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Posts Tagged ‘ironie’

Les grands lys pâles (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    

Les grands lys pâles

Songez au sourire pâle des grands lys dans la nuit.
Ils ont des faces tristes et de beaux airs penchés ;
Leur regard s’allonge en lueur douce et poursuit
Ceux qui marchent dans le jardin le front penché.

Songez que les grands lys écoutent les paroles
Qui sortent des abîmes où sommeillent les cœurs.
Ils tendent comme des oreilles leurs corolles
Et ils n’oublient jamais le murmure des cœurs.

Ils écoutent si bien qu’ils entendent le silence ;
Ils entendent le bruit du sang dans les artères,
Ils entendent les épaules frissonner en silence.
Ils entendent ce qu’on fait et qu’on voudrait taire.

Les lys aux faces tristes entendent les dentelles
Que le vent et la vie gonflent sur les corsages,
Ils entendent les cheveux doux comme des dentelles
Qu’un souffle agite et tourmente en signe d’orage.

Les lys aux faces tristes regardent dans la nuit ;
Ils voient lorsque les mains se rapprochent tremblantes
D’avoir osé s’unir un instant dans la nuit,
Et leur sourire a des ironies complaisantes,

Car ils savent ce qu’ignorent les hommes et les femmes
Et ils pourraient prédire aux âmes leurs destins
Et enseigner aux hommes à lire le cœur des femmes :
Songez aux grands lys pâles indulgents et divins.

(Rémy de Gourmont)

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LA MONTRE (Théophile Gautier)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
LA MONTRE

Deux fois je regarde ma montre,
Et deux fois à mes yeux distraits
L’aiguille au même endroit se montre ;
Il est une heure… une heure après.

La figure de la pendule
En rit dans le salon voisin,
Et le timbre d’argent module
Deux coups vibrant comme un tocsin.

Le cadran solaire me raille
En m’indiquant, de son long doigt,
Le chemin que sur la muraille
A fait son ombre qui s’accroît.

Le clocher avec ironie
Dit le vrai chiffre et le beffroi,
Reprenant la note finie,
A l’air de se moquer de moi.

Tiens ! la petite bête est morte.
Je n’ai pas mis hier encor,
Tant ma rêverie était forte,
Au trou de rubis la clef d’or !

Et je ne vois plus, dans sa boîte,
Le fin ressort du balancier
Aller, venir, à gauche, à droite,
Ainsi qu’un papillon d’acier.

C’est bien de moi ! Quand je chevauche
L’Hippogriffe, au pays du Bleu,
Mon corps sans âme se débauche,
Et s’en va comme il plaît à Dieu !

L’éternité poursuit son cercle
Autour de ce cadran muet,
Et le temps, l’oreille au couvercle,
Cherche ce coeur qui remuait ;

Ce coeur que l’enfant croit en vie,
Et dont chaque pulsation
Dans notre poitrine est suivie
D’une égale vibration,

Il ne bat plus, mais son grand frère
Toujours palpite à mon côté.
– Celui que rien ne peut distraire,
Quand je dormais, l’a remonté !

(Théophile Gautier)

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Le chant perdu (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 16 décembre 2023



Illustration: Joan Miro
    
Le chant perdu

Nous voici,
Captifs des mêmes mots, en retard sur l’image,
Puisant à la même eau,
Au fond des mêmes citernes verdies ;
Confondus d’avoir perdu le chant,
Brandissant, par raison, la fleur d’ironie.

Déformés par nos jeux, ignorés par les cygnes,
Trahissant l’homme qui n’est rien de fini.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Prendre corps (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2023



    

Illustration: Pascal Renoux

Prendre corps
(extrait)

je te flore
tu me faune

je te peau
je te porte
et te fenêtre
tu m’os
tu m’océan
tu m’audace
tu me météorite

je te clé d’or
je t’extraordinaire
tu me paroxysme

Tu me paroxysme
et me paradoxe
je te clavecin
tu me silencieusement
tu me miroir
je te montre

tu me mirage
tu m’oasis
tu m’oiseau
tu m’insecte
tu me cataracte

je te lune
tu me nuage
tu me marée haute
je te transparente
tu me pénombre
tu me translucide
tu me château vide
et me labyrinthe
tu me parallaxes
et me parabole
tu me debout
et couché
tu m’oblique

je t’équinoxe
je te poète
tu me danse
je te particulier
tu me perpendiculaire
et soupente

tu me visible
tu me silhouette
tu m’infiniment
tu m’indivisible
tu m’ironie

je te fragile
je t’ardente
je te phonétiquement
tu me hiéroglyphe
tu m’espace
tu me cascade
je te cascade
à mon tour mais toi

tu me fluide
tu m’étoile filante
tu me volcanique

nous nous pulvérisable
Nous nous scandaleusement
jour et nuit
nous nous aujourd’hui même
tu me tangente
je te concentrique

tu me soluble
tu m’insoluble
en m’asphyxiant
et me libératrice
tu me pulsatrice
pulsatrice
tu me vertige
tu m’extase
tu me passionnément
tu m’absolu

je t’absente

tu m’absurde

je te marine
je te chevelure
je te hanche

tu me hantes

je te poitrine
je buste ta poitrine
puis ton visage
je te corsage

tu m’odeur
tu me vertige
tu glisses

je te cuisse
je te caresse
je te frissonne

tu m’enjambes
tu m’insupportable

je t’amazone
je te gorge
je te ventre
je te jupe
je te jarretelle
je te peins
je te bach
pour clavecin
sein
et flûte
je te tremblante

tu m’as séduit
tu m’absorbes

je te dispute
je te risque
je te grimpe

tu me frôles
je te nage
mais toi

tu me tourbillonnes
tu m’effleures
tu me cerne
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerine rouge
et quand tu ne haut talon pas mes sens
tu es crocodile
tu es phoque
tu es fascine
tu me couvres

et je te découvre
je t’invente
parfois
tu te livres

tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dent je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine
je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues je te veines

je te main
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps je te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris

je t’écris
tu me penses

(Ghérasim Luca)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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Avant l’instant (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2023



Illustration : Energie Noire 
    
Avant l’instant,

Avant l’effraction, la fracture,
Avant la matière sombre des âges,
Avant l’azur des jours et des nuits,
Rien que l’énergie noire.

Avant le secret,
Avant le gong du silence, la blessure,
Avant la résurgence des mystères,
Avant le palimpseste des métaphores,
Rien que l’énergie noire.

Avant l’inconnu,
Avant l’abîme à naître, la brûlure,
Avant la mise en ordre du chaos,
Avant le nom même du néant,
Rien que l’énergie noire.

Avant l’effroi,
Avant l’incendie sans ravage, la démesure,
Avant le déluge aride,
Avant la forge implacable des destinées,
Rien que l’énergie noire.

Avant la perte,
Avant la dépense sans retour, l’aventure,
Avant la part souveraine et maudite,
Avant l’insoutenable beauté,
Rien que l’énergie noire.

Avant la fable,
Avant l’hypothèse de Dieu, l’augure,
Avant le battement de paupières du désastre,
Avant l’ironie de tout cela,
Rien que l’énergie noire.

Avant le réel,
Avant le swing de la raison, la rature,
Avant l’idée du compte à rebours,
Avant le premier zéro,
Rien que l’énergie noire.

Avant la vision,
Avant l’agonie de l’origine, l’obscure,
Avant le continuum des limbes,
Avant l’écoute calcinée des nébuleuses,
Rien que l’énergie noire.

Rien que le rien,
Rien que l’autre versant,
Rien que l’autre rive,
Rien que le bord à bord de l’absence,
Rien que l’énergie noire.

(André Velter)

Recueil: Séduire l’univers précédé de à contre peur
Editions: Gallimard

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L’Orgueil (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 9 juillet 2023




    
L’Orgueil

Vos mépris ne m’atteignent pas,
Vos paroles non plus,
Votre ironie m’amuse
Et vos talents divers me laissent
Indifférent.

Vous barbouillez quand je dessine,
Vous balbutiez quand j’écris.

Je suis requin, je glisse
Très au-dessus de vos jardins
D’éponges.

Le silence est mon royaume,
Je m’y dresse tout seul,
Habillé de cristal,
Fragile,
Indestructible,
Mais tellement plus haut que vous,
Dur comme le diamant.

Je vous contemple de très haut,
Je suis le compagnon des aigles,
Votre dédain ne m’atteint pas,
Ni vos silences.

Je suis tout habillé d’amiante,
Je sais piétiner vos fournaises,
En ressortir vivant
Plus étincelant que jamais,
Superbe.

Vous n’êtes rien pour moi
Que des guerriers de givre.

Vos louanges, vos symphonies
Ne sont qu’un peu de vent pour moi,
Je tournoie tout seul
En plein ciel.

Je vous survole.

JE VOUS IGNORE.

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

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Premier adieu (Friedrich Nietsche)

Posted by arbrealettres sur 31 décembre 2022




Premier adieu

Les étoiles s’avancent tristement
au ciel nu
les vents demandent avec détresse,
pourquoi je suis si calme.

Et la fenêtre déverse
l’éclat de la pleine lune,
ô rayons chéris, apaisez
mon coeur et sa peine !

Je ne sais si je dois rire, plaisanter,
ou pleurer ici —
mes yeux sont emplis de douleur
mais aussi d’ironie amère.

Et mes mains passent
ici et là presque en tremblant,
et mes pensées s’élargissent
à l’infini comme une mer.

J’ai entendu tinter les cloches
brièvement vers minuit.
Cela veut dire à présent pour moi
qu’on a fait une tombe.

On a enterré une année,
le nouvel an s’annonce.
On a enterré mon coeur,
et nul ne s’est enquis de moi.

(Friedrich Nietsche)

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L’ironie de la solitude (Rupi Kaur)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2021




    
l’ironie de la solitude
c’est que nous l’éprouvons tous en même temps

– ensemble
(Rupi Kaur)

 

Recueil: Le soleil et ses fleurs
Traduction: traduction de l’anglais (Canada) Sabine Rolland
Editions: NiL

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Qui souffre en moi (Marie Le Franc)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2020



 

Kathryn Jacobi _Habanera1

Qui souffre en moi

Qui souffre en moi, la bête ou l’ange?
Pour mes blessures, je voudrais
Pouvoir cueillir le disque frais
De la lune au sein de la fange.

Comme la chaîne d’un vieux puits,
Les maux rouillés grincent de rage;
Mon corps est un jardin sauvage
Où galopent les loups de la nuit.

Mais quand j’appelle, ou que je crie
Au secours, comme un chat retors
Qui reflète dans ses yeux d’or
Une nonchalante ironie,

Mon coeur a pris la clef des champs,
Libre à son tour, et le navire
Du corps pesant lentement vire,
Dans l’eau bourbeuse jusqu’aux flancs.

(Marie Le Franc)

Illustration: Kathryn Jacobi

 

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L’HUMOUR JUSQU’AUX DÉTAILS ⸮ (Françoise Coulmin)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2020



Illustration: Marilyne Bertoncini
    
L’HUMOUR JUSQU’AUX DÉTAILS ⸮

Est-ce un point d’ironie
ou bien
un point d’interrogation à l’envers

Bouche d’aération
résumant bien inconsciemment
jusque dans les détails du quotidien
l’humeur
l’humour
d’un orgueil toujours juste

Se demander comment va la précipitation
vers le néant

Maudire sans rire
tous ces grands prédateurs

Se moquer de ses petits malheurs
et de ses grands soucis.

(Françoise Coulmin)

 

Recueil: DE QUOI SE SOUVENIR ?
VAGABONDAGES dans BUCAREST À l’occasion du FESTIVAL INTERNATIONAL DE POÉSIE mai 2019
Traduction:
Editions:

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