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Poésie

Posts Tagged ‘s’avancer’

Un tout petit jour (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024



Illustration: Shawna Erback
    
Un tout petit jour

Un tout petit jour m’appartient entre deux nuits,
Si bref il est déjà presque passé…
J’aurais pu y trouver plus de joie, plus de vie,
Mais voilà que sans soleil les ombres s’avancent…
Je ne me plains pas… si je pèse tout
Mieux vaut semblable jour que rien du tout.

***

A Little Day

A little day is mine ‘twixt night and night
So short ’tis nearly done —
There might have been more joy more light
Yet do the shades corne without the sun
I’ll be no grumbler —take it all in all—
Tis better than t’have had no day at all.

(Kate Chopin)

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

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Le crocodile et l’esturgeon (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
Le crocodile et l’esturgeon

Sur la rive du Nil un jour deux beaux enfants
S’amusaient à faire sur l’onde,
Avec des cailloux plats, ronds, légers et tranchants,
Les plus beaux ricochets du monde.

Un crocodile affreux arrive entre deux eaux,
S’élance tout-à-coup, happe l’un des marmots,
Qui crie et disparaît dans sa gueule profonde,
L’autre fuit, en pleurant son pauvre compagnon.

Un honnête et digne esturgeon,
Témoin de cette tragédie,
S’éloigne avec horreur, se cache au fond des flots ;
Mais bientôt il entend le coupable amphibie

Gémir et pousser des sanglots :
Le monstre a des remords, dit-il : ô providence,
Tu venges souvent l’innocence ;
Pourquoi ne la sauves-tu pas ?

Ce scélérat du moins pleure ses attentats ;
L’instant est propice, je pense,
Pour lui prêcher la pénitence :
Je m’en vais lui parler.

Plein de compassion,
Notre saint homme d’esturgeon
Vers le crocodile s’avance :
Pleurez, lui cria-t-il, pleurez votre forfait ;

Livrez votre âme impitoyable
Au remords, qui des dieux est le dernier bienfait,
Le seul médiateur entre eux et le coupable.
Malheureux, manger un enfant !

Mon cœur en a frémi ; j’entends gémir le vôtre…
Oui, répond l’assassin, je pleure en ce moment
De regret d’avoir manqué l’autre.
Tel est le remords du méchant.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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La tourterelle et la fauvette (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



Illustration: Grandville
    
La tourterelle et la fauvette

Une fauvette jeune et belle
S’amusait à chanter tant que durait le jour ;
Sa voisine la tourterelle
Ne voulait, ne savait rien faire que l’amour.

Je plains bien votre erreur, dit-elle à la fauvette ;
Vous perdez vos plus beaux moments :
Il n’est qu’un seul plaisir, c’est d’avoir des amants.
Dites-moi, s’il vous plaît, quelle est la chansonnette

Qui peut valoir un doux baiser.
Je me garderais bien d’oser
Les comparer, répondit la chanteuse :
Mais je ne suis point malheureuse,

J’ai mis mon bonheur dans mes chants.
À ce discours, la tourterelle
En se moquant s’éloigna d’elle.
Sans se revoir elles furent dix ans.

Après ce long espace, un beau jour de printemps,
Dans la même forêt elles se rencontrèrent.
L’âge avait bien un peu dérangé leurs attraits ;
Longtemps elles se regardèrent

Avant que de pouvoir se remettre leurs traits.
Enfin la fauvette polie
S’avance la première :
eh ! Bon jour, mon amie,
Comment vous portez-vous ? Comment vont les amants ?
– Ah ! Ne m’en parlez pas, ma chère :
J’ai tout perdu, plaisirs, amis, beaux ans ;

Tout a passé comme une ombre légère.
J’ai cru que le bonheur était d’aimer, de plaire…
Ô souvenir cruel ! ô regrets superflus !
J’aime encore, on ne m’aime plus.

J’ai moins perdu que vous, répondit la chanteuse :
Cependant je suis vieille et je n’ai plus de voix ;
Mais j’aime la musique, et suis encore heureuse
Lorsque le rossignol fait retentir ces bois.

La beauté, ce présent céleste,
Ne peut sans les talents échapper à l’ennui :
La beauté passe, un talent reste,
On en jouit même en autrui.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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Le temps d’un intervalle (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 17 décembre 2023



Illustration: Gustav Klimt
    
Le temps d’un intervalle

Ô mort
Soleil dépourvu d’images
Écartant tous les nids
Je m’avance sans amarres
Et te surplombe
À ton insu

Le temps d’un intervalle
Herbes et pierre sont une
Le temps d’un intervalle
Ô mort je t’engloutis

Debout dans ma distance
Je dure
À mon insu.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Le Christ aux oliviers (Gérard de Nerval)

Posted by arbrealettres sur 2 novembre 2023



Illustration: Paul Gaugin

Le Christ aux oliviers

III

« Immobile Destin, muette sentinelle,
Froide Nécessité! … Hasard qui, t’avançant
Parmi les mondes morts sous la neige éternelle,
Refroidis, par degrés, l’univers pâlissant,

« Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle,
De tes soleils éteints, l’un l’autre se froissant …
Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle,
Entre un monde qui meurt et l’autre renaissant? …

« Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle,
O mon père! est-ce toi que je sens en moi-même?
As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort?
Aurais-tu succombé sous un dernier effort

« De cet ange des nuits que frappa l’anathème? …
Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir,
Hélas! et, si je meurs, c’est que tout va mourir! »

(Gérard de Nerval)

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Rien qu’un cri différé qui perce sous le coeur (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023




    

Illustration: Olivier Suire-Verley

Rien qu’un cri différé qui perce sous le coeur

Et je réveille en moi des êtres endormis.
Un à un, comme dans un dortoir sans limites,
Tous, dans leurs sentiments d’âges antérieurs,
Frêles, mais décidés à me prêter main forte

Je vais, je viens, je les appelle et les exhorte,
Les hommes, les enfants, les vieillards et les femmes,
La foule entière et sans bigarrures de l’âme
Qui tire sa couleur de l’iris de nos yeux
Et n’a droit de regard qu’à travers nos pupilles.

Oh! population de gens qui vont et viennent,
Habitants délicats des forêts de nous-mêmes,
Toujours à la merci du moindre coup de vent
Et toujours quand il est passé, se redressant.

Voilà que lentement nous nous mettons en marche,
Une arche d’hommes remontant aux patriarches
Et lorsque l’on nous voit on distingue un seul homme
Qui s’avance et fait face et répond pour les autres.

Se peut-il qu’il périsse alors que l’équipage
A survécu à tant de vents et de mirages.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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NOCTURNE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023



Illustration 
    
NOCTURNE

Patte de chat tout doucement
le jour se souvient d’être nuit
Un peu d’obscur un peu de vent
les étoiles et ce qui s’ensuit
viennent sur la pointe des pieds
ils s’avancent de toute part
dans le ciel et ses escaliers
et la nuit s’installe au hasard
sur l’île et la plage et la mer
dès que les oiseaux qui s’enfuient
laissent la place aux messagers
qui annonceront minuit
Puis les lézards vont se coucher
passant le mot aux vers luisants

Trente cri-cris dans les rochers
lamentent le soleil couchant
La mer chante à bouche fermée
l’épaisse nuit de ses poissons
l’obscurité de ses forêts
et de ses plaines sans moissons
Je suis la Nuit dit l’arrivant
en débarquant sur le rivage
Ses pieds s’enfoncent dans le sable
dans les étoiles son visage
et ses mains ourdissent des fables
de fraîcheur et d’obscurité
qui nous entourent tous les deux

Mais sur le sable auprès de moi
ton corps désaltéré de jour
ta peau crissante comme soie
luit doucement parmi l’obscur
Un peu de soleil prisonnier
s’évapore en secret de toi
et quand je caresse tes seins
tout ce qui reste du soleil
glisse doucement dans mes mains
tout ce qui reste du soleil
tout ce qui sera le matin.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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Malgré le soir qui s’avance à pas lents (Rabindranath Tagore)

Posted by arbrealettres sur 8 juillet 2023




    
Malgré le soir qui s’avance à pas lents
et qui fait taire toutes les chansons ;
Malgré le départ de tes compagnes et ta fatigue ;
Malgré la peur qui court dans les ténèbres ;
malgré le ciel voilé ;

Oiseau, ô mon oiseau écoute-moi ;
ne ferme pas tes ailes.

L’obscurité qui t’environne
n’est pas celle des feuilles de la forêt ;
c’est la mer qui se gonfle
comme un immense serpent noir.
Les fleurs du jasmin ne dansent pas devant toi ;
c’est l’écume des vagues qui étincelle.
Ah ! où est la rive verte et ensoleillée ?
où est ton nid ?

Oiseau, ô mon oiseau écoute-moi ;
ne ferme pas tes ailes.

Étoiles muettes comptent les heures ;
la lune pâlie baigne dans la nuit profonde.

Oiseau, ô mon oiseau écoute-moi,
ne ferme pas tes ailes.

Pour toi il n’y a ni espoir ni crainte ;
il n’y a pas de paroles, pas de murmures, pas de cris.
Il n’y a ni abri, ni lit de repos…
Il n’y a que ta paire d’ailes et le ciel infini.

Oiseau, ô mon oiseau, écoute-moi :
ne ferme pas tes ailes.

(Rabindranath Tagore)

Recueil: Le Jardinier d’Amour
Editions: Gallimard

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Premier adieu (Friedrich Nietsche)

Posted by arbrealettres sur 31 décembre 2022




Premier adieu

Les étoiles s’avancent tristement
au ciel nu
les vents demandent avec détresse,
pourquoi je suis si calme.

Et la fenêtre déverse
l’éclat de la pleine lune,
ô rayons chéris, apaisez
mon coeur et sa peine !

Je ne sais si je dois rire, plaisanter,
ou pleurer ici —
mes yeux sont emplis de douleur
mais aussi d’ironie amère.

Et mes mains passent
ici et là presque en tremblant,
et mes pensées s’élargissent
à l’infini comme une mer.

J’ai entendu tinter les cloches
brièvement vers minuit.
Cela veut dire à présent pour moi
qu’on a fait une tombe.

On a enterré une année,
le nouvel an s’annonce.
On a enterré mon coeur,
et nul ne s’est enquis de moi.

(Friedrich Nietsche)

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Il croit distinguer un fin réseau de veine (Paul Nougé)

Posted by arbrealettres sur 26 septembre 2022



Il croit distinguer un fin réseau de veine.
Il se prend à désirer de toucher cet éventail presque impalpable.
Et le bras qui soutiennent cette fine ramure bleue.
Et le corps dont vivent les bras et le visage qu’il distingue mal
à cause de la lumière ou de sa honte.
Et voilà qu’il regarde sa main s’avancer vers la main de la femme.
Il va la toucher.
Elle retire la main.

(Paul Nougé)

Illustration

 

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