Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘charrette’

SI VOIR EXISTE À PEINE (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2024




    
SI VOIR EXISTE À PEINE

Par chaque tour de roue avec son grincement
la charrette qui vient vers toi chargée de foin
te calme et te fait mal
on dirait que tu pèses en un moment beaucoup plus lourd
car elle traîne après elle tout l’été
que tu regardais passer enfant sans le voir
et c’est maintenant que tu vois
mais ça n’est plus lui ça n’est plus toi
rien qu’une odeur de foin un grincement de roue
dans un pays qui est ailleurs une autre vie
que veut dire oublier si voir existe à peine

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

SOIF (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



    

SOIF

I
Le jour où un semeur invisible arracha
les racines des fourmilières
avec tout le blé caché dedans
et les jeta dans le ciel,
le disque du soleil ternit
et je compris soudain
que je n’étais plus la fille de personne.

L’absence a la capacité
de dilater les espaces orphelins,
de soulever les plafonds,
d’élargir les escaliers.
La maison où je suis née grandit,
et je ne sais que faire
avec ce vide.

Et pendant que je reste sur le seuil
un cadenas dans la main
pareille à une étrangère
qui ne se souvient pas
des mots d’adieu,
un rayon de soleil se faufile tel un voleur
parmi les orties au fond du jardin
et dépose une clé brûlante
sur la carcasse de la tortue :
la nouvelle hôtesse de la maison.

II
Une autre saison est venue,
le disque du soleil a émergé
vert par les blés drus.
Il a mûri longtemps
et quand il est devenu pain rituel
au-dessus de la colline
les invités se sont assis
autour de la table sous la treille.

Soudain un tourbillon est descendu,
a soulevé la nappe
et renversé les verres
jusqu’à la dernière goutte.
La fiancée de Dieu est revenue,
a dit quelqu’un tout bas,
et elle a très soif.
Ou bien elle cherche son trousseau,
a ajouté un autre
qui fait vite le signe de la croix
en montrant la table nue.

Et puis le calme.

Seule la poule, ayant pondu un œuf d’or,
a caqueté longtemps dans l’après-midi figé.
Un souffle chaud a remué
les fleurs du fenouil,
une charrette vide
a résonné dans la rue.
Et tout était comme jadis,
avant que maman soit devenue
une hirondelle.

Si ce n’était les fourmilières
dans mes yeux
qui continuent à prendre racine
dans une direction inverse
de celle des larmes.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

POINT DU JOUR (Daniel Lander)

Posted by arbrealettres sur 9 décembre 2023



La-charrette-du-potier [800x600]

POINT DU JOUR

Dans le matin d’Aubervilliers
un vieil homme au regard aveugle
tire sa charrette légère
où brûle un tombereau d’étoiles

(Daniel Lander)

Illustration

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

MÉDITATION DU VIEUX PÊCHEUR (William Butler Yeats)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2023



Illustration: Flo DS
    
MÉDITATION DU VIEUX PÊCHEUR

Ô vagues qui dansez à mes pieds comme des enfants qui jouent
Vous lancez vos éclairs furtifs et vos flèches, vous savez ronronner ;
Mais aux juins plus chauds d’autrefois les vagues étaient plus gaies ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

Le hareng ne vient plus comme autrefois dans les courants;
Quelle tristesse ! comme craquait la bourriche dans la charrette
Qui ramenait la pêche au marché de Sligo ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

Et vous, fière jeune fille, vous n’êtes plus si belle
Quand sur l’eau retentit son aviron, que les fières et solitaires
Qui le soir près des filets marchaient sur les galets ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

***

THE MEDITATION OF THE OLD FISHERMAN

You waves, though you dance by my feet like children ai play,
Though you glow and you glance, though you purr and you dart;
In the Junes that were warmer than these are, the waves were more gay,
When I was a boy with never a crack in my heart.

The herring are not in the tides as they were of old;
My sorrow! for many a creak gave the creel in the can
That carried the take to Sligo town to be sold,
When I was a boy with never a crack in my heart.

And ah, you proud maiden, you are not so fair when his oar
Is heard on the water, as they were, the proud and apart,
Who paced in the eve by the nets on the pebbly shore,
When I was a boy with never a crack in my heart.

(William Butler Yeats)

Recueil: La Rose et autres poèmes
Traduction; de l’anglais (Irlande) par Jean Briat
Editions: POINTS

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La pendule — Quelle heure est-il? (Marina Tsvetaeva)

Posted by arbrealettres sur 1 octobre 2023




    
La pendule — Quelle heure est-il?
A déjà sonné !
Creux immenses de vos yeux,
Votre robe à reflets de satin…
Je vous vois à peine,
À peine, à peine.

Au perron de la maison voisine
— Lumière éteinte.
Quelque part, l’amour à la folie !
Le dessin de votre visage
Me fait peur.

La chambre est presque noire,
Nuit unique !
Le clair de lune à la fenêtre
Profonde ressemble
À de la glace.

— Vous vous êtes rendue ? C’est la question.
— Je n’ai pas lutté.
La voix est glacée par la lune,
Venue de très loin,
C’est bien cette voix-là !

Le rayon de lune dressé entre nous
Dirige le monde.
Éclat de cheveux fous,
Foncés et roux,
Brillant tel du métal.

Oubliée la course de l’histoire
Dans la course lunaire.
Le miroir brise la lune,
Les fers des chevaux tintent au loin
La charrette grince.

Le réverbère est éteint.
La course est ralentie.
Bientôt le coq chantera
La séparation
De deux jeunes femmes.

(Marina Tsvetaeva)

Recueil: Poèmes de Russie (1912-1920) suivi de La Porte arrachée par Marina
Traduction: Véronique Lossky & Georges Nivat
Editions: Des Syrthes

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La plaine, les vallons plus loin (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2023



Illustration: Catherine Guéry
    
La plaine, les vallons plus loin,
Les bois, les fleurs des champs,

Les chemins, les villages,
Les blés, les betteraves,

Le chant du merle et du coucou,
L’air chaud, les herbes, les tracteurs,

Les ramiers sur un bois,
Les perdrix, la luzerne,

L’allée des arbres sur la route,
La charrette immobile,

L’horizon, tout cela
Comme au creux de la main.

(Eugène Guillevic)

Recueil: Les mots en Fête 1
Traduction:
Editions: Fernand Nathan

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Depuis trois jours sévit une ardente canicule (Laoshu)

Posted by arbrealettres sur 26 juin 2023



Illustration: Laoshu
    

Depuis trois jours sévit une ardente canicule,
La vie dans la capitale est insupportable.
En allant au travail, je rencontre un colporteur,
De ma poche, je tire une pièce et lui achète une pêche.
Je la mords à pleines dents, en savoure la douceur
Et admire sa couleur enchanteresse.
Le pêcher en avait donné trois livres,
Hélas, la charrette a déjà franchi le pont de la porte de Ji.

(Laoshu)

Recueil: Un monde simple et tranquille
Traduction: du chinois par Jean-Claude Pastor
Editions: Philippe Picquier

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

Lourde de silence (Georges Drano)

Posted by arbrealettres sur 21 mars 2023


charrette_source-punching.blog.lemonde.fr

Tirer une parole
après l’autre

d’une charrette
lourde de silence.

(Georges Drano)

Posted in poésie | Tagué: , , , , | Leave a Comment »

La course grinçante de la charrette (Chen Zilong)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2022




Illustration: Shan Sa
    
La course grinçante de la charrette

La vieille charrette pousse ses lamentations stridentes le long du chemin ocre
Et laisse derrière elle des sillons de poussière dans le soir venu.
Un couple l’encadre d’efforts ; il pousse, elle tire.
Où conduiront leurs pas lourds qui les éloignent du foyer ?
La faim ne se laisse pas tromper par les feuilles d’orme que nous mangeons.
Nous espérons une terre qui nous donnera un peu de riz.
La main glacée du vent agite les joncs desséchés.
Mais voilà que surgit au loin une ancienne demeure.
Ils auront peut-être gardé pour l’étranger un coin de table.
La porte est muette, la salle est vide, le feu et la marmite absents.
Ils hésitent sur le seuil ouvert de la route désertée ;
Une pluie de larmes inonde leurs joues creuses.

(Chen Zilong)

(1608-1647)

 

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LA ROUTE (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2022




LA ROUTE

Les nuages de poussière se soulèvent.
Les cailloux se brisent.
Les claquements de fouets, des hennissements,
des grincements de charrettes montent de la route.
J’ai entendu des essieux gémir,
des jurons et des malédictions,
des chagrins d’enfants et des cris de mères,
des abois et des meuglements,
des complaintes et des prières.
Mais je n’ai rien vu.
Interrogés, les vieux ont eu des regards mystérieux et,
baissant la voix m’ont dit:
« C’est l’Ancien Temps qui passe ».

(Jean-Baptiste Besnard)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , | 9 Comments »