Le vent
ça brasse de l’air
ça fait danser les feuilles mortes
ça fait claquer les portes
et baisser les paupières
Le vent ça donne des ailes
à ceux qui traînent la patte
ça ramène des nouvelles
de la Terre de Feu aux Carpates
Le vent ça vous matraque
juste ce qu’il faut derrière l’oreille
Ça fait voler les châles
ça fait gonfler les voiles
ça fait danser les flammes
et ça plaque les volants des robes
sur les cuisses des femmes…
ça fait chanter les morts
et vibrer les étoiles
Le vent ça hurle dehors
ça hurle dans la nuit
ça murmure sous les portes
et puis ça pousse des cris
Le vent ça affole les cerveaux
ça bouscule les poivrots
ça retourne les bagnoles
Le vent
ça enflamme les crinières
ça gicle dans l’ornière
ça souffle dans les crânes
Le vent ça sculpte les rochers
ça couche les champs de blé
ça décoiffe les beautés
Le vent ça claque les étendards
ça déchire les drapeaux
ça balaie les remparts
Le vent ça vous plaque contre un mur
ça vous lèche la figure
comme un grand chien joyeux.
Le vent
qui fait tourner la Terre
et tourner la poussière autour de tes pieds nus
Le vent
qui souffle dans ma tête
me chante un air de fête un air de liberté
Le vent
Emportera mes restes
balaiera la poussière
de mes os sur la terre
où j’ai dansé
mortel
parmi les ombres
entre les flammes
autour du feu qui crache
sur le ciel étoilé
des milliards d’étincelles
Vendredi 30 décembre 1994, à Calvi
Un soir de grand vent, la nuit, dans la citadelle.
En repensant aux feux de la Saint-Jean.
(Jacques Higelin)
Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert
{Refrain:}
Un doux parfum qu´on respire
C´est fleur bleue
Un regard qui vous attire
C´est fleur bleue
Des mots difficiles à dire
C´est fleur bleue
C´est fleur bleue
Une chanson qu´on fredonne
C´est fleur bleue
Un jeune amour qui se donne
Deux grands yeux qui s´abandonnent
C´est fleur bleue
On envoie des pneumatiques
A fleur bleue
Les dimanches sont poétiques
Tout fleur bleue
On se met du cosmétique
Dans les cheveux, oui parbleu, pour fleur bleue
On jure que l´on s´adore
Tous les deux
Et l´on jurerait encore
Si fleur bleue
Ne vous plaquait, ça c´est vache
Pour un dragon à moustache
Ah! Morbleu!…
Elle n´est pas revenue
Mystérieux
Oui à jamais disparue
Sans adieux
Et je suis seul dans la rue
Larmes aux yeux, larmes aux yeux, larmes aux yeux
Mais soudain le cœur bat vite
Ah, mon Dieu :
La voilà c´est la petite
L´air joyeux
Non ce n´est pas elle, quel drame
C´est une assez grosse dame
Pas fleur bleue.
Alors le printemps l´automne
Sans fleur bleue
Coulent des jours monotones
Ciel pluvieux
Et cet air que je fredonne
Sans fleur bleue, devient vieux, ennuyeux
Pourtant ne soyons pas triste
Pour fleur bleue
J´en ai là tout une liste
C´est bien mieux
Amourettes passagères
Joies peines de cœur légères
Oui, fleurs bleues.
Aujourd’hui je descends et j’atteins la douceur
c’est d’un sceau qu’il s’agit
plaqué sur fond de veines
aujourd’hui je m’atteins où je passe parfois
et dis-moi
n’est-ce pas de septembre et de brume
que s’emperle ce parc
je –
Marche marche
dès la grille rouillée reculent les allées
dès l’orgueil humilié s’en revient l’oublié
le secret oublié
la douceur oubliée
marche marche
on te fait grâce des années.
(Jean Pérol)
Recueil: Poésie I (1953-1978)
Traduction:
Editions: De la Différence
Je méditais profondément en déroulant
les fils de l’amertume et de la tristesse,
quand à mon oreille parvint,
par la fenêtre de ma chambre, ouverte
sur une chaude nuit d’été,
la plainte d’une copia songeuse,
brisée par les sombres trémolos
des rythmes magiques de ma terre.
… Et c’était l’Amour, comme une flamme rouge…
— Sur la corde vibrante une main nerveuse
plaquait un très long soupir d’or,
qui se transformait en une pluie d’étoiles —.
Et c’était la Mort, sa lame sur l’épaule,
marchant à grands pas, farouche et squelettique
— comme je la rêvais lorsque j’étais enfant —.
Et sur la guitare, résonnante et tremblante,
la main en frappant brusquement évoquait
le bruit d’un cercueil qui vient frapper la terre.
Et le souffle qui balaie la poussière
et jette au vent la cendre
était un gémissement solitaire.
(Antonio Machado)
Recueil: Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre
Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé
Editions: Gallimard
Par l’heur ou le malheur, je te bénis !
De tout mon amour, je te fais un nid
En joignant les mains et je te protège
Avec les dés d’or, les nuées de neige.
Un chant qui me perd monte de tes pas.
Le mur que je t’oppose, tu l’abats.
Dans ses obscurs décombres je vacille,
Et de ta douce haleine je m’habille.
Ah, qu’importe que tu m’aimes ou non !
Même si ton coeur au mien ne se fond,
Je t’entends, je te chante, je te vois,
Et je réponds au seigneur par ta voix.
Ainsi la forêt qui s’étire à l’aube
De ses mille bras ennoués dérobe
Violemment sa lumière au ciel bleu,
Pour la plaquer sur son coeur amoureux.
(Attila József)
Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus
Un chant dans une nuit sans air…
— La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
… Un chant; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif…
– Ça se tait: Viens, c’est là, dans l’ombre…
[…]
… Il chante. — Horreur!! — Horreur pourquoi?
Vois-tu pas son oeil de lumière…
Non: il s’en va, froid, sous sa pierre.
Bonsoir — ce crapaud-là c’est moi.