Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘fabriquer’

Aimée à jamais (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024




Illustration: Rubens
    
Aimée à jamais

[…]

Mon amour c’est ma bien-aimée adorée
et ma bien-aimée est à adorer dans ma bien-aimée
et j’adore l’adorée, l’ardente, la toujours-adorée,
la partout-odorante, je l’adore, j’adore son odeur,
ce tout et ce non-tout éventés par ma bien-aimée partout
et cette aimantation adorée qui est son non-ventre adoré,
adorant et amoureusement fabriqué en or
fabriqué dans l’âge d’or fabriqué de mon Amour,
comme un grand trou vide troué dans un grand trou à vider
jusqu’à la fin des âges.

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Assis seul dans la nuit d’automne (Wang Wei)

Posted by arbrealettres sur 24 octobre 2023



Illustration
    
Assis seul dans la nuit d’automne

Je pleure, seul assis, les mèches de mes tempes
A la salle vide bientôt la deuxième veille.
Les fruits de la montagne tombent à la pluie,
L’insecte ami de l’herbe chante sous la lampe.

Les cheveux blancs s’avèrent immuables;
Le métal jaune ne se peut fabriquer…
Pour éliminer la vieillesse et la maladie,
Il n’est que d’imiter le sans-naissance.

(Wang Wei)

Recueil:Les saisons bleues
Traduction: Patrick Carré
Editions: Phébus

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Le Soldat Muet (Robert Louis Stevenson)

Posted by arbrealettres sur 2 octobre 2023




    
Le Soldat Muet

Un jour où l’herbe était tondue,
marchant tout seul sur le gazon,
Dans l’herbe un trou j’ai vu
y cachai un soldat de plomb.

Vinrent printemps et pâquerettes ;
Les herbes cachent ma cachette ;
L’océan vert envahit tout
Le gazon jusqu’au genou.

Il gît tout seul sous l’herbe,
Levant ses yeux plombés,
Habit de pourpre, fusil pointé,
Vers les étoiles et le soleil.

Une fois l’herbe mûre comme blé,
La faux de nouveau aiguisée,
Et le gazon tondu à ras,
Alors mon trou apparaîtra.

Je le trouverai, assurément,
Je trouverai mon grenadier ;
Mais malgré tous les événements,
Mon soldat restera muet.

Il a vécu, petitement,
Dans les bois d’herbe du printemps ;
Fait, s’il pouvait à moi se confier,
Tout ce dont j’aurais rêvé.

Il a vu les heures étoilées
Et les fleurs en train de pousser ;
Et passer les créatures de fées
dans l’herbe des forêts.

Dans le silence a perçu son oreille
Abeille parlant à coccinelle ;
À tire-d’aile le papillon
L’a survolé dans sa prison.

Il se refuse à tout commentaire,
Ne dira rien de son savoir.
À moi de le poser sur l’étagère
Et de fabriquer l’histoire.

***

The Dumb Soldier

When the grass was closely mown,
Walking on the lawn alone,
In the turf a hole I found
And hid a soldier underground.

Spring and daisies came apace ;
Grasses hide my hiding place ;
Grasses run like a green sea
O’er the lawn up to my knee.

Under grass alone he lies,
Looking up with leaden eyes,
Scarlet coat and pointed gun,
To the stars and to the sun.

When the grass is ripe like grain,
When the scythe is stoned again,
When the lawn is shaven clear,
Then my hole shall reappear.

I shall find him, never fear,
I shall find my grenadier ;
But for all that’s gone and come,
I shall find my soldier dumb.

He has lived, a little thing,
In the grassy woods of spring ;
Done, if he could tell me true,
Just as I should like to do.

He has seen the starry hours
And the springing of the flowers ;
And the fairy things that pass
In the forests of the grass.

In the silence he has heard
Talking bee and ladybird,
And the butterfly has flown
O’er him as he lay alone.

Not a word will he disclose,
Not a word of all he knows.
I must lay him on the shelf,
And make up the tale myself.

(Robert Louis Stevenson)

Recueil: Jardin de poèmes enfantins
Traduction: Jean-Pierre Naugrette
Editions: POINTS

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

La taupe (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 septembre 2023




Illustration: Diane de Bournazel
    
La taupe est la main de la terre
mais c’est la terre qui a la main pour rien
pour seulement fabriquer ces petits volcans
rembrunis et boudeurs
cataclysmes sans conséquence
comme si elle s’aménageait là
des instants de respiration
des soupirs d’impuissance
des châteaux démolis
des révolutions de bas étage
des sortes de caprices épidermiques
des éruptions ratées
des velléités d’accouchement
et que la terre dans son soulèvement
préfigurait surtout
la déception de celui-ci.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Fabulaux
Editions: AL MANAR

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Mes quartiers d’hiver (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2023




    
Mes quartiers d’hiver

Lorsque le jour viendra de mes quartiers d’hiver,
Je mettrai tout mon or au fond de ma valise
Et puis je m’en irai, sans rien sous ma chemise,
Vers un très vieux couvent au milieu du désert,
Et quand j’arriverai devant le monastère
Ma valise et mon or, tout aura disparu,
Ma chemise sera déchirée par les pierres ;
Si Dieu m’assiste un peu, j’arriverai tout nu…

Si ma chance veut bien, la porte s’ouvrira
Et l’on me donnera peut-être un bol de soupe.
Je m’agenouillerai pour la prière en groupe,
Je me relèverai en disant : « Me voilà,
C’est moi… Je n’ai jamais vécu que de paroles,
Et si je viens chez vous, c’est qu’on n’y parle pas.
Je ne demande rien que d’être à votre école
Et je travaillerai pour payer mes repas ».

On me fera couper ma barbe et mes cheveux,
On me fera choisir une robe de bure,
Le calme se lira bientôt sur ma figure,
Et j’irai vers l’enfance et je deviendrai vieux.
Je me fabriquerai des Bon Dieu de fortune,
Un Paradis superbe et j’y croirai très fort.
Je me promènerai le soir au clair de lune
En prenant, peu à peu, la couleur du décor.

Je recommencerai ma vie rien que pour moi,
À reculons j’irai vers mon adolescence,
Je retrouverai bien les routes du silence,
Les chemins du Seigneur ou de la Belle au Bois.
Le bonheur ne sera qu’une habitude à prendre,
Les rides me viendront mais j’aurai les yeux clairs,
Je n’aurai rien à dire et plus rien à comprendre
Lorsque le jour viendra de mes quartiers d’hiver.

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LES ANECDOTES (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022



 

Gao-Xingjian -La-fin-du-monde-2006-Encre-de-Chine [1280x768]

LES ANECDOTES

Les anecdotes, évidemment… Tous les êtres humains se ressemblent.
A quoi bon égrener de nouvelles anecdotes ?
Caractère inutile du roman.
Il n’y a plus de morts édifiantes ; le soleil fait défaut.
Nous avons besoin de métaphores inédites ;
quelque chose de religieux intégrant l’existence des parkings souterrains.
Et bien sûr on s’aperçoit que c’est impossible.
Beaucoup de choses, d’ailleurs, sont impossibles.
L’individualité est essentiellement un échec.
La sensation du moi, une machine à fabriquer le sentiment d’échec.
La culpabilité semble offrir une voie intéressante, à condition qu’il fasse beau.
Presque impossible à développer. Intelligent et inédit, en tout cas. Grande objectivité.

(Michel Houellebecq)

Illustration: Gao-Xingjian

 

Posted in méditations | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

DES TONNES DES TONNES ET DES TONNES (Pittau & Gervais)

Posted by arbrealettres sur 6 septembre 2022



Illustration: Pittau & Gervais
    
DES TONNES
DES TONNES
ET DES TONNES

Il en a fallu
Des moules
Des huîtres
Des coquilles Saint-Jacques
Des patelles
Des bulots
Des palourdes
Des bigorneaux
Des escargots
Des escargots de mer
Des crabes
Des homards
Des crevettes
Des poissons
De toutes sortes
Pour fabriquer
Tous les grains de sable
De toutes les plages
Du monde

(Pittau & Gervais)

 

Recueil: Un dragon dans la tête
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Souvenir (Jean Wahl)

Posted by arbrealettres sur 7 septembre 2021



Illustration
    
Souvenir

Jours de Drancy, usine à fabriquer la mort
Avec ses râles, ses mouvements, ses tournements.
Ses cris, ses toux, ses pleurs et tous ses tremblements
Mon corps te garde en lui pour bien longtemps encore.

Nuits de Drancy

Usine à fabriquer la mort, nuits de Drancy,
Où le corps en grinçant tâte déjà les planches
Les épaules font mal, je sens gémir les hanches
Mais l’esprit reste souple et chaud dans l’air transi.

Camp de Drancy, octobre 1941.

(Jean Wahl)

 

Recueil: Vive la liberté
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

Posted in haïku, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La montagnarde (Nirmalâ Putul)

Posted by arbrealettres sur 6 juillet 2021




    
La montagnarde

Cette
Montagnarde
Qui, un fagot de branches sèches sur la tête,
Descend de la montagne
Ira bientôt au marché
Et vendant tout son bois
Étouffera le feu des ventres de toute la maisonnée

En plantant des pousses de riz,
L’enfant accroché
Sur le dos dans une couverture,
La montagnarde plante son chagrin grand comme une montagne
Pour
Une récolte qui ondule de joie

En brisant la montagne, elle brise
Les contraintes et les tabous de la montagne

En fabriquant des balais, elle fabrique
Des armes pour combattre la saleté
En accrochant des fleurs dans ses tresses
Elle accroche le coeur de quelqu’un

En courant derrière la vache et les chèvres ses pieds
Créent sur la terre
Des centaines de chants solitaires

(Nirmalâ Putul)

 

Recueil: Pour une poignée de ciel Poèmes au nom des femmes dalit (Intouchable)
Traduction: Traduit du Hindi par Jiliane Cardey
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Quand parviendra-t-il à comprendre (Pûran Singh)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2021




    
Quand parviendra-t-il à comprendre

Nuit et jour
Il
Ne cessa de lutter
Avec les briques, le ciment, les pierres
Ne cessa de bâtir les maisons, les palais, les belles demeures des gens
Mais
Jamais il ne put fabriquer sa propre maison
Oui,
Il éleva ses enfants
Avec le blé, le riz et les légumineuses
Qu’il ramenait dans le pan de sa tunique
Il les fit éduquer et
Rêva
De les voir devenir de grands hommes.
Le rêve se réalisa
Ses enfants eurent des maisons, des palais, de belles demeures
En les contemplant
Il
Se mit à vaciller de joie
Et alla au temple
Commença à baiser les pieds
Des divinités qui s’y tenaient.
Je
Pleurai
Sur cette coutume qu’il avait faite sienne
Quand
Parviendra-t-il à comprendre
La différence entre les divinités du temple
Et
Ses efforts?

(Pûran Singh)

 

Recueil: Pour une poignée de ciel Poèmes au nom des femmes dalit (Intouchable)
Traduction: Traduit du Hindi par Jiliane Cardey
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »