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Posts Tagged ‘souffrance’

Il m’est absolument impossible (Anne Frank)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



Anne Frank 
    

Il m’est absolument impossible
de tout construire sur une base de mort, de misère et de confusion,
je vois comment le monde se transforme lentement en un désert,
j’entends plus fort, toujours plus fort,
le grondement du tonnerre qui approche et nous tuera, nous aussi,

je ressens la souffrance de millions de personnes
et pourtant, quand je regarde le ciel,
je pense que tout finira par s’arranger,
que cette brutalité aura une fin,
que le calme et la paix
reviendront régner sur le monde.

En attendant, je dois garder mes pensées à l’abri,
qui sait, peut-être trouveront-elles une application dans les temps à venir!

(15 juillet 1944)
(Anne Frank)

Journal,
traduit de l’allemand par Tylia Caren et Suzanne Lombard, Calmann-Lévy, 1950.

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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NOCTURNE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2024



Illustration: William Blake
    
NOCTURNE

Le soleil descend â l’Ouest,
L’étoile du soir brille,
Les oiseaux font silence en leur nid
Et moi aussi je cherche mon gîte.
La lune, comme une fleur
Dans le grand buisson du ciel,
Se dresse au-dessus de la nuit
Et sourit, dans une silencieuse extase.

Adieu vertes prairies, adieu joyeux bosquets
Où les troupeaux ont folâtré,
Où les agneaux broutaient.
Les pieds des anges brillants glissent sans bruit,
Invisibles ils répandent sans cesse
Bienfaits et joie
Sur chaque bouton, sur chaque fleur
Dans chaque poitrine endormie.

Ils se penchent sur chaque nid sans souci
Où les oiseaux sont chaudement pelotonnés
Et visitent les tanières des bêtes
Pour toutes les préserver du mal.
S’ils découvrent quelque souffrance
Qui aurait dû être engourdie,
Ils versent le sommeil sur cette tête
Et s’assoient près de cette couche.

Quand les loups et les tigres hurlent de faim,
Ils sont pleins de pitié et pleurent,
Cherchant à éloigner cet ardent désir
Et à les écarter des brebis.
Mais s’ils bondissent, terribles,
Les anges attentifs
Accueillent les douces victimes
Pour leur ouvrir de nouveaux mondes.

C’est là que verseront des larmes d’or
Les yeux vermeils du lion
Qui aura pitié des faibles plaintes
Et tournera autour du troupeau
Et dira : « Sa douceur chasse la colère
Et sa santé
Chasse la maladie
De notre immortelle lumière. »

Et près de toi, bêlant agneau,
Je peux m’étendre et dormir
Ou penser à Celui qui porta ton nom
Et paître avec toi et pleurer.
Car, purifiée dans la rivière de vie
Ma crinière à jamais éblouissante
Resplendira comme l’or,
Pendant que je veillerai sur le troupeau.

***

Night

The sun descending in the west,
The evening star does shine;
The birds are silent in their nest.
And I must seek for mine.
The moon, like a flower
In heaven’s high bower,
With silent delight
Sits and smiles on the night.

Farewell, green fields and happy grove,
Where flocks have took delight:
Where lambs have nibbled, silent move
The feet of angels bright;
Unseen they pour blessing
And joy without ceasing
On each bud and blossom,
And each sleeping bosom.

They look in every thoughtless nest
Where birds are cover’d warm;
They visit caves of every beast,
To keep them all from harm:
If they see any weeping
That should have been sleeping,
They pour sleep on their head,
And sit down by their bed.

When wolves and tigers howl for prey,
They pitying stand and weep,
Seeking to drive their thirst away
And keep them from the sheep.
But, if they rush dreadful,
The angels, most heedful,
Receive each mild spirit,
New worlds to inherit.

And there the lion’s ruddy eyes
Shall flow with tears of gold:
And pitying the tender cries,
And walking round the fold:
Saying,  Wrath, by His meekness,
And, by His health, sickness,
Are driven away
From our immortal day.

And now beside thee, bleating lamb,
I can lie down and sleep,
Or think on Him who bore thy name,
Graze after thee, and weep.
For, wash’d in life’s river,
My bright mane for ever
Shall shine like the gold
As I guard o’er the fold.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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J’ai bu le miel de l’Illimité (Rabindranath Tagore)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024




J’ai bu le miel de l’Illimité
à la coupe du lotus éternel
J’ai traversé le tunnel des souffrances
J’ai trouvé le chemin caché du bonheur
et j’ai vu des rais de lumière
traverser le silencieux désert de la nuit.

(Rabindranath Tagore)

 

 

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À la joie (Missak Manouchian)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024



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À la joie

Ô joie, souffle enthousiaste,
Quand tu jaillis des cœurs gros de chagrins,
De détresse et de souffrance,
Doux et fécond est ton torrent de volupté !

Sur tes visages, tel un baiser de lumière,
Tantôt tu répands une ineffable rêverie,
Tantôt tu allumes de multiples appels lancinants
Dans les yeux, comme un inextinguible feu.
Tu es semblable à ces sources limpides
Venues du plus profond des montagnes…
Et qui comme les abondants ruisseaux printaniers
Donnent la vie à tous dans leur course.

Fertilisée par les ardeurs de l’hiver,
Aimée par le baiser ivre du soleil,
Tu es parfois une oasis née du sable,
Où d’innombrables lassitudes viennent te bénir.
Ô joie, lumière débordante,
Toi, fontaine enchantée, feu, sacré,
Telle la clarté vivifiante du soleil,
Sois inépuisable pour les cœurs obscurs !…

(Missak Manouchian)

Recueil: Ivre d’un grand rêve de liberté
Traduction: Stéphane Cermakian
Editions: Points

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PRIVATION (Missak Manouchian)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
PRIVATION

La question, des amis parfois me la posent:
« Comment vis-tu donc, et comment l’âme ardente
Veux-tu donner force aux cœurs qu’a fui l’espoir ?
Le pain et le besoin sont ton lot pourtant. »

Quand j’erre dans les rues d’une métropole,
Toutes les misères, tous les dénuements,
Lamentation et révolte l’une à l’autre,
Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge.

Je les mêle ainsi à ma souffrance intime,
Préparant avec les poisons de la haine
Un âcre sérum – cet autre sang qui coule
Par tous les vaisseaux de ma chair, de mon âme.

Cet élixir vous semblerait-il étrange ?
Il me rend du moins la conscience du tigre,
Lorsque dents et poings serrés, tout de violence,
Je passe par les rues d’une métropole.

Et qu’on dise de moi: il est fou d’ivresse,
Flux et reflux d’une vision
Ne cessent d’investir mes propres pensées,
Et je me hâte, assuré de la victoire.

(Missak Manouchian)

Recueil: LA POESIE ARMENIENNE Anthologie des origines à nos jours
Traduction: Gérard HEKIMIAN
Editions: Les Editeurs Français Réunis

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Silence à vivre (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 19 décembre 2023




    
Silence à vivre

Certaines tombes ne jaunissent pas
Certaines fins multiplient le vertige
Certains départs s’adossent à la fraîche souffrance
Certains corps brûlent à tous les âges du nôtre

Certaines paroles bouleversent
Tout le silence à vivre.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Le ruisseau (Ceija Stojka)

Posted by arbrealettres sur 5 octobre 2023




    
Le ruisseau
était notre baignoire
la rue notre pays natal
notre pain
les hommes qui nous le donnaient
Notre souffrance personne ne la voyait
Nos morts gisent dans la terre
le pays où ils sont nés
La nature est notre première mère
Le vent est le frère du Rom
la pluie la soeur de la Romni
Et tout le reste va avec

***

Unsere Badewanne
war der Bach
unsere Heimat die Straße
unser Brot waren die Menschen
die es uns gaben
Unser Leid das sah niemand
Unsere Toten liegen in der Erde
Land wo sie geboren sind
Die Natur ist unsere Urmutter
Der Wind ist der Bruder des Romm
der Regen die Schwester der Romni
Und all das andere gehört dazu

(Ceija Stojka)

Recueil: Auschwitz est mon manteau
Traduction: de l’allemand (Autriche) François Mathieu
Editions: Bruno Doucey

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Une femme est l’amour (Gérard de Nerval)

Posted by arbrealettres sur 15 août 2023



Illustration: Anne-Marie Zilberman
    
Une femme est l’amour

Une femme est l’amour, la gloire et l’espérance ;
Aux enfants qu’elle guide, à l’homme consolé,
Elle élève le coeur et calme la souffrance,
Comme un esprit des cieux sur la terre exilé.

Courbé par le travail ou par la destinée,
L’homme à sa voix s’élève et son front s’éclaircit ;
Toujours impatient dans sa course bornée,
Un sourire le dompte et son coeur s’adoucit.

Dans ce siècle de fer la gloire est incertaine :
Bien longtemps à l’attendre il faut se résigner.
Mais qui n’aimerait pas, dans sa grâce sereine,
La beauté qui la donne ou qui la fait gagner ?

(Gérard de Nerval)

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Le jour monte et grandit (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 28 juillet 2023



Balthus  1_0

Le jour monte et grandit, retombe sur la ville
Nous avons traversé la nuit sans délivrance
J’entends les autobus et la rumeur subtile
Des échanges sociaux. J’accède à la présence.

Aujourd’hui aura lieu. La surface invisible
Délimitant dans l’air nos êtres de souffrance
Se forme et se durcit à une vitesse terrible ;
Le corps, le corps pourtant, est une appartenance.

Nous avons traversé fatigues et désirs
Sans retrouver le goût des rêves de l’enfance
Il n’y a plus grand-chose au fond de nos sourires,
Nous sommes prisonniers de notre transparence.

(Michel Houellebecq)

Illustration: Balthus

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AUTOMNE (Edward Stachura)

Posted by arbrealettres sur 25 juillet 2023



AUTOMNE

Enfoncer s’enfoncer
dans les jardins roux de l’automne
et cueillir des feuilles une par une
comme des heures d’une existence

passer d’un arbre à l’autre
d’une douleur à l’autre encore
dans le silence d’un pas de souffrance
qui ne trouble pas le sommeil du vent

cueillir des feuilles sans regret
avec un sourire chaleureux et triste
en laissant la dernière petite feuille à quelqu’un d’autre
et mourir

(Edward Stachura)

Illustration: ArbreaPhotos
 

 

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