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Poésie

Posts Tagged ‘violence’

Croquis-Démolition (Extraits) Patricia Cottron-Daubigné)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024



    

Croquis-Démolition (Extraits)

Je recule devant le coeur gueulant de l’usine, la brutalité de la machine;
ils ouvrent une porte, blindée, une deuxième, épaisses les deux et je recule,
le ventre tordu de l’odeur qui suffoque : des tuyaux, des fils, du bruit qui hurle,
du liquide partout qui pue et gicle, sur les parois, partout;
et les mains pleines, ne pas se sentir mal, il faut que je touche,
c’est la puissance de la machine qui claque ses roulements métal contre métal,
ne pas se sentir mal, je suis dans le coeur de la fierté de l’homme qui affronte la machine, la pire.
J’entends mal ce qu’ils expliquent, le roulement, le passage, la meule, la surveillance,
chaque jour et combien de fois, le ventre blindé de l’homme face,
et ses poumons comment blindés de quoi, le travail qui fait vivre et mourir je me dis,
les fils de mon cerveau raccrochent moins bien, le travail, sa perte,
vivre sans, et vivre avec, dans cette violence, je ne sais pas comment.

Les mains sont restées serrées dans les poches.
«On disait rien.» L’un après l’autre, les noms sont tombés
«C’est étrange comme on était calme. On disait rien.
Pourtant on avait envie, on sait pas, de crier, de casser;
la tension était là dans notre silence la colère tout au fond.
C’étaient pas des fainéants, pas des tire-au-flanc qu’on nous arrachait.
Des mecs bien, qui bossaient.» À la tristesse, ils ajoutaient la honte,
c’est ce qu’ils disaient «on a rien fait ».
Ils sont restés silencieux, en bleu de travail dans les odeurs d’huiles et de dissolvants,
avec des envies de pleurer. Il y avait le silence des machines et soi qui ne partait pas.

(Patricia Cottron-Daubigné)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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LA VIE AURA MA PEAU (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
LA VIE AURA MA PEAU

La vie aura ma peau
ma peau d’enfant solitaire
écorchée aux coudes,
aux genoux dans les trous, les ornières

La vie aura ma peau
ma peau d’enfant héroïque
de rêveur épidermique
charmé par les yeux de ma mère

La vie aura ma peau
ma peau douce et frissonnante
ma peau ivre de jouissance
de baisers d’insouciance
Ma peau bronzée, ma peau claire
ma peau brûlée, ultra violée
par les radiations solaires

La vie aura ma peau
que je pensais avoir si dure
que j’exposais aux quatre vents
à la froidure comme au brûlant
La vie aura ma peau
parfumée d’ambre solaire
cernée d’ombre et de lumière
par vent glacé, par vent chaud

La vie aura ma peau
et que le Diable l’emporte
depuis le temps qu’elle me supporte
elle ne me fera pas de cadeau
Ma chair et tout le reste les os de mon squelette
finiront en poussière en paradis
ou en enfer cramé ou six pieds sous terre
Quand mon âme déchargée du poids de sa violence
aura repris le cours de sa divine errance
dans ce ballet d’atomes où rêve l’éternité

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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S’éveiller (Bob Mwangi Kihara)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024



Illustration: Erin Hanson
    
S’éveiller

Réveille-toi, empire du soleil,
il vaut mieux chercher la connaissance que se battre.
Il vaut mieux être respectable que sans honneur.
Tu fais mieux d’être généreux que cupide.

Sois sage et courageux pour te libérer
des chaînes de l’ignorance et de la haine,
émerge de la somnolence de violence.
Sache quand atténuer la misère par la générosité.

Pour être libre, cherche la sagesse de principes anciens,
et scrute également tes langues ancestrales
car alors tu réaliseras qui tu es vraiment,
et quel sentier raisonnable il te convient de suivre.

Le sentier qui conduit vers une abondance de sagesse et de mérites.
Le sentier qui conduit vers des richesses honnêtes
parées du succès de la moralité.

(Bob Mwangi Kihara)

Kenia

Traduction Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache

Recueil: ITHACA 780
Editions: POINT
Site: http://www.point-editions.com/en/

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Holland: https://boekenplan.nl
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PRIVATION (Missak Manouchian)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
PRIVATION

La question, des amis parfois me la posent:
« Comment vis-tu donc, et comment l’âme ardente
Veux-tu donner force aux cœurs qu’a fui l’espoir ?
Le pain et le besoin sont ton lot pourtant. »

Quand j’erre dans les rues d’une métropole,
Toutes les misères, tous les dénuements,
Lamentation et révolte l’une à l’autre,
Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge.

Je les mêle ainsi à ma souffrance intime,
Préparant avec les poisons de la haine
Un âcre sérum – cet autre sang qui coule
Par tous les vaisseaux de ma chair, de mon âme.

Cet élixir vous semblerait-il étrange ?
Il me rend du moins la conscience du tigre,
Lorsque dents et poings serrés, tout de violence,
Je passe par les rues d’une métropole.

Et qu’on dise de moi: il est fou d’ivresse,
Flux et reflux d’une vision
Ne cessent d’investir mes propres pensées,
Et je me hâte, assuré de la victoire.

(Missak Manouchian)

Recueil: LA POESIE ARMENIENNE Anthologie des origines à nos jours
Traduction: Gérard HEKIMIAN
Editions: Les Editeurs Français Réunis

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Cette plume qui tournoie (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 29 janvier 2024




    
Cette plume qui tournoie

Cette plume qui tournoie
dans l’air calme
un oiseau l’a perdue
pourquoi ?

Quelle blessure
sans violence du vent
l’a détachée
d’un corps intact
ou meurtri ?

Plumes vagabondes
quelles sont vos raisons
ou déraisons
de vous perdre ?

Vous êtes dans l’immobilité
de l’air
le mouvement de l’usure
la légèreté de la mort
dans la pesanteur
du temps

Et quand je vous recueille
je sais la plume que je suis
mais sur quel corps ?

(Robert Mallet)

 

Recueil: Cette plume qui tournoie
Editions: Gallimard

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Braise dans la brume (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2024




    
Braise dans la brume
chaleurs sans brûlure
ondées sans violence
étanchement sans boire
isolement sans distance
réalité sans bien voir
sans avoir à rêver, le rêve

amours de brume et de braise

(Robert Mallet)

 

Recueil: Presqu’îles presqu’amours
Editions: Gallimard

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Paroles — soleil (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2023




    
Paroles — soleil

Broyés par la violence
Minés par la haine
Les corps se rompent
L’âme s’écroule
Le coeur se râpe

Pourtant d’éclipses en éclipses
Enjambant lacunes et lagunes
Rendant arme
Rendant grâce
Sur le sable des mémoires
Les hommes retracent parole d’amour

Parole d’héritage et d’amour
Qu’aucune redite n’érode
Qu’aucun pillage ne décime

Fraîche parole
parmi nos loques

Parmi nos ombres
parole soleil!

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Parce qu’une joue (Léon Gontran Damas)

Posted by arbrealettres sur 11 décembre 2023


cécile-veilhan-cheri-cherie

Parce qu’une joue
en appelle une autre
voici que contre
la mienne
ta joue est là
pour que l’une
et l’autre
en oublient
et pardonnent
toute inutile
violence

(Léon Gontran Damas)

Illustration

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LA BALANCE (Henry Bauchau)

Posted by arbrealettres sur 28 septembre 2023




    
LA BALANCE

Instrument de Beauté première
Que l’art soit la forme et le sel
Où s’incarne le sang du ciel
Dans l’ivresse de la matière.

*

Lourde machine à balancer
Les fardeaux de l’intelligence
Quel amour fera violence
A ta raison décapitée ?

(Henry Bauchau)

Recueil: Poésie complète
Editions: ACTES SUD

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Chanson (Giraut de Borneil)

Posted by arbrealettres sur 20 septembre 2023




    
Chanson

— Hélas, je meurs !
— Qu’as-tu, ami ?
— Je suis trahi !
— Comment cela ?
— Un jour j’ai mis tout mon espoir
Dans les beaux regards d’une Dame.
— C’est pour cela que ton coeur geint ?
— C’est pour cela.
— Ton coeur, l’as-tu laissé au loin ?
— Assurément.
— Es-tu donc si près de la mort ?
— Oui, plus près que je ne peux dire.
— Pourquoi vouloir ainsi mourir ?

— Je suis trop timide et sincère.
— L’as-tu priée ? — Moi ? Par Dieu, non !
— Pourquoi te lamenter si fort
Quand tu ne sais rien de son coeur ?
— Seigneur, elle me fait si peur !
— Comment cela ?

— L’amour d’elle me trouble fort.
— Tu as bien tort.
Crois-tu qu’elle va s’offrir à toi ?
— Non, mais je n’ose m’enhardir.
— Lors, ton mal peut durer longtemps !

— Seigneur, dites, que puis-je faire ?
— Sois bon, courtois.
— Oui, mais encore ?
— Va devant elle sans tarder
Lui faire requête d’amour.
— Et si elle la trouve offensante ?
— Allons, qu’importe !
— Et si sa réponse est méchante ?
— Eh, sois patient,
Toujours la patience triomphe.
— Si le jaloux s’en aperçoit?
— Vous n’en serez que plus rusés.

— Nous ? — Bien sûr !
— Ah, pourvu qu’elle veuille !
— Elle voudra, crois-moi.
— Je vous crois !
— Ta joie vraiment sera doublée
Si tu ne crains pas de parler.
— Seigneur ma douleur est si dure
(elle est mortelle)
qu’il faut part égale pour elle !
— T’aideront donc
Ton audace et ton jugement.
— Et aussi ma bonne espérance.
— Veille à t’expliquer gentement.

— Je ne saurai pas m’exprimer !
— Pourquoi, dis-moi ?
— Je la verrai !
— Tu ne pourras donc lui parler ?
Es-tu à ce point égaré ?
— Oui, quand j’arrive devant elle…
— Tu te défais ?
Oui, je ne suis plus sûr de rien.
– – Tous les amants
Traversent les mêmes misères.
– C’est vrai, je me ferai violence.
_ Bien. Alors, ne perds pas de temps.

– Chacun sait bien
Où l’amour amène les êtres.
Mal vit celui qui meurt d’aimer,
Je sais, je ne peux donc me plaindre !

– Cours au plaisir
Avant que ton secret s’évente.
Ami, ne perds pas ton élan.
Si vulnérable est le bonheur !

(Giraut de Borneil)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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