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Posts Tagged ‘habiter’

Lieu. Maison. Foyer. (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024



Illustration: Salavat Fidai
    
Lieu. Maison. Foyer.

Je marche dans une ville
qui a cessé de m’habiter.

Je la touche décousue,
des
fourmis
sortent
des briques des murs,
des alarmes s’élèvent
et plus aucune sirène ne répond
— il se peut qu’il y ait des fourmilières
dans tous les jardins —.

Je jurerais que tout a changé.
Je jurerais qu’avant, ici,
il y avait une mer.
Ou un ciel.

Je jurerais que j’ai survolé cette ville
avec plus d’ailes
que d’années.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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Rites 9 (Jean-Claude Renard)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024


Rites 9

La mort
mesure-t-elle l’amour?
L’amour
mesure-t-il la mort?

Nul ne le sait.

Mais l’âme rit
si, dans l’un et l’autre,
habite
l’abîme blanc du mystère.

(Jean-Claude Renard)

Illustration: Karen L’Hémeury

 

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RIEN QUE (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024



Illustration: Lucie Llong
    
RIEN QUE

Rien que le goût d’habiter nus
dans la maison légère de l’odeur

Rien que deux folies au secret
faisant crier la douceur de la greffe

Rien que ce goût de sel aux bouches
deux chairs cognées par un seul bruit de coeur

Rien que mordre à l’un mordre à l’autre
forts de l’instant qui va jusqu’à nos pieds

Rien que boire à l’un boire à l’autre
l’ombre est dedans on y ferme les yeux

Respirer rien que respirer
en voyageant par le calme du lit

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

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Je me sais traversé (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 9 février 2024



Illustration
    
Je me sais traversé,
Je me sais habité

Par qui sait quoi,
Qui est peut-être aussi
Moi-même.

(Eugène Guillevic)

Recueil: Qui frappe ?
Editions:

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Les Roses (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024




    
Les Roses

J’irai demain, chère, cueillir les roses
Qui dans l’allée sont épanouies.
L’imminence d’une peine inconnue aujourd’hui
Habite mon coeur qui a peur.
Mais blanches et rouges les roses n’étaient plus!
J’ai fait des pétales épars
Un petit tas sec et mort
Puis m’asseyant j’ai pleuré.

***

The Roses

I’ll gather the roses tomorrow, dear,
That are blooming over the way.
For the dread of an unknown sorrow near
Is holding my heart today.
But gone were the roses white and red!
So the scattered crumbs I swept
In a little mound all dry and dead
And sat me down and wept.

(Kate Chopin)

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

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Sa peau sentait le vent et la pomme (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2024



    

Sa peau sentait le vent et la pomme.
Gloria Alcorta, L’oreiller noir.

Rassurantes odeurs des celliers
obscurs, silencieux
où mûrissent les fruits protégés
des menaces du temps

Exaltantes lueurs de l’air
remous des feuillages bruissants
qu’habitent les senteurs libres
de l’espace et du vent

Sombres enclos, souffles solaires
sauvages nuées, vergers sages
nous espérons sauver le rêve
en nos mains de cueilleurs aérés

Toi, la gardienne et l’évadée
la recluse et la buissonnière
la pensive et l’échevelée

serais-tu la très rare
qui donnerait
au secret de sa peau fruitée
les beaux risques
des lieux et des parfums
conjugués?

(Robert Mallet)

 

Recueil: Presqu’îles presqu’amours
Traduction:
Editions: Gallimard

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Nous n’habitons pas (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024




    
Nous n’habitons pas

Nous n’habitons pas tous les lieux de nos corps
Que de dormeurs absents dans les chambres vides
que d’acteurs désirés devant les décors
que de chemins possibles pour d’autres rides !

Nous ne découvrirons pas tous nos espaces
et nous mourrons explorateurs du dimanche
avec sous la peau les grandes taches blanches
des vieux atlas…

(Robert Mallet)

 

Recueil: La Rose en ses remous
Editions: Gallimard

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Seize ans (Jean-Pierre Duprey)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration (cette photo a une histoire)
    
Seize ans

J’ai dominé toute une station de vie
Ma première enfance est entrée dans la pierre
Mes premières larmes sont sorties avec les passereaux
J’ai vu un Dieu, j’ai vu les hommes
Et mes yeux ne se cherchent même plus

Hier je suis allé sur la montagne qu’habita la lune
Et je suis revenu le coeur plein de tristesse
Il ne me reste plus qu’un souvenir et une guitare brisée
Un saule pleureur se dépouille et m’habille de larmes

Qu’est-il de plus triste au monde que de partir sans chanter

(Jean-Pierre Duprey)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Editions: Bruno Doucey

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CHANT DANS LA NUIT (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



    

CHANT DANS LA NUIT

Le genre humain souffre d’une triple maladie :
la naissance, la vie et la mort.
(Saint Bernard)

Trois peines sont autour de nous :
Naître, vivre, mourir au bout.

Trois misères ouvrent leur bec
Livide pour nous boire avec.

Trois heures attendent, trois nuits,
Pour jeter nos pieds dans leur puits,

Trois gouffres pour tomber dedans…
Pourtant j’ai dans le coeur, pourtant

J’ai dans le coeur un fol chemin
Pour nous enfuir du sort humain.

J’ai dans le coeur — et vous aussi —
Une aile pour sortir d’ici…

J’ai dans le coeur un grand Amour
Qui de la terre fait le tour;

Qui vole au monde, pleure et prend
Le mal du monde au loin souffrant,

Pour le porter entre mes bras
De femme comme mi enfant las;

Pour le porter si je pouvais
À l’abri, hors du temps mauvais;

Le porter pour passer le champ
Qui meurt du levant au couchant;

Le porter pour passer le soir
Sans bornes où crie un mal noir;

Le porter et trouver le pont
Pour passer le destin profond ;

Le porter en volant plus haut
Que le milan, que le gerfaut,

Plus large que l’aigle, plus fort,
Pour passer la Vie et la mort…

***

J’ai dans le coeur un grand Amour…
D’un homme à peine il fait le tour.

J’ai dans le coeur cet amour vain
Qui n’est pas plus grand que ma main.

Cet amour qui n’est long jamais
Aussi long que l’instant mauvais.

Court d’haleine, court d’horizon,
Un amour serré de maison

Qui n’a plus d’yeux pour s’alarmer
Dès que les volets sont fermés…

J’ai dans le coeur une Pitié,
Une servante de quartier

Qui part et va donner ses mains
Aux trois fardeaux de son prochain ;

Qui peine et ne peut faire rien
Que peiner, vaine, et s’en revient,

Les pieds stériles, sans avoir
Déchargé personne le soir…

J’ai dans le coeur ces quatre pas
D’un sentier qui n’arrive pas,

Qui vague dans le mal ardent
De son frère et se perd dedans,

Et l’abandonne à son besoin
Sans pouvoir le guérir plus loin,

Sans pouvoir, ô triste, ô Pitié,
Sauver un homme tout entier…

***

Trois peines sont autour de nous…
J’ai beau pleurer, saigner sur vous,

Gens de douleurs, j’ai beau courir
Pour vous arrêter de mourir,

J’ai beau vous appeler, les bras
Tout grands ouverts, je ne peux pas,

Ô vous tous Ah! — ils sont trop étroits —
Vous donner asile en ma croix,

Je ne peux pas — ils sont trop las,
Trop faibles — vous tirer d’en bas,

Je ne peux pas, gens de douleurs,
Vous soulever hors de malheur…

***

J’ai dans le coeur ce vain amour…
O vous qui périssez autour,

Si le chemin est dans mon coeur,
C’est que le pays est ailleurs;

L’Amour, en mon coeur d’un moment,
S’il souffle, ailleurs est né le vent.

L’Amour, en mon coeur de hasard,
S’il passe, il demeure autre part.

L’Amour que je loge à l’étroit,
Il habite un divin endroit,

Un lieu sans limites, sans murs,
Derrière tous les lieux obscurs.

Et je le vais au loin cherchant
Comme quelqu’un à travers champs,

Quelqu’un qui sera mon Amour
Chargé des pauvres d’alentour;

Quelqu’un qui sera ma Pitié
Qui saigne pour le monde entier;

Quelqu’un qui sera mon coeur gros
De cette terre sans repos ;

Quelqu’un qui sera mon coeur lourd
De cette foule sans secours,

Qui sera mon coeur, mais si grand
Que l’Homme s’y sauve en entrant.

Qui sera mon coeur, mais si fort
Qu’il prendra la Vie et la Mort

Comme deux ailes sur son dos…
Et voleront nos trois fardeaux !

Et voleront nos trois malheurs!
Et naîtront les gens de douleurs,

Et vivront, et mourront, gonflés
D’azur comme le grain de blé

Qui se perd en terre au printemps
Y meurt et pousse au ciel dedans.

….

Quelqu’un… Je crois en Lui, j’attends.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les chants de la Merci suivi de Chants des Quatre-Temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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Je (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 17 décembre 2023



    

Illustration: Dominique TREMOIS-CHAZOT
Je

Qui me quitte et m’habite
Qui me débusque et se dérobe
Qui dérive tandis que je m’emmure
Qui se rive alors que je me fuis
Qui est sans grappe
Qui est la saveur même
Qui m’assiège et m’écorche
Me lâche dans les ravins
Qui est abrupt comme l’écorce
Humble comme les puits
Qui est mon bec ou ma lande
Qui me happe me traverse
Me résiste me défie
Qui me berce et m’emporte
Qui me réconcilie ?

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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