Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘ardent’

Aimée à jamais (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024




Illustration: Rubens
    
Aimée à jamais

[…]

Mon amour c’est ma bien-aimée adorée
et ma bien-aimée est à adorer dans ma bien-aimée
et j’adore l’adorée, l’ardente, la toujours-adorée,
la partout-odorante, je l’adore, j’adore son odeur,
ce tout et ce non-tout éventés par ma bien-aimée partout
et cette aimantation adorée qui est son non-ventre adoré,
adorant et amoureusement fabriqué en or
fabriqué dans l’âge d’or fabriqué de mon Amour,
comme un grand trou vide troué dans un grand trou à vider
jusqu’à la fin des âges.

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

NOCTURNE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2024



Illustration: William Blake
    
NOCTURNE

Le soleil descend â l’Ouest,
L’étoile du soir brille,
Les oiseaux font silence en leur nid
Et moi aussi je cherche mon gîte.
La lune, comme une fleur
Dans le grand buisson du ciel,
Se dresse au-dessus de la nuit
Et sourit, dans une silencieuse extase.

Adieu vertes prairies, adieu joyeux bosquets
Où les troupeaux ont folâtré,
Où les agneaux broutaient.
Les pieds des anges brillants glissent sans bruit,
Invisibles ils répandent sans cesse
Bienfaits et joie
Sur chaque bouton, sur chaque fleur
Dans chaque poitrine endormie.

Ils se penchent sur chaque nid sans souci
Où les oiseaux sont chaudement pelotonnés
Et visitent les tanières des bêtes
Pour toutes les préserver du mal.
S’ils découvrent quelque souffrance
Qui aurait dû être engourdie,
Ils versent le sommeil sur cette tête
Et s’assoient près de cette couche.

Quand les loups et les tigres hurlent de faim,
Ils sont pleins de pitié et pleurent,
Cherchant à éloigner cet ardent désir
Et à les écarter des brebis.
Mais s’ils bondissent, terribles,
Les anges attentifs
Accueillent les douces victimes
Pour leur ouvrir de nouveaux mondes.

C’est là que verseront des larmes d’or
Les yeux vermeils du lion
Qui aura pitié des faibles plaintes
Et tournera autour du troupeau
Et dira : « Sa douceur chasse la colère
Et sa santé
Chasse la maladie
De notre immortelle lumière. »

Et près de toi, bêlant agneau,
Je peux m’étendre et dormir
Ou penser à Celui qui porta ton nom
Et paître avec toi et pleurer.
Car, purifiée dans la rivière de vie
Ma crinière à jamais éblouissante
Resplendira comme l’or,
Pendant que je veillerai sur le troupeau.

***

Night

The sun descending in the west,
The evening star does shine;
The birds are silent in their nest.
And I must seek for mine.
The moon, like a flower
In heaven’s high bower,
With silent delight
Sits and smiles on the night.

Farewell, green fields and happy grove,
Where flocks have took delight:
Where lambs have nibbled, silent move
The feet of angels bright;
Unseen they pour blessing
And joy without ceasing
On each bud and blossom,
And each sleeping bosom.

They look in every thoughtless nest
Where birds are cover’d warm;
They visit caves of every beast,
To keep them all from harm:
If they see any weeping
That should have been sleeping,
They pour sleep on their head,
And sit down by their bed.

When wolves and tigers howl for prey,
They pitying stand and weep,
Seeking to drive their thirst away
And keep them from the sheep.
But, if they rush dreadful,
The angels, most heedful,
Receive each mild spirit,
New worlds to inherit.

And there the lion’s ruddy eyes
Shall flow with tears of gold:
And pitying the tender cries,
And walking round the fold:
Saying,  Wrath, by His meekness,
And, by His health, sickness,
Are driven away
From our immortal day.

And now beside thee, bleating lamb,
I can lie down and sleep,
Or think on Him who bore thy name,
Graze after thee, and weep.
For, wash’d in life’s river,
My bright mane for ever
Shall shine like the gold
As I guard o’er the fold.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La colline que nous gravissons (Amanda Gorman)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024




    
La colline que nous gravissons

[…]

Quand vient le jour, nous nous demandons :
Où trouver la lumière
Dans cette ombre qui sans fin s’étire ?
Le poids de nos pertes, une mer à franchir.

[…]

Quand vient le jour, nous sortons de l’ombre,
Ardents et vaillants.
L’aube nouvelle s’épanouit à mesure que nous la délivrons,
Car il y a toujours de la lumière,
Pourvu que nous ayons le courage de la voir paraître,
Pourvu que nous ayons le courage de l’être.

***
The hill we climb

[…]

When day comes, we ask ourselves:
Where can we find light
In this never-ending shade?
The loss we carry, a sea we must wade.

[…]

When day comes, we step out of the shade,
Aflame and unafraid.
The new dawn blooms as we free it,
For there is always light,
If only we’re brave enough to see it,
If only we’re brave enough to be it.

(Amanda Gorman)

Recueil: La colline que nous gravissons
Traduction: Lous and the Yakuza
Editions: Fayard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

PETIT JOUR (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 23 février 2024




    
PETIT JOUR

Mais comme l’amour
les chanteurs
sont aveugles.

Sur la nuit verte,
leurs voix
laissent la trace
d’un lis ardent.

La quille de la lune
brise les nues violettes
et les carquois
débordent de rosée.

Ah, comme l’amour
les chanteurs
aveugles !

***

MADRUGADA

Pero como el amor
los saeteros
están ciegos.

Sobre la noche verde,
las saetas
dejan rastros de lirio
caliente.

La quilla de la luna
rompe nubes moradas
y las aljabas
se llenan de rocío.

¡ Ay, pero como el amor
los saeteros
están ciegos !

(Federico Garcia Lorca)

Recueil: Romancero gitan Poème du chant profond
Traduction: Claude Esteban
Editions: Aubier

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

PRIVATION (Missak Manouchian)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
PRIVATION

La question, des amis parfois me la posent:
« Comment vis-tu donc, et comment l’âme ardente
Veux-tu donner force aux cœurs qu’a fui l’espoir ?
Le pain et le besoin sont ton lot pourtant. »

Quand j’erre dans les rues d’une métropole,
Toutes les misères, tous les dénuements,
Lamentation et révolte l’une à l’autre,
Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge.

Je les mêle ainsi à ma souffrance intime,
Préparant avec les poisons de la haine
Un âcre sérum – cet autre sang qui coule
Par tous les vaisseaux de ma chair, de mon âme.

Cet élixir vous semblerait-il étrange ?
Il me rend du moins la conscience du tigre,
Lorsque dents et poings serrés, tout de violence,
Je passe par les rues d’une métropole.

Et qu’on dise de moi: il est fou d’ivresse,
Flux et reflux d’une vision
Ne cessent d’investir mes propres pensées,
Et je me hâte, assuré de la victoire.

(Missak Manouchian)

Recueil: LA POESIE ARMENIENNE Anthologie des origines à nos jours
Traduction: Gérard HEKIMIAN
Editions: Les Editeurs Français Réunis

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LAISSE TOMBER (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration
    
LAISSE TOMBER

Pour que le jour se lève dans une forêt
il faut d’abord que monte à la chaire du monde
un oiseau
pour demander le pain quotidien,
chantant soi-disant.

Qu’un amen aille courir d’arbre en arbre,
soi-disant murmure d’altruisme.
Des blocs de pierre
montera l’encens d’un mea culpa.
En suite de quoi le détail montre son nez
ainsi qu’une certitude : la nuit est derrière nous.

Un peu comme des périscopes se dressent
les têtes des poteaux télégraphiques
à l’affût de nouvelles flottant au loin,
Le buisson ardent sort l’épine de l’étui,
et un sentier bossu
titube et s’écrit.
Les masses d’alentour laissent tomber le masque
et cela t’apaise : on voit nettement
ce qui est Pentélique, ce qui est Hymette
et ce qui reste le nez de la peur.
La couleur de l’olive,
terne et taciturne,
bat des paupières dans les feuilles
et c’est l’occasion de préciser
des yeux de couleur indéfinie comme on dit.
Indécision quotidienne, bien sûr,
qui torture malgré tout.
Dès qu’on peut préciser,
la lumière nous vient tout entière
et sans peine
comme un laisse tomber.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

L’ENFANT DE L’AMOUR (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
L’ENFANT DE L’AMOUR

Par la fenêtre donnant sur le labour
on voit briller des ustensiles
de cuivre ardent,
le fagot du bûcher
garde l’infime débris
d’une plume de fauvette
hommes et femmes s’en sont allés
resté seul l’enfant de l’amour
au fichu lié sur sa maigre poitrine
voit dans la bille d’agate
s’enlacer les couleurs.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Mélodie (Gérard de Nerval)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2024



    


    

Mélodie
(extrait)

Quand le plaisir brille en tes yeux
Pleins de douceur et d’espérance,
Quand le charme de l’existence
Embellit tes traits gracieux,

Bien souvent alors je soupire
En songeant que l’amer chagrin,
Aujourd’hui loin de toi, peut t’atteindre demain,
Et de ta bouche aimable effacer le sourire

Car le Temps, tu le sais, entraîne sur ses pas
Les illusions dissipées,
Et les yeux refroidis, et les amis ingrats,
Et les espérances trompées.

Mais crois-moi, mon amour! tous ces charmes naissants
Que je contemple avec ivresse,
S’ils s’évanouissaient sous mes bras caressants,
Tu conserverais ma tendresse!

Si tes attraits étaient flétris,
Si tu perdais ton doux sourire,
La grâce de tes traits chéris
Et tout ce qu’en toi on admire,

Va, mon cœur n’est pas incertain:
De sa sincérité tu pourrais tout attendre.
Et mon amour, vainqueur du Temps et du Destin,
S’enlacerait à toi, plus ardent et plus tendre!

(Gérard de Nerval)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La chambre (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024




    
La chambre

Merveilleuse histoire à conter, ma foi:
Belle et frêle, ardente, une femme choit.
C’était peut-être faux, peut-être vrai:
Les faits à tous deux nous indifféraient.
Mais le vin, la fumée de ton cigare
Transformaient le tout en plaisante histoire
Plus qu’en sujet d’opprobre ou de péché:
À la femme déchue que reprocher?
Rien, tant qu’il n’y avait à découvrir
Que sa beauté, sa fougue et son plaisir.
Mais tu partis, on baissa les lumières,
La brise entra, et la pâleur lunaire:
Et je perçus une voix féminine,
Impuissante plainte au mutisme incline.
Montée du tréfonds d’infinies ténèbres
Elle emplit la pièce d’une angoisse funèbre.
Morte, cette femme ne pouvait nier:
Les femmes aux plaintes sont destinées.
Aussi me fallut-il la nuit durant,
Moi l’étrangère, écouter ce tourment…
Les femmes aux plaintes sont destinées,
Les hommes à écouter… et soupirer…

***

The Haunted Chamber

Of course ’twas an excellent story to tell
Of a fair, frail, passionate woman who fell.
It may have been false, it may have been true.
That was nothing to me—it was less to you.
But with bottle between us, and clouds of smoke
From your last cigar, ’twas more of a joke
Than a matter of sin or a matter of shame
That a woman had fallen, and nothing to blame
So far as you or I could discover,
But her beauty, her blood and an ardent lover.
But when you were gone and the lights were low
And the breeze came in with the moon’s pale glow
The far, faint voice of a woman, I heard,
‘Twas but a wail, and it spoke no word.
It rose from the depths of some infinite gloom
And its tremulous anguish filled the room.
Yet the woman was dead and could not deny,
But women forever will whine and cry.
So now I must listen the whole night through
To the torment with which I had nothing to do—
But women forever will whine and cry
And men forever must listen—and sigh—

(Kate Chopin)

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »