Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘regret’

La Pluie (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




La Pluie

Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées
De fils d’eau qu’on dévide aux fuseaux noirs du Temps
Et qui semblent mouillés aux larmes des années !
Oh ! la pluie ! oh ! l’automne et les soirs attristants !
Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées !

Qui dira la douleur sombre du firmament,
Route de cimetière avec d’horribles voiles
Où les nuages vont élégiaquement,
Corbillards cahotant des cadavres d’étoiles,
Qui dira la douleur sombre du firmament ?

La pluie est un filet pour nos rêves anciens !
Et, dans ses mailles d’eau qui leur font prisonnières
Les ailes, ces divins oiseaux musiciens
Meurent très longuement d’un regret de lumières.
La pluie est un filet pour nos rêves anciens.

Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe,
Notre Ame, quand la pluie éveille ses douleurs,
Quand la pluie, en hiver, la pénètre et la trempe,
Notre Ame, elle n’est plus qu’un haillon sans couleurs,
Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe.

(Georges Rodenbach)

Illustration: Michel Chansiaux

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La pluie (Mireille Gaglio)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




La pluie

La pluie retentit
Sur ma croisée,
Ruisselle et crie
Sur la chaussée,
Le temps s’étire
Au fil de l’eau.

Monotone et obstinée
La pluie tombe sans cesse ;
Le temps aussi
Fuit sans regret.
Rien ne l’arrête,
Pas un désir,
Pas un soupir…

Demain, quand la pluie sera calmée,
Le temps, lui, aura coulé,
Emportant tout,
Souhaits, regrets…

(Mireille Gaglio)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

JE SAIS (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
JE SAIS

Je sais
Le coeur qui bat trop fort
et le plaisir des dieux à embrasser
les corps des diables amoureux

L’irrésistible attrait du désir interdit
et les peaux affolées
dans les replis du lit

La sauvage emmêlée les appétits de fauve
l’appel et le rejet les secrets de l’alcôve

Les amants séparés
par la distance et par les heures
les secondes d’éternité crispées sur la douleur

Les impatiences extrêmes les rendez-vous manqués
les taxis qui se traînent quand le corps est pressé

Je sais le feu aux joues
les yeux de braise, les faims de loup
les baisers dans le cou le vent qui rend les amant fous

Je sais

Les aveux suspendus à la bouche cousue
l’incendie des nuits blanches la retenue qui flanche

La rivière des souhaits sous le pont des soupirs
et le poids d’un sourire sur l’arche des regrets

Je sais

Je sais le peu de gratitude
le poison de l’ennui le désert de la solitude
et le froid qui détruit

La passion dans l’impasse
le mot blessant qui chasse le mot doux
qui retient le regard qui s’éteint

les «je t’aime», «je te hais»
le mal, le bien que l’on s’est faits
sans même l’avoir jamais cherché je sais l’aube désabusée

Je sais les mots de braise aux lèvres qui se taisent
et la peur qui nous hante et mes larmes brûlantes

Les appels au secours les signaux de détresse
désespérant d’amour et le vide qui oppresse

Je sais
le geste déplacé
tous les actes manqués
les mots qui dépassent la pensée
et les regards estomaqués

L’innocence des beaux jours les promesses oubliées
les serments pour toujours perdus à tout jamais

Je sais le feu qui passe et le spleen qui revient
le bras qui nous enlace et l’angoisse qui étreint

Mais je sais

Je sais les chagrins qui s’envolent au retour du printemps
et les humeurs frivoles sous le souffle du vent

Les frissons du désir et le temps qui s’étire
comme un chat langoureux comme un homme amoureux

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

ON QUITTERA TOUJOURS LA MER (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
ON QUITTERA TOUJOURS LA MER

On quittera toujours la mer à reculons
c’est toujours le même regret
c’est la même lenteur debout
qui vous déchire d’avec le pays
chaque adieu vous retourne infiniment
chaque pas qu’on pose hors de l’eau
veut creuser jusqu’à l’eau encore

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Un jour (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024




    
Un jour

Attends-moi, ami, jusqu’au terme de ce jour;
Ce jour si parfait de l’été
Qui me retient de charmes sans fin,
Chaleur, musc des roses, enchantement des lumières.
Je vais m’arrêter, orner mon sein d’une fleur;
Anémone est son nom; elle vient de me tenir
Les plus doux, les plus légers propos qu’entende un coeur.
Je vais sur l’herbe m’allonger
Et plonger mes mains dans l’eau ridée du ruisseau
Puis me retourner, contempler le ciel bleu-blanc,
Et rire, pour écouter le rire des collines.
Je veux de ce jour qu’il soit mien,
Et au dernier baiser du soleil à la terre
Je vous rejoindrai toi et ta sobriété,
J’irai à ta guise, sans halte, sans regret,
Sans même garder sur mon sein la frêle fleur.
Attends seulement le terme de ce jour.

***

One Day

Wait for me friend, until the day be past:
This one most perfect summer day,
That hold me with an hundred varying spells
Of warmth, of rose scents and entrancing lights.
I’ll stop to place this flower on my breast;
‘Tis called anemone, and spake to me but jus, a moment gone
The softest, faintest speech that heart could listen to.
Now will I lie upon the sward
Plunging my hands deep in the rippling brook.
Now turn and gaze into the blue white sky
And laugh, and only laugh to hear the hills laugh back at me.
Let me but call the day my own,
And when the sun’s last kiss bath touched the earth
Then will I join thee on thy sober way
Whither thou wilst—nor linger—nor regret
Nor even keep the little flower at my breast.
Only but wait until the day be past.

(Kate Chopin)

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Plus lucide en se regardant (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2024



Illustration: Marc Chagall
    
Plus lucide en se regardant
et mieux éclairé par l’autre,
est-ce ainsi qu’on recommence à aimer ?
Ici et là.

Quand le miroir s’étonne au versant d’un visage
quand le visage épelle un alphabet d’images
quand la source s’épure au flux de ses secrets
quand le bateau s’émeut du poids de ses reflets
quand le fleuve protège un regret de torrent
quand l’éclair précipite un paysage lent
vers la terre où s’érige un désir prompt d’orage
quand la foudre éblouit les murailles de l’âge
quand aux limons du temps germent de jeunes rêves
quand les risques du fruit s’échangent sur des lèvres
quand les champs par les vents d’été s’océanisent..

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Le crocodile et l’esturgeon (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
Le crocodile et l’esturgeon

Sur la rive du Nil un jour deux beaux enfants
S’amusaient à faire sur l’onde,
Avec des cailloux plats, ronds, légers et tranchants,
Les plus beaux ricochets du monde.

Un crocodile affreux arrive entre deux eaux,
S’élance tout-à-coup, happe l’un des marmots,
Qui crie et disparaît dans sa gueule profonde,
L’autre fuit, en pleurant son pauvre compagnon.

Un honnête et digne esturgeon,
Témoin de cette tragédie,
S’éloigne avec horreur, se cache au fond des flots ;
Mais bientôt il entend le coupable amphibie

Gémir et pousser des sanglots :
Le monstre a des remords, dit-il : ô providence,
Tu venges souvent l’innocence ;
Pourquoi ne la sauves-tu pas ?

Ce scélérat du moins pleure ses attentats ;
L’instant est propice, je pense,
Pour lui prêcher la pénitence :
Je m’en vais lui parler.

Plein de compassion,
Notre saint homme d’esturgeon
Vers le crocodile s’avance :
Pleurez, lui cria-t-il, pleurez votre forfait ;

Livrez votre âme impitoyable
Au remords, qui des dieux est le dernier bienfait,
Le seul médiateur entre eux et le coupable.
Malheureux, manger un enfant !

Mon cœur en a frémi ; j’entends gémir le vôtre…
Oui, répond l’assassin, je pleure en ce moment
De regret d’avoir manqué l’autre.
Tel est le remords du méchant.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

La tourterelle et la fauvette (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



Illustration: Grandville
    
La tourterelle et la fauvette

Une fauvette jeune et belle
S’amusait à chanter tant que durait le jour ;
Sa voisine la tourterelle
Ne voulait, ne savait rien faire que l’amour.

Je plains bien votre erreur, dit-elle à la fauvette ;
Vous perdez vos plus beaux moments :
Il n’est qu’un seul plaisir, c’est d’avoir des amants.
Dites-moi, s’il vous plaît, quelle est la chansonnette

Qui peut valoir un doux baiser.
Je me garderais bien d’oser
Les comparer, répondit la chanteuse :
Mais je ne suis point malheureuse,

J’ai mis mon bonheur dans mes chants.
À ce discours, la tourterelle
En se moquant s’éloigna d’elle.
Sans se revoir elles furent dix ans.

Après ce long espace, un beau jour de printemps,
Dans la même forêt elles se rencontrèrent.
L’âge avait bien un peu dérangé leurs attraits ;
Longtemps elles se regardèrent

Avant que de pouvoir se remettre leurs traits.
Enfin la fauvette polie
S’avance la première :
eh ! Bon jour, mon amie,
Comment vous portez-vous ? Comment vont les amants ?
– Ah ! Ne m’en parlez pas, ma chère :
J’ai tout perdu, plaisirs, amis, beaux ans ;

Tout a passé comme une ombre légère.
J’ai cru que le bonheur était d’aimer, de plaire…
Ô souvenir cruel ! ô regrets superflus !
J’aime encore, on ne m’aime plus.

J’ai moins perdu que vous, répondit la chanteuse :
Cependant je suis vieille et je n’ai plus de voix ;
Mais j’aime la musique, et suis encore heureuse
Lorsque le rossignol fait retentir ces bois.

La beauté, ce présent céleste,
Ne peut sans les talents échapper à l’ennui :
La beauté passe, un talent reste,
On en jouit même en autrui.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Après le jardin (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 19 décembre 2023




Illustration: Gilbert Garcin
    
Après le jardin

L’homme se souvenait du ventre de la demeure
de l’étreinte du jardin
de l’escale des mots
du crépuscule enfoui en de juteuses racines

Un regret furtif
le fit osciller
vers l’arrière

Puis demain s’aviva
d’autres secrets

Et l’homme s’élança
dans l’espace blanc.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

HIER (Jean-Louis Rambour)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2023



HIER

C’était hier
Comme un cheval
Qui brisa l’étrier,
Nous avons vu sa crinière
Refuser d’aller avec le vent,
Puis rapportée beaucoup plus tard
Par Ulysse, dans une outre.

Je n’ai pas de regrets.

(Jean-Louis Rambour)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »