Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘peser’

Fontaine (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




Cette heure-ci a la forme d’une pause
La pause a ta forme
Et toi la forme d’une fontaine
non pas d’eau mais de temps
A la cime du jet
volent mes éclats
le je fus le je suis le je ne suis pas encore
Ma vie ne pèse pas
Le passé s’amenuise
Le futur est à peine un peu d’eau dans tes yeux

***

Esta hora tiene la forma de una pausa
La pausa tiene tu forma
Tú tienes la forma de una fuente
no de agua sino de tiempo
En lo alto del chorro de la fuente
saltan mis pedazos
el fui el soy el no soy todavía
Mi vida no pesa
El pasado se adelgaza
El futuro es un poco de agua en tus ojos

(Octavio Paz)

Illustration: Edouard Debat-Ponsan

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Une frêle embarcation (Christophe Manon)

Posted by arbrealettres sur 17 avril 2024




    
Une frêle embarcation
dérivant
sur l’océan
sans savoir pourquoi
cherchant une direction
sous le ciel brouillé
voici
(peut-être)
ce que nous sommes
mais le coeur pèse tant
et nous sombrons
dans l’onde
incertaine et trouble
sans recours
adressant de vaines suppliques
à l’ombre
qui se tient dressée
derrière nous.

(Christophe Manon)

Recueil: Provisoires
Editions: NOUS

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Contrainte (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024




Contrainte

Court et s’attarde sur mon front
lente et s’abîme en mon sang
l’heure passe sans passer
en moi se sculpte et se dissipe

Je suis le pain pour sa faim
moi le coeur qu’elle déserte
l’heure passe sans passer
effaçant ce que j’écris

Amour qui passe et peine fixe
en moi combat repose en moi
l’heure passe sans passer
corps de mercure et de cendre

Creuse ma poitrine et ne me touche
pierre perpétuelle qui ne pèse
l’heure passe sans passer
et c’est une blessure qui s’enflamme

Le jour est court l’heure immense
heure sans moi moi et sa peine
l’heure passe sans passer
en moi s’enfuit en moi s’enchaîne

***

Apremio

Carre y se demora en mi frente
lenta y se despeña en mi sangre
la hora pasa sin pasar
y en mí se esculpe y desvanece

Yo soy el pan para su hambre
yo el corazón que deshabita
la hora pasa sin pasar
y esto que escribo lo deshace

Amor que pasa y pena fija
en mi combate en mi reposa
la hora pasa sin pasar
cuerpo de azogue y de ceniza

Cava mi pecho y no me toca
piedra perpetua que no pesa
la hora pasa sin pasar
y es una herida que se encona

El día es breve la hora inmensa
hora sin mí yo con su pena
la hora pasa sin pasar
y en mí se fuga y se encadena

(Octavio Paz)

Illustration: Ibara

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

BLASON DE LA CHEVILLE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
BLASON DE LA CHEVILLE

La cheville en métrique a bien mauvaise presse
Mais c’est une autre affaire au pied menu des filles
Elle y est à propos comme un anneau en quille,
Et n’y pèse pas plus qu’un fil qui là se tresse.

Elle est un bijou nu, simple colifichet,
Un bracelet de chair que belle jambe enfile.
Un ajout qui convient n’est jamais inutile.
Plus belle jambe encor celle qui s’en fichait.

La beauté est dédain de ses propres atours.
Le mépris qu’elle émet sert encore à l’asseoir
Et la froideur paraît son plus bel accessoire.

Où la cheville tombe elle y a son séjour.
L’attache est à sa place où elle sert le beau,
À resserrer les liens de la chose et du mot.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

SPLEEN ET HONDA (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024



    

SPLEEN ET HONDA

Quand sur la terre lourde en proie aux longues herbes
La tondeuse à gazon pèse son âne mort
Parce qu’elle a calé, qu’elle ne redémarre,
Et qu’il faut tirailler sa courte bride acerbe

Et la pousser encor jusque dans la remise,
Son guidon paraît lors l’extension du guignon.
C’est jouer de malchance et la plainte est de mise.
À la panne jamais nous ne nous résignons.

Alors manifestant l’antique dissension
Qui règne entre l’esprit et le corps ingénié,
Un long fil soyeux tel celui de l’araignée

Embobine l’engin dans sa disparition.
Prostrée et momifiée en cocon du déni,
Tondeuse je te hais, je t’oublie, te renie.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Aujourd’hui je n’ai rien fait (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



Aujourd’hui je n’ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.

Des oiseaux qui n’existent pas
ont trouvé leur nid.

Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leurs corps.

Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.

Ne rien faire
sauve parfois l’équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi pèse
sur le plateau vide de la balance.

(Roberto Juarroz)


Illustration: Anne-François-Louis Janmot

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

SI VOIR EXISTE À PEINE (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2024




    
SI VOIR EXISTE À PEINE

Par chaque tour de roue avec son grincement
la charrette qui vient vers toi chargée de foin
te calme et te fait mal
on dirait que tu pèses en un moment beaucoup plus lourd
car elle traîne après elle tout l’été
que tu regardais passer enfant sans le voir
et c’est maintenant que tu vois
mais ça n’est plus lui ça n’est plus toi
rien qu’une odeur de foin un grincement de roue
dans un pays qui est ailleurs une autre vie
que veut dire oublier si voir existe à peine

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

JE NE RESTE PAS LONGTEMPS (Cécile Coulon)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    
JE NE RESTE PAS LONGTEMPS

Je ne reste pas longtemps
pour que vous gardiez de moi une image agréable,
pour que chaque parole prononcée ne soit pas perdue,
pour que vous n’ayez pas la possibilité
de trouver sur mon visage une expression de douleur ou d’agacement,
votre présence ne me fait pas mal et j’aime les gestes tendres
simplement il m’arrive d’avoir besoin d’une nuit
sans étoiles et d’un jour sans déclarations.

Je ne reste pas longtemps
pour ne pas peser sur vos épaules nues,
pour ne pas prendre la place qui n’est pas la mienne,
pour ne pas vous voir pleurer,
je ne considère pas les larmes comme des aveux de faiblesse,
il faut du courage pour noyer le regard
et la voix :
elle est impitoyable la révolte des sanglots
elle exige que l’on fasse dans la neige un petit pas de côté.

Je ne reste pas longtemps
pour garder de notre rencontre une belle entaille au coeur,
pour ne pas me sentir irremplaçable,
pour avoir envie de vous revoir :
parfois un simple sourire m’atteint comme une flèche aveugle
et je dois ramasser très vite les morceaux qui tombent de moi-même
par le trou qu’elle a ouvert.

Je ne reste pas longtemps
pour ne jamais être déçue par ce que j’attendais de vous,
pour la promesse d’un retour très bientôt,
pour le baiser qui vient naturellement à ceux qui s’aiment :
je vous écris souvent car j’ose à peine vous toucher,
comment font-ils pour effleurer des mains, et approcher des lèvres,
et frôler des bouches closes
alors que ces mouvements sont pour moi
des actes qui contiennent tout ?

Je ne reste pas longtemps
pour que chaque pas vers vous soit un pas de géant,
pour que chaque étreinte soit une longue histoire,
pour vous comprendre sans vous blesser :
la nuit est belle sur les vallées profondes
quand on sait que bientôt le jour va se lever.
Je ne reste pas longtemps
pour ne rien salir dans la petite chambre sur la Loire,
pour ne pas embêter les fantômes
qui étaient là avant moi,

je ne reste pas longtemps
pour vous aimer encore

(Cécile Coulon)

Recueil: noir volcan
Editions: Le castor astral

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

J’en appelle … (Mélanie Leblanc)

Posted by arbrealettres sur 9 février 2024




    
j’en appelle à l’animal
– araignée, enseigne-moi
comment relier la terre au ciel
les mondes aux mondes
tendre le fil de la voix
scintiller sous la pluie
rendre visible
l’harmonie secrète et fragile

écrire comme on tisse

*

j’en appelle au végétal
– fleur sauvage, enseigne-moi
comment exhaler son odeur
témoigner de la beauté
être là être libre
offrir les mots les plus précieux
puis dans un soupir
partir

écrire comme on fleurit

*

j’en appelle au minéral
— galet, enseigne-moi
comment faire des ricochets
choisir avec attention puis
jeter les mots-cailloux
rompre les lois
faire voler ce qui pèse
marcher sur l’eau

écrire comme on joue

(Mélanie Leblanc)

Recueil: Soleils vivaces vibrent dans nos mains
Editions: Le Castor Astral

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Un tout petit jour (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024



Illustration: Shawna Erback
    
Un tout petit jour

Un tout petit jour m’appartient entre deux nuits,
Si bref il est déjà presque passé…
J’aurais pu y trouver plus de joie, plus de vie,
Mais voilà que sans soleil les ombres s’avancent…
Je ne me plains pas… si je pèse tout
Mieux vaut semblable jour que rien du tout.

***

A Little Day

A little day is mine ‘twixt night and night
So short ’tis nearly done —
There might have been more joy more light
Yet do the shades corne without the sun
I’ll be no grumbler —take it all in all—
Tis better than t’have had no day at all.

(Kate Chopin)

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »