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Poésie

Posts Tagged ‘pendule’

Dialogue entre moi et moi (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




    
Dialogue entre moi et moi

Je t’ai dit:
– J’ai fléchi
Et tu as dit:
– Ne t’en fais pas.
Déçois-toi tranquillement.
Accepte sereinement
la pendule arrêtée.
Désespère-toi raisonnablement
de ce qu’elle soit pourtant remontée
de ce que ton temps à toi fonctionne ainsi.
Et si soudain
l’un des aiguilles vient à bouger,
ne te risque pas à te réjouir.
Ce mouvement ne sera pas du temps.
Mais de certains esprits le faux témoignage.
Descends sérieusement,
détrône-toi sobrement
passant par tes mille fenêtres.
Pour un peut-être tu les as ouvertes.
Et puis oublie-toi joyeusement.
Ce que tu avais à dire,
sur l’automne, les chants du cygne,
les souvenirs, canaux des amours,
les heures qui s’entretuent,
la fiabilité des statues,
ce que tu avais à dire
sur ceux qui peu à peu fléchissent,
tu l’as dit.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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LA MONTRE (Théophile Gautier)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
LA MONTRE

Deux fois je regarde ma montre,
Et deux fois à mes yeux distraits
L’aiguille au même endroit se montre ;
Il est une heure… une heure après.

La figure de la pendule
En rit dans le salon voisin,
Et le timbre d’argent module
Deux coups vibrant comme un tocsin.

Le cadran solaire me raille
En m’indiquant, de son long doigt,
Le chemin que sur la muraille
A fait son ombre qui s’accroît.

Le clocher avec ironie
Dit le vrai chiffre et le beffroi,
Reprenant la note finie,
A l’air de se moquer de moi.

Tiens ! la petite bête est morte.
Je n’ai pas mis hier encor,
Tant ma rêverie était forte,
Au trou de rubis la clef d’or !

Et je ne vois plus, dans sa boîte,
Le fin ressort du balancier
Aller, venir, à gauche, à droite,
Ainsi qu’un papillon d’acier.

C’est bien de moi ! Quand je chevauche
L’Hippogriffe, au pays du Bleu,
Mon corps sans âme se débauche,
Et s’en va comme il plaît à Dieu !

L’éternité poursuit son cercle
Autour de ce cadran muet,
Et le temps, l’oreille au couvercle,
Cherche ce coeur qui remuait ;

Ce coeur que l’enfant croit en vie,
Et dont chaque pulsation
Dans notre poitrine est suivie
D’une égale vibration,

Il ne bat plus, mais son grand frère
Toujours palpite à mon côté.
– Celui que rien ne peut distraire,
Quand je dormais, l’a remonté !

(Théophile Gautier)

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Je, d’un accident ou d’amour (Loïc Demey)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2023



    

Je, d’un accident ou d’amour
(extrait)

Soir premier
On se chez moi, on s’appréhension.
Elle se cheveux déliés, je me chemise légèrement
déboutonnée. On se distance respectable pour le moment,
on se musique de chambre sans danse de salon.
La pendule se tic-tac, je me tactique : je la cil et voeu
en frôlement de joue. Elle me sourire puis se soupirs.
On ne se mensonges pas. Elle et Martin, Delphine
et je. Mais nous, ici et uniquement. On se silencieusement,
on se délices de l’instant.
Elle se saphir dans le regard, paupières précieuses
et clignements.
Je la lèvres. Enfin.

[…]

(Loïc Demey)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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La pendule — Quelle heure est-il? (Marina Tsvetaeva)

Posted by arbrealettres sur 1 octobre 2023




    
La pendule — Quelle heure est-il?
A déjà sonné !
Creux immenses de vos yeux,
Votre robe à reflets de satin…
Je vous vois à peine,
À peine, à peine.

Au perron de la maison voisine
— Lumière éteinte.
Quelque part, l’amour à la folie !
Le dessin de votre visage
Me fait peur.

La chambre est presque noire,
Nuit unique !
Le clair de lune à la fenêtre
Profonde ressemble
À de la glace.

— Vous vous êtes rendue ? C’est la question.
— Je n’ai pas lutté.
La voix est glacée par la lune,
Venue de très loin,
C’est bien cette voix-là !

Le rayon de lune dressé entre nous
Dirige le monde.
Éclat de cheveux fous,
Foncés et roux,
Brillant tel du métal.

Oubliée la course de l’histoire
Dans la course lunaire.
Le miroir brise la lune,
Les fers des chevaux tintent au loin
La charrette grince.

Le réverbère est éteint.
La course est ralentie.
Bientôt le coq chantera
La séparation
De deux jeunes femmes.

(Marina Tsvetaeva)

Recueil: Poèmes de Russie (1912-1920) suivi de La Porte arrachée par Marina
Traduction: Véronique Lossky & Georges Nivat
Editions: Des Syrthes

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CE SOUVENIR (Pierre Reverdy)

Posted by arbrealettres sur 30 août 2023




    

Illustration: ArbreaPhotos

CE SOUVENIR

Je t’ai vu
Je t’ai vu au fond devant le mur
J’ai vu le trou de ton ombre sur le mur
Il y avait encore du sable
Et tes pieds nus
La trace de tes pieds qui ne s’arrêtait plus
Comment t’aurais-je reconnu
Le ciel tenait tout le fond tout l’espace
Un peu de terre en bas qui brillait au soleil
Encore un peu de place
Et la mer
L’astre est sorti de l’eau
Un navire passait volant bas
Un oiseau
La ligne à l’horizon d’où venait le courant
Les vagues mouraient en riant
Tout continue
On ne sait pas où finira le temps
Ni la nuit
Tout est effacé par le vent
On chante autrement
On parle avec un autre accent
Je reconnais des yeux qui sont restés vivants
Et la pendule qui sonnait dans la chambre
Une heure en retard
Le matin vert qui vient quand on n’a pas dormi
Ii y a un gai ruisseau d’eau claire et d’autres cris
Devant la porte une silhouette qui disparaît
Un visage dans la lumière
Et au milieu de tout ce qui vit et se réveille
La même et seule voix qui persiste
dans mon oreille

(Pierre Reverdy)

Recueil: Main d’oeuvre 1913-1949
Editions: Gallimard

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L’OUBLI (Mohammed Dib)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2023



    

L’OUBLI

Il y avait une table.
Il y avait des chaises.

Et il oublia quoi.
Il retenait son souffle.

Il y avait une pendule.
Il y avait un buffet.

Il y avait une fenêtre.
Des oiseaux y passaient.

Il leva les yeux.
Il les vit passer.

(Mohammed Dib)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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RETOUCHE A LA MÉLANCOLIE (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2023



RETOUCHE A LA MÉLANCOLIE

L’amour garde la chambre
et ceux qu’il a mis au monde
observent la pendule
dont les étoiles tombent
prises du haut mal
qui vide le ciel.

(Daniel Boulanger)

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L’Américain à Tokyo avec sa pendule cassée (Richard Brautigan)

Posted by arbrealettres sur 4 janvier 2023




    
L’Américain à Tokyo avec sa pendule cassée
Pour Shiina Takako

Les gens me regardent —
Ils sont des millions.
pourquoi cet étrange Américain
arpente-t-il les rues du début de soirée
tenant une pendule cassée
à la main ?
Est-il réel ou n’est-il qu’une illusion ?
Comment la pendule s’est cassée, peu importe.
Les pendules se cassent.
Tout se casse.
Les gens nous regardent moi et la pendule cassée
que je tiens comme un rêve

dans mes mains.

*
L’américain à Tokyo avec sa pendule cassée / suite
Pour Shiina Takako

C’est incroyable le nombre de
personnes que l’on rencontre quand on
transporte une pendule cassée à Tokyo.

Aujourd’hui je transportais la pendule
à nouveau, essayant de la remplacer
à l’identique.
La pendule n’était plus du tout réparable.

Toutes sortes de gens s’intéressaient
à la pendule. De parfaits inconnus sont venus me voir
pour se renseigner sur la pendule en japonais
bien sûr
et j’acquiesçais : oui, j’ai une pendule cassée.

Je l’ai emportée au restaurant et les gens
se sont rassemblés autour. Je recommande de
transporter une pendule cassée toutes les fois où vous
voulez rencontrer de nouveaux amis. Je pense que ça
marcherait n’importe où dans le monde.

Si vous voulez aller en Islande
et rencontrer les gens, emportez
une pendule cassée.
Ils se rassembleront comme des mouches.

***

The American in Tokyo with a Broken Clock
For Shiina Takako

People stare at me —
There are millions of them.
Why is this strange American
walking the streets of early night
carrying a broken clock
in his hands?
Is he for real or is he just an illusion?
How the clock got broken is not important.
Clocks break.
Everything breaks.
People stare at me and the broken clock
that I carry like a dream

in my hands.

*

The American Carrying a Broken Clock in Tokyo Again
For Shiina Takako

It is amazing how many people you
meet when you are carrying a
broken clock around in Tokyo.

Today I was carrying the broken clock
around again, trying to get an exact
replacement for it.
The clock was far beyond repair.

All sorts of people were interested
in the clock. Total strangers came up to me
and inquired about the clock in Japanese
of course
and I nodded my head: Yes, I have a broken clock.

I took it to a restaurant and people gathered
around. I recommend carrying a broken clock
with you at all times if you want to meet new
friends. I think it would work anyplace in the world.

If you want to got to Iceland
and meet the people, take
a broken clock with you.
They will gather around like flies.

(Richard Brautigan)

 

Recueil: C’est tout ce que j’ai à déclarer Oeuvres poétiques complètes
Traduction: Thierry Beauchamp, Frédéric Lasaygues et Nicolas Richard
Editions: Le Castor Astral

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LA NUIT, quand le pendule de l’amour balance (Paul Celan)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2021



Illustration: Marc Chagall

    

LA NUIT, quand le pendule de l’amour balance
entre Toujours et Jamais,
ta parole vient rejoindre les lunes du coeur
et ton oeil bleu
d’orage tend le ciel à la terre.

D’un bois lointain, d’un bosquet noirci de rêve
l’Expiré nous effleure
et le Manqué hante l’espace,
grand comme les spectres du futur.

Ce qui maintenant s’enfonce et soulève
vaut pour l’Enseveli au plus intime :
embrasse, aveugle, comme le regard que
nous échangeons, le temps sur la bouche.

(Paul Celan)

Recueil: Choix de poèmes
Traduction: Jean-Pierre Lefebvre
Editions: Gallimard

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Je me rappelle fort bien une autre jeune fille (Hugo von Hofmannsthal)

Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2020



    

Je me rappelle fort bien une autre jeune fille
[…]
Mais il me paraît si invraisemblable
que j’aie pu être cette petite Resi
et que je serai un jour une vieille femme.
[…]
Comment ces choses-là arrivent-elles ?
Comment le bon Dieu peut-Il faire cela ?
Alors que moi, je reste toujours la même.
Et s’il faut qu’il agisse ainsi, pourquoi me laisse-t-Il le voir en spectatrice,
avec une aussi nette perception ? Pourquoi ne me le cache-t-Il pas ?
Tout cela est mystérieux, si profondément mystérieux
[…]
Je suis d’une humeur où je ressens très fortement
la fragilité de toutes les choses de ce monde.
Je sens jusqu’au fond du coeur, que l’on ne doit rien garder,
que l’on ne peut rien saisir, que tout nous coule entre les doigts,
que tout ce que nous cherchons à prendre se dissout,
que tout s’évanouit comme une vapeur ou un rêve.
[…]
Le temps, c’est une chose étrange.
Tant qu’on se laisse vivre, il ne signifie absolument rien du tout.
Et puis, brusquement,
on n’est plus conscient de rien d’autre.
Il est tout autour de nous. Il est même en nous.
Il ruisselle sur nos visages, il ruisselle sur le miroir,
il coule entre mes tempes.
Et, entre toi et moi,
il coule encore, sans bruit, comme un sablier.
Oh, Quinquin ! Parfois, je l’entends qui coule— irrémédiablement.
Parfois, je me lève, au milieu de la nuit
et j’arrête toutes les pendules, toutes.

(Hugo von Hofmannsthal)

    

Recueil: Le chevalier à la rose
Traduction:
Editions:

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