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Posts Tagged ‘drapeau’

La Pluie (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




La Pluie

Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées
De fils d’eau qu’on dévide aux fuseaux noirs du Temps
Et qui semblent mouillés aux larmes des années !
Oh ! la pluie ! oh ! l’automne et les soirs attristants !
Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées !

Qui dira la douleur sombre du firmament,
Route de cimetière avec d’horribles voiles
Où les nuages vont élégiaquement,
Corbillards cahotant des cadavres d’étoiles,
Qui dira la douleur sombre du firmament ?

La pluie est un filet pour nos rêves anciens !
Et, dans ses mailles d’eau qui leur font prisonnières
Les ailes, ces divins oiseaux musiciens
Meurent très longuement d’un regret de lumières.
La pluie est un filet pour nos rêves anciens.

Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe,
Notre Ame, quand la pluie éveille ses douleurs,
Quand la pluie, en hiver, la pénètre et la trempe,
Notre Ame, elle n’est plus qu’un haillon sans couleurs,
Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe.

(Georges Rodenbach)

Illustration: Michel Chansiaux

 

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Comme un drapeau (Takahama Kyoshi)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2024



Comme un drapeau
Il flotte semble-t-il
Le soleil d’hiver.

(Takahama Kyoshi)

Illustration

 

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LE VENT (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
LE VENT

Le vent
ça brasse de l’air
ça fait danser les feuilles mortes
ça fait claquer les portes
et baisser les paupières

Le vent ça donne des ailes
à ceux qui traînent la patte
ça ramène des nouvelles
de la Terre de Feu aux Carpates

Le vent ça vous matraque
juste ce qu’il faut derrière l’oreille

Ça fait voler les châles
ça fait gonfler les voiles
ça fait danser les flammes
et ça plaque les volants des robes
sur les cuisses des femmes…
ça fait chanter les morts
et vibrer les étoiles

Le vent ça hurle dehors
ça hurle dans la nuit
ça murmure sous les portes
et puis ça pousse des cris

Le vent ça affole les cerveaux
ça bouscule les poivrots
ça retourne les bagnoles

Le vent
ça enflamme les crinières
ça gicle dans l’ornière
ça souffle dans les crânes

Le vent ça sculpte les rochers
ça couche les champs de blé
ça décoiffe les beautés

Le vent ça claque les étendards
ça déchire les drapeaux
ça balaie les remparts

Le vent ça vous plaque contre un mur
ça vous lèche la figure
comme un grand chien joyeux.

Le vent
qui fait tourner la Terre
et tourner la poussière autour de tes pieds nus

Le vent
qui souffle dans ma tête
me chante un air de fête un air de liberté

Le vent

Emportera mes restes
balaiera la poussière
de mes os sur la terre
où j’ai dansé
mortel
parmi les ombres
entre les flammes
autour du feu qui crache
sur le ciel étoilé
des milliards d’étincelles

Vendredi 30 décembre 1994, à Calvi
Un soir de grand vent, la nuit, dans la citadelle.
En repensant aux feux de la Saint-Jean.

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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LA HOULE (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024



Illustration: Vincent Van Gogh
    

LA HOULE

Je suis la houle qui porte le voilier
le grain de chair de poule
que l’amour a planté

Le regard assoiffé et le baiser fougueux
qui fait monter le feu
aux joues de l’innocence

Le rocher de l’enfance usé par le torrent
et le drapeau de la colère
déchiré par le vent

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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Leçon de poésie niveau IV (Marc Guimo)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024




    
Leçon de poésie niveau IV

Laisse les étoiles tranquilles
leur cadastre est déjà impeccable

Laisse le coeur dans la poitrine
tu n’es pas médecin

Laisse la nuit aux veilleurs
et la nature aux espèces disparues

Laisse ton être et ton âme
picoler dans un coin

Laisse la vie devenir capitaliste
et la mort communiste

Laisse l’éternité faire du stop
et se planter de route

Laisse les fleurs se vendre
et adoucir les couples

Laisse tes morceaux
mijoter une heure ou dix ans

Ça va aller
n’écris pas tout de suite

Tu es trop propre
tu n’es pas prêt

Ce n’est pas toi que tu cherches
on s’en fout de toi

Tu peux calculer tous les jours
le diamètre de ta sphère

Le petit vieux marrant du rez-de-chaussée
est plus important

Le jour des encombrants
est plus important

Des sachets plastique s’accrochent aux arbres
drapeaux blancs de ta banlieue

Si tu veux des signes va les chercher
négocie chaque chose que tu vois

Ne te laisse pas faire
Ne te laisse pas faire

(Marc Guimo)

Recueil: La poésie, personne n’en lit
Editions: la Boucherie littéraire

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LE CHEVALIER ET LA NUIT (André Pieyre de Mandiargues)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2023



 

LE CHEVALIER ET LA NUIT

Chevalier errant que la lune pâlit
Chevalier
Qui t’es assis au seuil d’un château
Penché sur l’éclair de ton épée rompue
Devant la plage et devant la mer qui s’argente.

C’est assez pleurer tes reines ensevelies
Chevalier l’heure naît
Laisse leurs os moisis aux chiens aux sables fauves
Tous les drapeaux sont morts à cette profondeur
Tous les drapeaux sont noirs dans la nuit maternelle
Et la plus grande reine est fille de la nuit.

La pleine nuit se mêle avec la pleine mer
Écoute le cri d’un songe qui se perd.

Qui te dit son secret si tu veux bien l’entendre
Le long secret qui monte de la mer nocturne
De l’eau froide tendue vers la lune froide
Dans l’extase d’une haute marée

Son secret ton secret tout le secret du monde
Si tu veux seulement regarder plus loin
Vers la mer et vers la grande nuit
Vers l’astre rond qui embrasse les eaux
Si seulement tu peux laisser à la terre
Les cendres de tes reines et de tes fées défuntes.

(André Pieyre de Mandiargues)

 

 

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Il pleut derrière les persiennes… (Makenzy Orcel)

Posted by arbrealettres sur 14 novembre 2023




    
Il pleut derrière les persiennes…

Remettez-vous, monsieur, madame
Vous allez faire le grand-boire avec nous!
(Alphonse Daudet)

il pleut derrière les persiennes

le quartier latin glisse
vers ton nombril
brasier interstellaire

Saint-Denis
songes flottant
dans leur manteau

le jour le plus beau cherche
un soleil à apprivoiser

et je te vois
fée se faufilant entre les tables
vers les plus lointaines contrées
de la terrasse
de ma tête

contrairement à d’autres
faisant de leurs mots des drapeaux blancs
des gratte-ciels
ou des coeurs roses parfumés qu’on offrirait
à une âme en mal d’amour
ta bouche raconte le non-dit
le doute…

ta bouche est tout ce qui manque
à ma sangria
ma tequila

mon tafia

(Makenzy Orcel)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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LA PLUIE ET LES TYRANS (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023




    
LA PLUIE ET LES TYRANS

Je vois tomber la pluie
Dont les flaques font luire
Notre grave planète,
La pluie qui tombe nette
Comme du temps d’Homère
Et du temps de Villon
Sur l’enfant et sa mère
Et le dos des moutons,
La pluie qui se répète
Mais ne peut attendrir
La dureté de tête
Ni le coeur des tyrans
Ni les favoriser
D’un juste étonnement,
Une petite pluie
Qui tombe sur l’Europe
Mettant tous les vivants
Dans la même enveloppe
Malgré l’infanterie
Qui charge ses fusils
Et malgré les journaux
Qui nous font des signaux,
Une petite pluie
Qui mouille les drapeaux.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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Spleen (Charles Baudelaire)

Posted by arbrealettres sur 2 septembre 2023



Illustration: Vincent Van Gogh
    
Spleen

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

– Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

(Charles Baudelaire)

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La mer jette sur mes sabords (Lucie Delarue-Mardrus)

Posted by arbrealettres sur 13 juin 2023



    

La mer jette sur mes sabords
Des tonnes, des tonnes d’eau sombre.
Une écume en frange les bords,
Subite lumière dans l’ombre.

Cette eau glaciale qui bout,
Cette colère incohérente
Qui porte un nom à chaque bout
N’est ici, neutre, indifférente,

Que l’Océan, trait d’union
Entre de lointaines patries,
Prêt à noyer dans ses furies
Chaque drapeau comme un haillon.

De tous les temps, âge de pierre,
Élément sans cesse bravé
Mais dont nul progrès n’a pu faire
Un nouvel esclave entravé,

La mer, la mer, ce monstre libre,
Je l’écoute, du trou profond
De ma cabine, et mon cœur vibre
D’un désir d’aller par le fond.

(Lucie Delarue-Mardrus)

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