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Poésie

Posts Tagged ‘prononcer’

A cet instant (Ishikawa Takuboku)

Posted by arbrealettres sur 7 mars 2024



Illustration: Natori Shunsen
    
A cet instant j’ai manqué de prononcer
les mots décisifs qui aujourd’hui encore
demeurent pourtant dans mon coeur…

(Ishikawa Takuboku)

Recueil: Une poignée de sable
Traduction: du japonais par Yves-Marie Allioux
Editions: Philippe Picquier

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LE MOT LAC (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024




    

LE MOT LAC

Rien qu’à prononcer le mot lac
le ciel touche à votre figure
un vent clair vous prend aux cheveux
la fraîcheur vient au bord de l’oeil

Ce frôlement va devenir
un vol d’oiseau qui fend la soif
cette calme respiration
est l’eau qui baigne la pensée

Au fond du noir instant sans bruit
l’immense puits s’ouvre aux poumons
oubliée la frappe du sang
on est aussi léger que l’air

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

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LA CHENILLE (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2024




    
LA CHENILLE

Ses doigts sont fins et gelés
Son alliance tombe et
Cogne contre le bitume
Ses doigts tremblent au vent
Telles les feuilles d’automne
Lorsque la chenille rampe à ses pieds
La chenille d’un char
Aux pieds de sa fille

Deux types s’approchent et lui ordonnent
D’ouvrir ses mains comme pour applaudir
Scrutent son passeport une fois, deux fois
Auscultent ses doigts calleux
Décèlent des brûlures, juste des brûlures
Au lieu de l’ampoule à l’index
Qui dénonce la carabine de sniper
Ils prononcent son nom de soldat
À moins que ce ne soit pas le sien
Femme Salope

Ils la déshabillent
Ils la dévisagent
Ils s’allongent
L’outragent
Enragent
Ils sont neuf
(Son chiffre préféré)
En tenue bleue
(Sa couleur préférée)
En baskets trouées
(Ses chaussures préférées)
Neuf
Pour une échevelée
Une femme et non une salope

Et la petite fille s’est roulée en boule
Elle regarde sans pleurer
Elle ramasse l’alliance de maman
La met dans sa bouche comme un chien un os
Et regarde la chenille dévorer leur verte ville

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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JE NE RESTE PAS LONGTEMPS (Cécile Coulon)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    
JE NE RESTE PAS LONGTEMPS

Je ne reste pas longtemps
pour que vous gardiez de moi une image agréable,
pour que chaque parole prononcée ne soit pas perdue,
pour que vous n’ayez pas la possibilité
de trouver sur mon visage une expression de douleur ou d’agacement,
votre présence ne me fait pas mal et j’aime les gestes tendres
simplement il m’arrive d’avoir besoin d’une nuit
sans étoiles et d’un jour sans déclarations.

Je ne reste pas longtemps
pour ne pas peser sur vos épaules nues,
pour ne pas prendre la place qui n’est pas la mienne,
pour ne pas vous voir pleurer,
je ne considère pas les larmes comme des aveux de faiblesse,
il faut du courage pour noyer le regard
et la voix :
elle est impitoyable la révolte des sanglots
elle exige que l’on fasse dans la neige un petit pas de côté.

Je ne reste pas longtemps
pour garder de notre rencontre une belle entaille au coeur,
pour ne pas me sentir irremplaçable,
pour avoir envie de vous revoir :
parfois un simple sourire m’atteint comme une flèche aveugle
et je dois ramasser très vite les morceaux qui tombent de moi-même
par le trou qu’elle a ouvert.

Je ne reste pas longtemps
pour ne jamais être déçue par ce que j’attendais de vous,
pour la promesse d’un retour très bientôt,
pour le baiser qui vient naturellement à ceux qui s’aiment :
je vous écris souvent car j’ose à peine vous toucher,
comment font-ils pour effleurer des mains, et approcher des lèvres,
et frôler des bouches closes
alors que ces mouvements sont pour moi
des actes qui contiennent tout ?

Je ne reste pas longtemps
pour que chaque pas vers vous soit un pas de géant,
pour que chaque étreinte soit une longue histoire,
pour vous comprendre sans vous blesser :
la nuit est belle sur les vallées profondes
quand on sait que bientôt le jour va se lever.
Je ne reste pas longtemps
pour ne rien salir dans la petite chambre sur la Loire,
pour ne pas embêter les fantômes
qui étaient là avant moi,

je ne reste pas longtemps
pour vous aimer encore

(Cécile Coulon)

Recueil: noir volcan
Editions: Le castor astral

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NOUS ATTENDIONS la parole (José Ángel Valente)

Posted by arbrealettres sur 31 décembre 2023



Illustration: Tamara Lunginovic
    
NOUS ATTENDIONS la parole.

Elle ne vint pas.
Elle ne se prononça pas elle-même.

Elle était là, ici, muette encore, grosse de vie.

Maintenant nous ne savons pas si la parole c’est nous
ou si nous étions, nous, la parole.

Mais ni elle ni nous ne fûmes proférés.

Rien ni personne ne peut advenir à cette heure,
car la solitude est le seul séjour de l’existence.

Et nous, nous attendons la parole.

(José Ángel Valente)

Recueil: Trois leçons de ténèbres suivi de Mandorle et de L’éclat
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard

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LE CANCER (Henry Bauchau)

Posted by arbrealettres sur 28 septembre 2023




    
LE CANCER

Le coeur en maison du feu sombre
O désir labourant des cieux
Entends-tu le germe dans l’ombre
Prononcer le Nom silencieux ?

*

Enceinte d’un pas de danse
Amour est ma chambre forte
Où musique n’est pas morte
Sous l’étreinte du silence.

(Henry Bauchau)

Recueil: Poésie complète
Editions: ACTES SUD

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LA BELLE MORT (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023




    
LA BELLE MORT

Les mains pourries les mains perdues
qui n’ont plus rien à donner à personne
les yeux sans jour les voix sans mots
les bouches qu’un baiser jamais plus ne couronne

Honneur moisi feuilles qui rouillent
Rires éparpillés Tendresse en proie aux vers
Pitié très corrompue Linceul puant que souille
la fatigue d’avoir autrefois existé

Nous finirons bien par nous endormir
Nous finirons bien par tout oublier

Nous serons aveugles et sourds
Nous aurons cannes à la main
pour bâtonner sur le chemin
loin très loin du très joli jour

Nous serons tout entrechoqués
n’ayant plus les idées en place
dans une nuit d’un noir de glace
tâtonnants vides disloqués

Nous traînerons clopin-clopant
dans un pays brumeux de larmes
où le vent gèle les paroles
avant qu’on ne les ait prononcées

Personne ne nous entendra
puisqu’il n’y aura plus personne
Rien que le gel et que l’écho
qui n’aura rien à réfléchir
que le souvenir de l’écho

Nous serons ceux qui ne sont plus
les trébuchants les trépassés
les effacés les confondus
les morts dont on ne parle plus

les morts qui auraient tant à dire.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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T o i (André du Bouchet)

Posted by arbrealettres sur 30 juillet 2023


meditation

cela, de nouveau, revenant à soi,
cela – pour l’espace,
se prononcera:
t o i.

(André du Bouchet)

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Le mot mur (Jacques Dupin)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2023


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le prisonnier ne prononce pas le mot mur
même quand il écrit sur

(Jacques Dupin)

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TEMPÊTE (Mario Wirz)

Posted by arbrealettres sur 14 octobre 2022



TEMPÊTE

Qui ouvrira la fenêtre
et laissera la tempête entrer dans ma chambre?
Le silence noir
cet après-midi
prononce

(Mario Wirz)

Illustration: Edvard Munch

 

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