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Poésie

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Rondeau lyrique (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    
Rondeau lyrique

Les cœurs dorment dans des coffrets
Que ferment de belles serrures ;
Sous les émaux et les dorures
La poussière des vieux secrets
Et des lointaines impostures
Se mêle aux frêles moisissures
Des plus récentes aventures :
Chère, ôtez vos doigts indiscrets,
Les cœurs dorment.

Vos doigts ravivent des blessures
Et vos regards sont des injures,
Laissez-les reposer en paix.
Comme des rois dans leurs palais
Ou des morts dans leurs sépultures,
Les cœurs dorment.

(Rémy de Gourmont)

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Mimosa (Jacqueline Commard)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024




    
Mimosa

Je te regarde avec le coeur
Ne te touche qu’avec les yeux
Car vois-tu… tu n’es qu’une fleur
Mais je te crois béni des Dieux.

Tes raisins de plumes légères
Aux couleurs d’un soleil d’été
Viennent nous égayer l’hiver
De ses grappillons embaumés.

Tu promènes tes éventails
De feuillage d’un gris bleuté
Au gré des vents qui t’encanaillent
Pour séduire avec volupté.

Février va s’échevelant
Dans tes bras tendus vers le ciel
Faisant signe à des goélands
De ne point s’y briser les ailes.

Je te regarde et je t’admire
Comme le tableau d’un grand Maître
Je te ressens, je te respire
Toi, qui chaque année sais renaître.

Parfum suave et envoûtant
Laissant son empreinte au passage
Arôme doux et caressant
Ressuscitant le paysage…

Je te contemple avec ferveur
Car je te crois béni des Dieux
Arbrisseau si cher à mon coeur
Agitant ses doigts vers les cieux.

(Jacqueline Commard)

Recueil: Astérie
Editions:

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EN ÉTÉ LE SOIR (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024




    
EN ÉTÉ LE SOIR
I

Les soieries d’été sont douces au toucher
C’est un crépuscule de corsages entrouverts sur la promenade
Et de baisers volés le long des bassins du jardin public
Où se mirent longuement les filles et les étoiles

Sous la laine noire des arbres des voix tricotent
Peaux brunes la promenade est encore belle.
Poudre à vos yeux bleu de vos cernes
La lune en son halo de juillet.

II

Terrasse en surplomb d’où considérer les passants
Nappe en papier blanc serviette de papier rouge
Pizza Margarita des bulles de Valpolicella
Un soir comme celui-ci les voix sont faciles et lointaines

Le rire des convives applaudit
On grignote des morceaux de ciel
Du soleil couchant jusque dans l’assiette
Léger d’épaules et de visage

Cette vie grésille entre les doigts puis s’envole en fumée
Ce goût d’alcool et de tabac on voudrait que ça dure
Surtout ne pas bouger ne plus rien déranger.
Une mouche sur une brindille se tient en équilibre.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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Trois mille battements et deux cent litres de sang (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 19 avril 2024




    
Trois mille battements et deux cent litres de sang

Si je pouvais me multiplier
je me promènerais avec toi
en te donnant les deux mains.

Je veux dire
que si je pouvais être deux,
moi deux fois
— comprends-moi —,
une âme répétée
comme la boucle qui s’enroulerait entre deux doigts
et ressemblerait à un auriculaire
ou les lèvres
qui laisseraient passer la langue
précédant un baiser
qui se dupliquerait en quête d’éternité,
je coloniserais ton présent et tes lendemains,
t’attendrais où que tu sois
et où tu voudrais être,
me languirais de toi
en voyant tes baisers faire des gouttières entre mes cils
et je te dessinerais en même temps des lèvres
pleines de salive
au milieu du majeur.

Si je pouvais me dédoubler
je nous observerais de l’extérieur
comme on regarde la mort dans les yeux :
avec envie.

Si je pouvais être ici et là
je serais en toi et en toi,
je mettrais le feu à Troie,
tout en t’offrant Paris,
je te regarderais dormir
et rêverais de toi en même temps.

Tu sais ce à quoi je me réfère,
si je pouvais fausser les coordonnées,
je créerais une carte où ne figureraient que tes orteils
et ce besoin que j’ai de te suivre partout.

Si je pouvais être la même en deux moitiés, amour,
je t’habillerais avec autant de nervosité
que tu en as quand tu me laisses te dénuder,
je polirais mes erreurs
pour que le faux pas soit doux
et je serais à la fois le précipice et l’élan
de toutes tes peurs, de tous tes rêves.

Si je pouvais,
mon amour,
je transformerais tout ce qui est maintenant singulier
en pluriel

Mais je ne peux pas,
et tu dois donc te satisfaire
de la seule chose que je puisse faire :
t’aimer
— pas le double, ni par deux, ni au carré,
mais avec la force d’une armée
de trois mille battements et deux cents litres
de sang
qui en voulant te donner plus qu’elle
ne possède
te donne tout ce qu’elle est —.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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L’oeuf dur (Sumitaku Kenshin)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2024



L’oeuf dur
Décortiqué par mes
Doigts de malade.

(Sumitaku Kenshin)

 

 

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LA RONDE DES HEURES (Pascal Bonetti)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024




LA RONDE DES HEURES

Tes doigts sont les fuseaux où s’enroulent mes rêves.
Ta voix est le rouet qui berce mon destin.
J’oublie auprès de toi que les heures sont brèves
Et que la vie est lourde et son but incertain…

*

Vivons pareils aux deux ailes d’un même oiseau
Qui toutes deux battent ensemble,
Et laissons notre amour pointer comme un roseau
Vers l’infini qui te ressemble.
Allons pareils aux deux rames d’un même esquif
Qui toutes deux plongent ensemble,
Et penchons comme un ciel notre bonheur pensif
Sur l’océan qui te ressemble.

(Pascal Bonetti)

Illustration

 

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Involontairement (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024




    
Involontairement je brise avec les doigts
une petite branche.
Je touche l’endroit de la rupture
et mes doigts s’illuminent:
le tout de la branche
a passé dans mes doigts.
Il restera en eux,
bien qu’à son tour je ne sais quoi me les brise
et que le tout de mes doigts
passe dans autre chose.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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LA CHAMADE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
LA CHAMADE

à Jacques T.

J’ai vécu mon enfance auprès d’un champ de courses,
Un endroit où le son arrive avant l’image,
Où, précédant l’éclair, un grondement d’orage
Semble avoir dans le noir la source de sa source.

On pendait notre enfance alentour de l’arène,
Le coeur au bord des yeux et les doigts au grillage,
Attendant le galop qu’annonçait le virage,
Percevant dans la cage une rumeur lointaine.

Nos coeurs et nos genoux peints au mercurochrome
Battaient à l’unisson des sabots et des coups
Enfonçant dans la chair l’hypodermique clou

Qui nous rivait au sol au coin de l’hippodrome.
Chaque fois que j’entends
le galop qui martèle,

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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L’EMPIRE DES SENS (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
L’EMPIRE DES SENS

je te renifle comme un chien
je te hume sous les aisselles
je te respire comme un parfum
je te sens, mal ou bien

je te regarde venir de loin
je te vois comme tu me vois
je te reluque de travers
je te fixe avec effroi

je te bois avec ivresse
je te suce comme une proie
je te croque avec paresse
je te lèche comme un gros chat

je te caresse du bout des doigts
je te serre avec rudesse
je t’enlace de mes bras
je t’étrangle avec tendresse

je t’écoute avec patience
et je t’entends sans te voir
je te reçois avec aisance
je te perçois dans le noir

Bienvenue à toi
qui t’es perdue
dans l’empire
de mes sens.

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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POURQUOI ? (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024



Illustration: Fabienne Contat
    
POURQUOI ?

Pourquoi baissez-vous les yeux
quand je vous prends dans mes bras
que je vous baise le bout des doigts
et que je sens du bout des lèvres
ce frisson de vous à moi

Pourquoi baissez-vous les yeux
Pourquoi ce sourire malicieux
qui me parle de surprise
qui m’obsède et qui m’attise
sous le rideau de vos cheveux

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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