’éclaboussures,
J’ai bien bataillé dans mon lit peureux,
J’en ai le corps plein de taches, de feux,
Sous les draps enflant encor leur voilure.
Porté dans l’espace et tout mélangé
Au ciel noir tordu de mille lumières,
J’étais à cheval et j’étais couché,
Et seul contre tous et criblé de pierres.
J’avançais toujours, le bois de mon lit
Faisait bouclier, me servait d’armure.
Mais le jour parut et je tournai bride
Sans qu’il y ait eu vainqueur ni vaincu.
Il faudra demain tout recommencer.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

Spleen (Charles Baudelaire)

Posted by arbrealettres sur 2 septembre 2023



Illustration: Vincent Van Gogh
    
Spleen

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

– Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

(Charles Baudelaire)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Complainte à sa dame (Théodore Agrippa d’Aubigné)

Posted by arbrealettres sur 13 août 2023




    
Complainte à sa dame
Stances

Ne lisez pas ces vers, si mieux vous n’aimez lire
Les écrits de mon coeur, les feux de mon martyre :
Non, ne les lisez pas, mais regardez aux Cieux,
Voyez comme ils ont joint leurs larmes à mes larmes,
Oyez comme les vents pour moi lèvent les armes,
À ce sacré papier ne refusez vos yeux.

Boute feux dont l’ardeur incessamment me tue,
Plus n’est ma triste voix digne y être entendue :
Amours, venez crier de vos piteuses voix
Ô amours éperdus, causes de ma folie,
Ô enfants insensés, prodigues de ma vie,
Tordez vos petits bras, mordez vos petits doigts.

Vous accusez mon feu, vous en êtes l’amorce,
Vous m’accusez d’effort, et je n’ai point de force,
Vous vous plaignez de moi, et de vous je me plains,
Vous accusez la main, et le coeur lui commande,
L’amour plus grand au coeur; et vous encor plus grande,
Commandez à l’amour; et au coeur et aux mains.

Mon péché fia la cause, et non pas l’entreprendre ;
Vaincu, j’ai voulu vaincre, et pris j’ai voulu prendre.
Telle fut la fureur de Scevole Romain :
Il mit la main au feu qui faillit à l’ouvrage,
Brave en son désespoir; et plus brave en sa rage,
Brûlait bien plus son coeur qu’il ne brûlait sa main.

(Théodore Agrippa d’Aubigné)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

PAIX (Langston Hughes)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2023




    
PAIX

Nous enjambions leurs tombes:
Les hommes morts là,
Vainqueurs ou vaincus,
Ne s’en souciaient pas.
Dans l’obscurité
Ils ne pouvaient voir
Qui avait obtenu
La victoire.

***

PEACE

We passed their graves:
The dead men there,
Winners or losers,
Did not care.
In the dark
They could not see
Who had gained
The victory.

(Langston Hughes)

Recueil: La panthère et le fouet
Traduction: Pascal Neveu
Editions: YPSILON

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

Je suis ivre, je pleure et m’afflige (Miguel León-Portilla)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2023




    
Je suis ivre, je pleure et m’afflige,
je le crois, je le dis,
je le trouve en moi :
ô ne jamais mourir,
ne jamais disparaître, moi.
Là où il n’est pas de mort,
là où elle est vaincue,
là je veux aller.
O ne jamais mourir,
ne jamais disparaître, moi !

traduit du Nahuátl

(Miguel León-Portilla)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »