Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘ride’

Un insecte remue (Seishi Yamaguchi)

Posted by arbrealettres sur 13 Mai 2024



Un insecte remue
Des rides naissent
En nombre sur l’eau.

(Seishi Yamaguchi)

 

 

Posted in haïku, poésie | Tagué: , , , , , | Leave a Comment »

OÙ DONC EST LE BONHEUR ? (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Salvador Dali
    
OÙ DONC EST LE BONHEUR ?

Sed satis est jam posse mori.
LUCAIN.

Où donc est le bonheur ? disais-je. – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné.

Naître, et ne pas savoir que l’enfance éphémère,
Ruisseau de lait qui fuit sans une goutte amère,
Est l’âge du bonheur, et le plus beau moment
Que l’homme, ombre qui passe, ait sous le firmament !

Plus tard, aimer, – garder dans son coeur de jeune homme
Un nom mystérieux que jamais on ne nomme,
Glisser un mot furtif dans une tendre main,
Aspirer aux douceurs d’un ineffable hymen,

Envier l’eau qui fuit, le nuage qui vole,
Sentir son coeur se fondre au son d’une parole,
Connaître un pas qu’on aime et que jaloux on suit,
Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit,

Pleurer surtout cet âge où sommeillent les âmes,
Toujours souffrir ; parmi tous les regards de femmes,
Tous les buissons d’avril, les feux du ciel vermeil,
Ne chercher qu’un regard, qu’une fleur, qu’un soleil !

Puis effeuiller en hâte et d’une main jalouse
Les boutons d’orangers sur le front de l’épouse ;
Tout sentir, être heureux, et pourtant, insensé
Se tourner presque en pleurs vers le malheur passé ;

Voir aux feux de midi, sans espoir qu’il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l’illusion, l’espérance, et sentir
Qu’on vieillit au fardeau croissant du repentir,

Effacer de son front des taches et des rides ;
S’éprendre d’art, de vers, de voyages arides,
De cieux lointains, de mers où s’égarent nos pas ;
Redemander cet âge où l’on ne dormait pas ;

Se dire qu’on était bien malheureux, bien triste,
Bien fou, que maintenant on respire, on existe,
Et, plus vieux de dix ans, s’enfermer tout un jour
Pour relire avec pleurs quelques lettres d’amour !

Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
Rappeler notre enfance et nos beaux jours flétris,
Boire le reste amer de ces parfums aigris,

Être sage, et railler l’amant et le poète,
Et, lorsque nous touchons à la tombe muette,
Suivre en les rappelant d’un oeil mouillé de pleurs
Nos enfants qui déjà sont tournés vers les leurs !

Ainsi l’homme, ô mon Dieu ! marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d’ombre.
C’est donc avoir vécu ! c’est donc avoir été !
Dans la joie et l’amour et la félicité

C’est avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.
Voilà de quel nectar la coupe était remplie !
Hélas ! naître pour vivre en désirant la mort !
Grandir en regrettant l’enfance où le coeur dort,

Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie !
Où donc est le bonheur, disais-je ? – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné !

(Victor Hugo)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LE MIROIR ET MOI (Missak Manouchian)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024



Missak Manouchian
    
LE MIROIR ET MOI

Dans tes yeux de la fatigue et sur ton front tant de rides,
Parmi tes cheveux les blancs, vois, tant de blancs camarade…
Ainsi me parle souvent l’investigateur miroir
Toutes les fois que, muet, je me découvre seul en lui.

Tous les jours de mon enfance et les jours de ma jeunesse
Je – cœur parfois tout disjoint – les brimais pour l’holocauste
Sur l’autel des vanités tyranniques de ce temps,
Naïf – tenant pour abri l’espoir tant de fois promis.

Comme un forçat supplicié, comme un esclave qu’on brime
J’ai grandi nu sous le fouet de la gêne et de l’insulte,
Me battant contre la mort, vivre étant le seul problème…
Quel guetteur têtu je fus des lueurs et des mirages !

Mais l’amertume que j’ai bue aux coupes du besoin
S’est faite – fer devenue – que révolte, qu’énergie :
Se propageant avec fureur mon attente depuis
Enfouie jusqu’au profond du chant m’est cri élémentaire.

Et qu’importe, peu m’importe :
Que le temps aille semant sa neige sur mes cheveux !
Cours fertile qui s’élargit et qui s’approfondit
Au cœur de toute humanité très maternellement.

Et nous discutons dans un face-à-face, à « contre-temps »,
Moi naïvement songeur, lui ironique et lucide;
Le temps ? Qu’importe ce blanc qu’il pose sur les cheveux :
Mon âme comme un fleuve est riche de nouveaux courants.

(Missak Manouchian)

Recueil: LA POESIE ARMENIENNE Anthologie des origines à nos jours
Traduction: Gérard HEKIMIAN
Editions: Les Editeurs Français Réunis

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Un jour (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024




    
Un jour

Attends-moi, ami, jusqu’au terme de ce jour;
Ce jour si parfait de l’été
Qui me retient de charmes sans fin,
Chaleur, musc des roses, enchantement des lumières.
Je vais m’arrêter, orner mon sein d’une fleur;
Anémone est son nom; elle vient de me tenir
Les plus doux, les plus légers propos qu’entende un coeur.
Je vais sur l’herbe m’allonger
Et plonger mes mains dans l’eau ridée du ruisseau
Puis me retourner, contempler le ciel bleu-blanc,
Et rire, pour écouter le rire des collines.
Je veux de ce jour qu’il soit mien,
Et au dernier baiser du soleil à la terre
Je vous rejoindrai toi et ta sobriété,
J’irai à ta guise, sans halte, sans regret,
Sans même garder sur mon sein la frêle fleur.
Attends seulement le terme de ce jour.

***

One Day

Wait for me friend, until the day be past:
This one most perfect summer day,
That hold me with an hundred varying spells
Of warmth, of rose scents and entrancing lights.
I’ll stop to place this flower on my breast;
‘Tis called anemone, and spake to me but jus, a moment gone
The softest, faintest speech that heart could listen to.
Now will I lie upon the sward
Plunging my hands deep in the rippling brook.
Now turn and gaze into the blue white sky
And laugh, and only laugh to hear the hills laugh back at me.
Let me but call the day my own,
And when the sun’s last kiss bath touched the earth
Then will I join thee on thy sober way
Whither thou wilst—nor linger—nor regret
Nor even keep the little flower at my breast.
Only but wait until the day be past.

(Kate Chopin)

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

J’aurais bien voulu faire (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024




    
J’aurais bien voulu faire comme cet homme ridé, et fleuri.
Tunis.

L’homme portait une fleur de jasmin
sur l’oreille
il était trop vieux pour cueillir la main
des belles
ô vous que j’ai perdues en chemin
soyez celles
dont-me consoleront les jardins
fidèles.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Traduction:
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Nous n’habitons pas (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024




    
Nous n’habitons pas

Nous n’habitons pas tous les lieux de nos corps
Que de dormeurs absents dans les chambres vides
que d’acteurs désirés devant les décors
que de chemins possibles pour d’autres rides !

Nous ne découvrirons pas tous nos espaces
et nous mourrons explorateurs du dimanche
avec sous la peau les grandes taches blanches
des vieux atlas…

(Robert Mallet)

 

Recueil: La Rose en ses remous
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

ASSIEDS-TOI, MON ÂME (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



    
ASSIEDS-TOI, MON ÂME

Et puis un jour arrive et le bonheur est là
comme la mer au pied de la mer, on touche
la fenêtre, le bois, pour apaiser ce sang
qu’on croyait disparu

avec le vieux cheval qui ruminait l’azur,
et le cri vert de l’herbe sous l’étouffoir
glacé ; on touche à ce qui n’est pas encore,
ce qui viendra : la vie

promise, mais on a trop de jambes, trop
de bras et le coeur fait des noeuds
— assieds-toi donc mon âme, assieds-toi, laisse
l’enfant de tes rides, l’enfant perdu,

défaire le filet du pauvre pêcheur d’eau.

(Guy Goffette)

 

Recueil: Le pêcheur d’eau
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Vitalité (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023



Illustration: Ira Mitchell-Kirk
    
Vitalité

Ce jour-là
Tout ravivait l’espérance

Était-ce cette musique intime
Venue on ne sait d’où ?
Ou cette bouffonnerie joyeuse
Qui s’empare parfois de nos coeurs
Transformant chaque ride en rire
Chaque broussaille en horizon ?

Était-ce un écho
Qui comble soudain l’appel ?
Un rayon qui transperce les mailles ?
Une présence qui écarte les barreaux ?
Était-ce l’oiseau tenace
Balayant de ses ailes nos laborieux chagrins ?

Ce jour-là la vie
Fendit ses écorces
Pour s’ébattre sans entraves
Dans tout l’espace du corps.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Il n’y a pas que les mots (Tahar Ben Jelloun)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2023




    
Il n’y a pas que les mots pour donner de la poésie
Le silence de l’être aimé qui sait qu’il ne sera pas quitté
Les notes de musique qui fendent ce silence
Des bras ouverts et des larmes de joie
Une jeune femme qui allaite et une enfant qui joue au cerceau
Un rayon de soleil sur le visage ridé
Sur des mains tachées par le temps
Un regard une promesse une rencontre
Une volonté de résister à la médiocrité des hommes
Et quelques gestes gratuits
Un sourire un don une écoute
Une clef pour ouvrir toutes les portes
Qui mènent vers les jardins où il fait bon se perdre.

(Tahar Ben Jelloun)

Recueil: Douleur et lumière du monde
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

SAINT, SAINT, SAINT… (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 26 octobre 2023




    
SAINT, SAINT, SAINT…

Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu,
(Et tu m’as promis d’ me répondre)
Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu,
(Et tu m’as promis d’ répondre
A mon amour,
A ma prière,
Au point du jour…)

A l’heure où dedans l’ ciel, le Seigneur dit à toute la terre:
Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu…

Oh, oh, cette terre aride!
Oh, ce corps plein de rides!
Oh, oh, ces lions avides!
Oh, voici l’ jour de la colère!

Qui abreuvera la terre aride?
Qui effacera ces tristes rides ?
Qui domptera ces lions avides?
Qui nous aidera dans not’ misère?

Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu,
Et il a promis d’ nous répondre,

Saint, saint, saint est le Seigneur, le Seigneur Dieu,
Et il a promis d’ répondre
A notre prière,
A notre amour,
Au point du jour…

(Marguerite Yourcenar)

Recueil: Fleuve profond, sombre rivière Les « Negro Spirituals », commentaires et traductions
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »