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Poésie

Posts Tagged ‘malade’

L’enfant qui pense aux fées (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 14 Mai 2024




    

L’enfant qui pense aux fées et croit aux fées
Agit comme un dieu malade, mais comme un dieu.
Car bien qu’il affirme qu’existe ce qui n’existe pas
Il sait comment les choses existent — en existant —
Il sait qu’exister existe et ne s’explique pas,
Il sait qu’il n’y a aucune raison pour que rien n’existe,
Il sait qu’être c’est se situer en un point.
Sauf qu’il ne sait pas que la pensée n’est pas un point quelconque

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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Blanche abeille (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration
    
Blanche abeille tu bourdonnes — ivre de miel — dans mon âme
et tu te tords en lentes spirales de fumée.

Je suis le désespéré, la parole sans échos,
celui qui perdit tout, et celui qui posséda tout.

Ultime amarre, en toi craque mon anxiété ultime.
En ma terre déserte tu es l’ultime rose.

Ah silencieuse !

Clos tes yeux profonds. Là bat des ailes la nuit.
Ah dénude ton corps de statue craintive.

Tu as des yeux profonds où la nuit bat des ailes.
De frais bras de fleur et giron de rose.

Tes seins ressemblent aux escargots blancs.
Un papillon d’ombre est venu s’endormir sur ton ventre.

Ah silencieuse !

Voici la solitude d’où tu es absente.
Il pleut. Le vent marin chasse d’errantes mouettes.

L’eau marche pieds nus dans les rues trempées.
De cet arbre geignent, comme des malades, les feuilles.

Blanche abeille, absente, encore tu bourdonnes dans mon âme.
Tu revis dans le temps, fine et silencieuse.

Ah silencieuse !

***

Abeja blanca zumbas — ebria de miel — en mi alma
y te tuerces en lentas espirales de humo.

Soy el desesperado, la palabra sin ecos,
el que lo perdió todo, y el que todo lo tuvo.

Última amarra, cruje en ti mi ansiedad última.
En mi tierra desierta eres la última rosa.

Ah silenciosa !

Cierra tus ojos profundos. Allí aletea la noche.
Ah desnuda tu cuerpo de estatua temerosa.

Tienes ojos profundos donde la noche alea.
Frescos brazos de flor y regazo de rosa.

Se parecen tus senos a los caracoles blancos.
Ha venido a dormirse en tu vientre una mariposa de sombra.

Ah silenciosa !

He aquí la soledad de donde estás ausente.
Llueve. El viento del mar caza errantes gaviotas.

El agua anda descalza por las calles mojadas.
De aquel árbol se quejan, como enfermos, las hojas.

Abeja blanca, ausente, aún zumbas en mi alma.
Revives en el tiempo, delgada y silenciosa.

Ah silenciosa !

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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L’oeuf dur (Sumitaku Kenshin)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2024



L’oeuf dur
Décortiqué par mes
Doigts de malade.

(Sumitaku Kenshin)

 

 

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À une Demoiselle malade (Clément Marot)

Posted by arbrealettres sur 13 février 2024



 

    

À une Demoiselle malade

Ma Mignonne,
Je vous donne
Le bonjour.
Le séjour
C’est prison ;
Guérison
Recouvrez,
Puis ouvrez
Votre porte,
Et qu’on sorte
Vitement,
Car Clément
Le vous mande.
Va, friande
De ta bouche,
Qui se couche
En danger
Pour manger
Confitures ;
Si tu dures
Trop malade,
Couleur fade
Tu prendras,
Et perdras
L’embonpoint.
Dieu te doit
Santé bonne,
Ma Mignonne.

(Clément Marot)

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En hébreu, le mot « malade » (mahala) (Christiane Singer)

Posted by arbrealettres sur 10 février 2024



Illustration: Dominique Leuthold
    
En hébreu, le mot « malade » (mahala) signifie « tourner en rond ».
Le malade est celui qui tourne en rond,
qui s’est rendu prisonnier de lui-même,
qui s’est mis en enfer-mement.

L’autre, cet intrus,
cet empêcheur de tourner en rond,
opère une brèche dans les fortifications
conscientes ou inconscientes
que j’ai dressées autour de moi.

Il me libère du piège
qui s’était refermé sur moi.

(Christiane Singer)

Recueil: N’oublie pas les chevaux écumants du passé
Editions: Le livre de poche

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VILLAGE PRÈS D’UNE RIVIÈRE (Tu Fu)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023



VILLAGE PRÈS D’UNE RIVIÈRE

Eau claire, méandres qui enserrent le village.
Longues journées d’été où tout est poésie.
Sans crainte, vont et viennent les couples d’hirondelles ;
Les mouettes, les unes contre les autres, dans l’étang.
Ma vieille épouse dessine un échiquier sur papier.
Mon fils, pour pêcher, tord son hameçon d’une aiguille.
Souvent malade, je cherche les plantes qui guérissent :
Quoi d’autre peut-il désirer, mon humble corps ?

(Tu Fu)

 

 

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SUPPLICATION (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 26 octobre 2023




    
SUPPLICATION

Ne m’ laissez jamais seul…
Ne m’ laissez jamais seul…

Mon Jésus m’a promis
De n’ jamais m’ laisser seul…

Quand j’ me sens bien malade,
Ne m’ laissez jamais seul…

Quand j’ suis prêt à mourir,
N’ me laissez jamais seul…

Quand vous m’ voyez périr,
Ne m’ laissez jamais seul…

Mon Jésus m’a promis
De n’ jamais m’ laisser seul.

(Marguerite Yourcenar)

Recueil: Fleuve profond, sombre rivière Les « Negro Spirituals », commentaires et traductions
Editions: Gallimard

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La Parole (Paul Éluard)

Posted by arbrealettres sur 14 octobre 2023




    
La Parole

J’ai la beauté facile et c’est heureux.
Je glisse sur le toit des vents
Je glisse sur le toit des mers
Je suis devenue sentimentale
Je ne connais plus le conducteur
Je ne bouge plus soie sur les glaces
Je suis malade fleurs et cailloux
J’aime le plus chinois aux nues
J’aime la plus nue aux écarts d’oiseau
Je suis vieille mais ici je suis belle
Et l’ombre qui descend des fenêtres profondes
Épargne chaque soir le coeur noir de mes yeux.

(Paul Éluard)

Recueil: Poèmes & Poèmes Les plus belles poésies de la langue française
Editions: Castor Poche

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DIMANCHE APRÈS-MIDI (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 13 octobre 2023



Illustration: Paul Delvaux
    
DIMANCHE APRÈS-MIDI

S’enlaçaient les domaines voûtés d’une aurore grise
dans un pays gris, sans passions, timide.

S’enlaçaient les cieux implacables,
les mers interdites, les terres stériles,

S’enlaçaient les galops inlassables de chevaux maigres,
les rues où les voitures ne passaient plus, les chiens et les chats mourants,

S’auréolaient de pâleur charmante les femmes,
les enfants et les malades aux sens limpides,

S’auréolaient les apparences,
les jours sans fin, jours sans lumière, les nuits absurdes,

S’auréolait l’espoir d’une neige définitive,
marquant au front la haine,

S’épaississaient les astres, s’amincissaient les lèvres,
s’élargissaient les fronts comme des tables inutiles,

Se courbaient les sommets accessibles,
s’adoucissaient les plus fades tourments,
se plaisait la nature à ne jouer qu’un rôle,

Dans ces domaines confondus
où même les larmes n’avaient plus que des miroirs boueux,
dans ce pays éternel qui mêlait les pays futurs,
dans ce pays où le soleil allait secouer ses cendres.

(Paul Eluard)

Recueil: Paul Eluard par Louis Parrot
Editions: Seghers

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Nous, les exilés (Maram al-Masri)

Posted by arbrealettres sur 31 Mai 2023



    

Nous, les exilés
qui vivons à coups de calmants.
Notre patrie est devenue Facebook
cela nous ouvre le ciel
fermé devant nos visages aux frontières.

Nous, les exilés,
nous dormons en serrant contre nous
notre téléphone mobile.
Sous les lumières
des écrans de nos ordinateurs
nous nous assoupissons pleins de tristesse
et nous réveillons pleins d’espoir.

Nous, les exilés,
rôdons autour de nos maisons lointaines
comme les amoureuses rôdent
autour des prisons,
espérant apercevoir l’ombre
de leurs amants.

Nous, les exilés, nous sommes malades
d’une maladie incurable

Aimer une patrie
mise à mort.

(Maram al-Masri)

Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey

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