C’est seulement en vieillissant
que j’ai appris à aimer le silence.
parfois il exalte plus que la musique.
Dans le silence apparaissent des signes frissonnants
et sur les carrefours de la mémoire
tu entends les noms
que le temps a essayé d’étouffer.
Le soir, dans les couronnes des arbres, j’entends même
les coeurs des oiseaux.
Et un soir au cimetière,
j’ai entendu comme au fond d’une tombe
craquait le cercueil.
(Jaroslav Seifert)
Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud
Sentir qu’on est Quelqu’un
Équivaut à conduire
Son propre corbillard en quelque sorte —
La destination est claire.
Je ne veux pas être
La peau du fruit
Ni la chair
Ni même la graine,
Qui ne ferait que devenir un autre
Fruit bien portant
Le secret celé à l’intérieur de la graine
Devient mon besoin, et ainsi,
Je me réduis au néant
À l’intérieur de la graine.
Au début il fait froid,
Je frissonne,
Plus tard arrive une touche de vérité,
Un ferment dans les ténèbres,
Et enfin une lumière qui agace.
Pour l’heure c’est assez
Que je sois libre
D’être le Moi en qui je suis,
Qui n’est pas Quelqu’un —
Pas, en tout cas,
L’ego mortel,
Mais l’oeil de l’oeil
Qui s’efforce de voir
(Nissim Ezekiel) (1924-2004)
Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard
Tout-à-coup la porte s’ouvrit comme d’elle-même à deux
battants,
et l’on vit paraître la Fée.
Les fleurs tombèrent à ses genoux en versant des larmes,
mais elle les releva avec bonté.
—Entrez, leur dit-elle, pauvres enfants,
venez reprendre auprès de moi la place que vous n’auriez jamais dû quitter.
Pas une qui ne revît avec délice, les lieux où elle était née,
pas une qui ne se rappelât avec une terreur mêlée de honte,
les heures qu’elle avait passées sur la terre.
La Pensée maudissait les hommes qui, à l’envi les uns des autres,
semblaient se faire un plaisir de la repousser.
L’Aubépine frissonnait en pensant au sécateur.
La Tulipe se demandait comment elle avait pu s’habituer aux ennuis du sérail.
L’Églantine tremblait intérieurement, qu’en punition de son escapade,
la Fée ne la forcit à lire les livres qu’elle avait composés
du temps qu’elle figurait parmi les bas-bleus.
Mes filles, [dit la Fée], je pourrais vous faire de la morale, mais je m’en dispense.
Je lis au fond de votre coeur et je vois qu’il vous adresse lui-même une semonce
que toutes les miennes ne vaudraient peut-être pas.
Vous vous contenterez désormais d’être fleurs, j’en suis certaine,
si cependant quelqu’une d’entre vous voulait devenir femme tout-à-fait,
elle n’a qu’à le dire.
Je donne ma parole de Fée que son souhait sera exaucé à l’instant.
Un silence universel accueillit cette proposition.
Maintenant, reprit la Fée, allez vous reposer.
Demain commenceront les fêtes par lesquelles je veux célébrer votre retour.
Les fleurs crièrent: Vive la Fée!
et défilèrent devant elle.
Il y eut un baise-main général.
Je te narine je te chevelure
je te hanche
tu me hantes
je te poitrine je buste ta poitrine puis te visage
je te corsage
tu m’odeur tu me vertige
tu glisses
je te cuisse je te caresse
je te frissonne tu m’enjambes
tu m’insupportable
je t’amazone
je te gorge je te ventre
je te jupe
je te jarretelle je te bas je te Bach
oui je te Bach pour clavecin sein et flûte
je te tremblante
tu me séduis tu m’absorbes
je te dispute
je te risque je te grimpe
tu me frôles
je te nage
mais toi tu me tourbillonnes
tu m’effleures tu me cernes
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerines rouges
et quand tu ne haut-talon pas mes sens
tu les crocodiles
tu les phoques tu les fascines
tu me couvres
je te découvre je t’invente
parfois tu te livres
tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dents je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues et te veines
je te mains
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps et te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris