Nous, les exilés
qui vivons à coups de calmants.
Notre patrie est devenue Facebook
cela nous ouvre le ciel
fermé devant nos visages aux frontières.
Nous, les exilés,
nous dormons en serrant contre nous
notre téléphone mobile.
Sous les lumières
des écrans de nos ordinateurs
nous nous assoupissons pleins de tristesse
et nous réveillons pleins d’espoir.
Nous, les exilés,
rôdons autour de nos maisons lointaines
comme les amoureuses rôdent
autour des prisons,
espérant apercevoir l’ombre
de leurs amants.
Nous, les exilés, nous sommes malades
d’une maladie incurable
Aimer une patrie
mise à mort.
(Maram al-Masri)
Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey
On chante trop l’amour souffrance,
la passion qui peut engendrer maladie et destruction de soi…
Comme il est doux d’être amoureux,
plein d’espoir et d’ouverture à cet autre
qui me charme et m’emmène dans un monde nouveau,
que je vais désormais partager avec lui.
Les joies de l’état amoureux sont toujours à ma disposition
quand je sais les vivre avec légèreté.
Pourtant j’ai souvent
la sensation que je dois
éprouver cette angoisse —
elle m’est nécessaire
— et que je ne pourrais pas
vivre sans — Souvent
je ressens aussi que la maladie
a été nécessaire — Dans
les périodes sans angoisse
et sans maladie je me suis
senti comme un bateau
voguant par vent violent —
mais sans gouvernail
— et me suis demandé vers où?
où vais-je échouer ?
(Edvard Munch)
Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais
Il n’est pas rare que je me plonge dans un livre de haïkus
quand je traverse des événements rudes et âpres :
décès d’un proche, maladie, creux de la vague…
Se frotter à la beauté abrupte et sans apprêt du haïku
aide à affronter les épreuves de la vie,
ces moments où la réalité semble se dérober sous nos pas.
Dans ces instants-là,
tous les ornements de la littérature tape-à-l’oeil
sonnent creux et faux.
On a soif d’authenticité, de dénuement,
de simplicité radicale.
Ce n’est pas par de mièvres flonflons
que l’on soigne le vague à l’âme ou la mélancolie,
mais par le silence sec des déserts
et l’eau glacée des torrents.
cette petite chose
modelée de cendres et
de désirs
ce reste
coincé en travers de
ma voix
qui troue mon chant
et mes ailes
brusquant la chute
en plein vol
Le langage est en nous comme un organe vital
et c’est avec tristesse que j’ai entendu cet ingénieur,
trop affairé pour aller chercher ses enfants à l’école ou pour jouer avec eux,
prétexter d’un « simple problème de logistique »
— comme si je lui découvrais soudain une maladie mortelle.
Il y a quelque chose de terrible dans chaque vie.
Il y a, dans le fond de chaque vie,
une chose terriblement lourde, dure et âpre.
Comme un dépôt, un plomb, une tache.
Un dépôt de tristesse, un plomb de tristesse, une tache de tristesse.
À part les saints et quelques chiens errants,
nous sommes tous plus ou moins contaminés par la maladie de la tristesse.
Plus ou moins. Même dans nos fêtes elle peut se voir.
La joie est la matière la plus rare dans ce monde.
Elle n’a rien à voir avec l’euphorie, l’optimisme ou l’enthousiasme.
Elle n’est pas un sentiment. Tous nos sentiments sont soupçonnables.
La joie ne vient pas du dedans,
elle surgit du dehors — une chose de rien, circulante, aérienne, volante.
On lui accorde beaucoup moins de crédit qu’à la tristesse qui, elle,
fait valoir ses antécédents, son poids, sa profondeur.
La joie n’a aucun antécédent, aucun poids, aucune profondeur.
Elle est toute en commencements, en envols, en vibrations d’alouette.
C’est la chose la plus précieuse et la plus pauvre du monde.
Il n’y a guère que les enfants pour la voir. Les enfants, les saints, les chiens errants.
Et toi. Tu l’attrapes au vol, tu la redonnes aussitôt, il n’y a rien d’autre à en faire.
Et tu ris, tu ne sais que rire devant tant de richesse donnée, reçue.
Tu as pourtant affaire, comme chacun, à cette chose terrible dans ta vie,
à cette ombre terriblement lourde, dure, âpre.
Tu lui fais place comme au reste.
Tu ouvres la porte à la tristesse si aimablement qu’elle en est perdue,
qu’elle en perd ses manières sombres et qu’on ne la reconnaît plus.
La grâce se paie toujours au prix fort.
Une joie infinie ne va pas sans un courage également infini.
Dans tes rires c’est ton courage que j’entendais:
un amour de la vie si puissant que même la vie ne pouvait plus l’assombrir.
[Tony] – Moi, Anton, je te veux pour épouse, Maria…
[Maria] – Moi, Maria, je te veux pour époux, Anton…
[Tony] – Dans la richesse comme dans la pauvreté…
[Maria] – Dans la santé comme dans la maladie…
[Tony] – Je t’aimerai et t’honorerai…
[Maria] – Pour le meilleur et pour le pire…
[Tony] – Du lever du soleil au coucher de la lune…
[Maria] – De lendemain en lendemain…
[Tony] – Pour l’éternité…
[Maria] – Jusqu’à ce que la mort nous sépare.
[Tony] – Avec cette alliance, je te prends pour épouse.
[Maria] – Avec cette alliance, je te prends pour époux.
(Chanté)
[Tony]
Que nos mains n’en forment plus qu’une,
Que nos cœurs ne fassent plus qu’un,
Échangeons maintenant un dernier vœu :
De n’être séparés que par la mort.
[Maria]
Que nos vies n’en forment plus qu’une,
Jour après jours, construisons notre vie.
[Ensemble]
C’est à présent le début
Une main, un cœur,
Même la mort ne saurait nous séparer.
Que nos vies n’en forment plus qu’une,
Jour après jours, construisons notre vie.
C’est à présent le début
Une main, un cœur,
Même la mort ne saurait nous séparer.
(West Side Story)
***
WEST SIDE STORY – ONE HAND, ONE HEART
(Dialogue parlé)
[Tony] – I, Anton, take thee, Maria . . .
[Maria] – I, Maria, take thee, Anton . . .
[Tony] – For richer, for poorer . . .
[Maria] – In sickness and in health . . .
[Tony] – To love and to honor . . .
[Maria] – To hold and to keep . . .
[Tony] – From each sun to each moon . . .
[Maria] – From tomorrow to tomorrow . . .
[Tony] – From now to forever . . .
[Maria] – Till death do us part.
[Tony] – With this ring, I thee wed.
[Maria] – With this ring, I thee wed.
(Chanté)
[Tony]
Make of our hands one hand,
Make of our hearts one heart,
Make of our vows one last vow:
Only death will part us now.
[Maria]
Make of our lives one life,
Day after day, one life.
[Ensemble]
Now it begins, now we start
One hand, one heart;
Even death won’t part us now.
Make of our lives one life,
Day after day, one life.
Now it begins, now we start
One hand, one heart,
Even death won’t part us now.