– Maman,
Toi qui es du Capricorne’,
Toi qui connais tout et rien
Depuis les Mérovingiens’,
Qui discute savamment
Du tiers et du tremblement,
Pourquoi les escargots ont-ils toujours des cornes
Comme les Martiens enfermés au zoo ?
– Mon petit,
Tu n’as pas mangé tes radis
Ni la soupe aux pissenlits,
Tu ne te laves jamais les mains
Tu baves
Tu fais enrager Firmin
Je ne te dirai plus rien !
– Oh ! si, maman, dis-moi !
Je mangerai les radis
Et la soupe aux pissenlits,
Je ferai comme Pilate’ :
Je me laverai les mains
Avec un savon romain
Fabriqué pour diplomates,
Je ne baverai pas plus
Que la pipe d’Esaiii,
Je donnerai à Firmin
Toutes mes crottes de lapin.
Et encore bien d’autres choses
Que je ferai comme un rien
Pour accéder à la glose,
Le gloussement du genre humain.
– S’ils ont des cornes, mon enfant,
C’est pour corner certainement
Aux carrefours, dans les tournants
Au sein des encombrements,
Ça évite les accidents.
Dans la rue, nous avons appris à fabriquer des explosifs
avec trois fois rien
de la poudre
une boîte vide
et des clous
En cours de chimie, nous avons appris
à composer du napalm
Sur nos tables bien mises et remplies
nous avons appris l’égorgement
En tout cela nous avons battu des records
mais loin de la mêlée
Ah jusqu’à quand ?
Et nos enfants, s’y mettront-ils aussi ?
Nous voulons toucher le velouté
du pistil des plantes
Nous voulons apprendre les romances
auprès des oiseaux de l’amour
Puis comme c’est beau d’entendre un moineau
secouer ses ailes mouillées
A quand tout cela ?
Récemment, vous nous avez donné
de gros ballons en bois
Vous en souvient-il ?
Nous les avons polis avec du papier de verre
Et quand nos énormes ballons
se sont réduits à de toutes petites boules
puis à rien
la police a envahi nos places
Est-ce notre faute
pour que vous veniez nous demander maintenant
ces impôts exorbitants
notre sang
et le prix des balles ?
C’est quoi la musique? C’est du son qui se parfume
C’est quoi l’émotion? C’est l’âme qui s’allume
C’est quoi un compliment? Un baiser invisible
Et la nostalgie? Du passé comestible
C’est quoi l’insouciance? C’est du temps que l’on sème
C’est quoi le bon temps? C’est ta main dans la mienne
C’est quoi l’enthousiasme? C’est des rêves qui militent
Et la bienveillance? les anges qui s’invitent
Et c’est quoi l’espoir? Du bonheur qui attend
Et un arc-en-ciel? Un monument aux vivants
C’est quoi grandir? C’est fabriquer des premières fois
Et c’est quoi l’enfance? De la tendresse en pyjama
Mais dis, papa
La vie c’est quoi?
Petite, tu vois
La vie, c’est un peu de tout ça, mais surtout c’est toi
C’est toi
C’est quoi le remord? C’est un fantôme qui flâne
Et la routine? Les envies qui se fanent
C’est quoi l’essentiel? C’est de toujours y croire
Et un souvenir? Un dessin sur la mémoire
C’est quoi un sourire? C’est du vent dans les voiles
Et la poésie? Une épuisette à étoiles
C’est quoi l’indifférence? C’est la vie sans les couleurs
Et c’est quoi le racisme? Une infirmité du cœur
C’est quoi l’amitié? C’est une île au trésor
Et l’école buissonnière? Un croche-patte à Pythagore
C’est quoi la sagesse? C’est Tintin au Tibet
Et c’est quoi le bonheur? C’est maintenant ou jamais
Mais dis, papa
La vie c’est quoi?
Petite, tu vois
La vie, c’est un peu de tout ça, mais surtout c’est toi
C’est toi
Dans tes histoires, dans tes délires, dans la fanfare de tes fous rires
La vie est là, la vie est là
Dans notre armoire à souvenirs, dans l’espoir de te voir vieillir
La vie est là, la vie est là
Le Rêve le plus proche – recule – irréalisé –
Le Ciel que l’on poursuit –
Comme l’Abeille de Juin – devant l’Ecolier –
Invite à la Course –
Descend sur un Trèfle facile –
Plonge – échappe – agace – se déploie –
Puis – vers les Nues Royales –
Elève son léger Esquif –
Insoucieux du Garçon –
Qui contemple – ahuri – le Ciel moqueur –
Regrettant le Miel constant –
Ah – l’Abeille ne fuit point –
Qui fabrique cette rare variété !
Les armaillis des Colombettes
De bon matin se sont levés.
2
Quand ils sont arrivés aux Basses-Eaux
Le chancre me ronge! Ils n’ont pu passer.
3
Pauvre Pierre, que faisons-nous ici?
Nous ne sommes pas mal embourbés
4
Il te faut aller frapper à la porte,
A la porte du curé.
5
Que voulez-vous que je lui dise
A notre brave curé.
6
Il faut qu’il dise une messe
Pour que nous puissions passer
7
Il est allé frapper à la porte
Et il a dit ceci au curé:
8
Il faut que vous disiez une messe
Pour que nous puissions passer
9
Le curé lui fit sa réponse:
Pauvre frère, si tu veux passer
10
Il te faut me donner un petit fromage
Mais sans écrémer le lait.
11
Envoyez-nous votre servante
Nous lui ferons un bon fromage gras.
12
Ma servante est trop jolie
Vous pourriez bien la garder
13
N’ayez pas peur, notre curé
Nous n’en sommes pas si affamés
14
De trop « moler » votre servante
Il faudra bien nous confesser
15
De prendre le bien de l’Eglise
Nous ne serions pas pardonnés
16
Retourne-t’en, mon pauvre Pierre
Je dirai pour vous un Ave Maria.
17
Beaucoup de biens et de fromages vous souhaite
Mais venez souvent me trouver.
18
Pierre revient aux Basses-Eaux
Et tout le train a pu passer
19
Ils ont mis le kio à la chaudière
Avant d’avoir à moitié trait
REFRAIN
1-3-5-7-9-11-13-15-17-19: Lyôba (appel des vaches) pour traire (bis).
Venez toutes, les blanches, les noires,
les rouges, les étoilés sur la tête les jeunes, les autres,
Sous ce chêne où je vous traie,
sous ce tremble où je fabrique le fromage, Lyôba, lyôba, pour la traite (bis).
***
Lè j’armayi di Kolonbètè
TITRE DU CHANT EN FRANCAIS:
Le Ranz des Vaches
1
Lè j’armayi di Kolonbètè
Dè bon matin chè chon lèvâ.
2
Kan chon vinyê i Bachè j’Ivouè
Tsankro lo mè! n’an pu pachâ.
3
Tyè fan no ché mon pouro Piéro?
No no chin pâ mô l’inrinbyâ.
4
Tè fô alâ fiêr a la pouârta,
A la pouârta dè l’inkourâ.
5
Tyè voli vo ke li dyécho?
A nouthron brâvo l’inkourâ.
6
I fô ke dyéchè ouna mècha
Po ke no l’y pouéchan pachâ.
7
L’y è j’elâ fiêr a la pouârta
È l’a de dinche a l’inkourâ:
8
I fô ke vo dyécho ouna mècha
Po ke no l’y puéchan pachâ.
9
L’inkourâ li fâ la rèponcha:
Pouro frârè che te vou pachâ,
10
Tè fô mè bayi ouna motèta
Ma ne tè fô pâ l’èhyorâ.
11
Invouyi no vouthra chèrvinta
No li farin on bon pri grâ.
12
Ma chèrvinta l’è tru galéja
Vo porâ bin la vo vouêrdâ.
13
N’ôchi pâ pouêre, nouthron prithre,
No n’in chin pâ tan afamâ.
14
Dè tru molâ* vouthra chèrvinta
Fudrè èpè no konfèchâ.
15
Dè prindre le bin dè l’èlyije
No ne cherin pâ pèrdenâ.
16
Rètouârna t’in mou pouro Piéro
Deri por vo on’Avé Maria.
17
Prou bin, prou pri i vo chouèto
Ma vinyi mè chovin trovâ.
18
Piéro rèvin i Bâchè j’Ivouè
È to le trin l’a pu pachâ.
19
L’y an mè le kiô a la tsoudêre
Ke n’avan pâ la mityi aryâ.
Redzingon
1-3-5-7-9-11-13-15-17-19: Lyôba, lyôba, por aryâ (bis). Vinyidè totè, byantsè, nêre, Rodzè, mothêlè, dzouvenè ôtrè,
Dèjo chti tsâno, yô vo j’âryo, Dèjo chti trinbyo, yô i trintso, Lyôba, lyôba, por aryâ (bis).
Le poème ne se fabrique pas
Il ne se possède pas
Il ne s’obtient pas au mérite
Il ne prouve pas sa conformité
C’est un chant clandestin
Un don reçu
Un présent inespéré
Un cerceau faisant rouler la nuit
Autour des hanches du silence
Une main posée sur la tempe bleue du temps
Une ombre qui tient tête au soleil
L’éblouissement d’un amour gracieux
La simplicité d’un pardon sans aveu
(Jean Lavoué)
Recueil: Nous sommes d’une source
Traduction:
Editions: L’enfance des arbres
Ce corps que tu habites
Ces jours qui t’ont bâti
Cette vie qui t’a conduit
Ces peines qui t’ont mûri
Ce passé qui t’a fait
Ou bien qui t’a défait
Ce toi qui s’enfonce
Dans la souche
Des années
Ce corps qui fut demeure
Cette vie qui fut dessein
Ces heures qui te fabriquent
Et dont tu fus le lien
Ce temps qui revendique
Et dont tu es le fruit
Ce toi qui se dissipe
En soleils
Ou en nuit.