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Poésie

Posts Tagged ‘midi’

Une modeste pièce (Rezâ Sâdeghpour)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2024




    
une modeste pièce
du thé un narguilé
une femme
un grain de beauté sur le front,
ce tableau
et la moustache d’un nomade,
mon imagination ne produit rien d’autre
ce midi

(Rezâ Sâdeghpour)

Recueil: Le Bris lent des bouteilles
Traduction: du persan par Amin Kamranzadeh et Franck Merger
Editions: CHEYNE

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Vers des mers nouvelles (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 8 Mai 2024



 

Shotei  -44

Vers des mers nouvelles

Là-bas – je veux partir, j’ai foi
En moi, et en ma poigne.
Grande ouverte la mer. Dans le bleu
S’enfonce mon navire génois.

Tout luit, tout est neuf, très neuf même.
Midi dort sur l’espace et le temps:
Seul ton oeil, énorme,
Me regarde, ô Infini !

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Shotei

 

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OÙ DONC EST LE BONHEUR ? (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Salvador Dali
    
OÙ DONC EST LE BONHEUR ?

Sed satis est jam posse mori.
LUCAIN.

Où donc est le bonheur ? disais-je. – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné.

Naître, et ne pas savoir que l’enfance éphémère,
Ruisseau de lait qui fuit sans une goutte amère,
Est l’âge du bonheur, et le plus beau moment
Que l’homme, ombre qui passe, ait sous le firmament !

Plus tard, aimer, – garder dans son coeur de jeune homme
Un nom mystérieux que jamais on ne nomme,
Glisser un mot furtif dans une tendre main,
Aspirer aux douceurs d’un ineffable hymen,

Envier l’eau qui fuit, le nuage qui vole,
Sentir son coeur se fondre au son d’une parole,
Connaître un pas qu’on aime et que jaloux on suit,
Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit,

Pleurer surtout cet âge où sommeillent les âmes,
Toujours souffrir ; parmi tous les regards de femmes,
Tous les buissons d’avril, les feux du ciel vermeil,
Ne chercher qu’un regard, qu’une fleur, qu’un soleil !

Puis effeuiller en hâte et d’une main jalouse
Les boutons d’orangers sur le front de l’épouse ;
Tout sentir, être heureux, et pourtant, insensé
Se tourner presque en pleurs vers le malheur passé ;

Voir aux feux de midi, sans espoir qu’il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l’illusion, l’espérance, et sentir
Qu’on vieillit au fardeau croissant du repentir,

Effacer de son front des taches et des rides ;
S’éprendre d’art, de vers, de voyages arides,
De cieux lointains, de mers où s’égarent nos pas ;
Redemander cet âge où l’on ne dormait pas ;

Se dire qu’on était bien malheureux, bien triste,
Bien fou, que maintenant on respire, on existe,
Et, plus vieux de dix ans, s’enfermer tout un jour
Pour relire avec pleurs quelques lettres d’amour !

Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
Rappeler notre enfance et nos beaux jours flétris,
Boire le reste amer de ces parfums aigris,

Être sage, et railler l’amant et le poète,
Et, lorsque nous touchons à la tombe muette,
Suivre en les rappelant d’un oeil mouillé de pleurs
Nos enfants qui déjà sont tournés vers les leurs !

Ainsi l’homme, ô mon Dieu ! marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d’ombre.
C’est donc avoir vécu ! c’est donc avoir été !
Dans la joie et l’amour et la félicité

C’est avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.
Voilà de quel nectar la coupe était remplie !
Hélas ! naître pour vivre en désirant la mort !
Grandir en regrettant l’enfance où le coeur dort,

Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie !
Où donc est le bonheur, disais-je ? – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné !

(Victor Hugo)

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CONTRE-MORT (Bernard Noël)

Posted by arbrealettres sur 27 avril 2024



Illustration: Gunther von Hagens
    
CONTRE-MORT

moi
qui chaque jour creuse sous ma peau
je n’ai soif
ni de vérité ni de bonheur ni de nom
mais de la source de cette soif
je ne promène pas mon petit démon bien policé
j’en ai dix mille me rongeant
et je leur souris
non pas comme une Joconde
non pas comme un bouddha satisfait de son détachement
non pas comme un yogi à l’âme soigneusement musclée
mais comme un homme
auquel tous les chemins ne sont pas bons
et
à mesure que le creux là-dessous va grandissant
d’étranges machines apparaissent dans mon corps
et d’abord cet oeil qui a percé à la racine du nez
et qui me fait douter de la valeur de mes yeux
condensation du regard
triangle à l’intérieur de mon crâne

triangle sans base
tel un entonnoir où s’engouffrent les cris
venus de la moelle épinière et du ventre
(du ventre dans lequel pousse
un énorme faisceau de racines flexibles
et dures comme des aiguilles d’acier)

triangle dont les parois incandescentes
tracent dans le cerveau une brûlure drainante
une brûlure qui est la présence même
la présence des choses
qui entrent en moi comme une décharge
une décharge brisant les écailles
brisant la paille et la poutre
brisant le filtre et les dents

il faudrait dire comment
dire la vision claire de cet oeil
qui n’a ni tendresse ni cynisme ni compassion
mais qui est vide et inexorable

tel un nuage d’abeilles au-dessus du gouffre
la présence approche
pattes de miel
douceur tiède
et
soudain
les mille piqûres des dards
il n’y a pas d’autre issue que le saut
mais

LE VIDE PORTE

les yeux regardent à travers le seul oeil
et dans l’épaisseur de midi
les choses entrent dans mon corps
l’espace se retrousse
dedans est immense
alors
tentation d’organiser aussitôt la conquête et d’en jouir
il fait soleil sous les épaules

[…]

(Bernard Noël)

Recueil: Extraits du corps
Editions: Gallimard

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L’ombre de mon âme (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024



 

 

L’ombre de mon âme
s’enfuit dans un couchant d’alphabets,
Brouillard de livres
Et de paroles.

L’ombre de mon âme!
J’ai atteint la ligne où cesse
La nostalgie,
Où se fige la goutte des larmes,
Albâtre de l’esprit.

(L’ombre de mon âme!)

Le flocon de la peine
S’efface,
Mais en moi demeure, substance et motif,
Un ancien midi de lèvres,
Un ancien midi
De regards.

Un trouble labyrinthe
D’étoiles obscurcies
S’enlace à mes regrets
Presque fanés.

L’ombre de mon âme!

Une hallucination
Aspire mes regards.
Je vois le mot amour
Qui se délabre.

Rossignol!
Mon rossignol!
Chantes-tu toujours?

(Federico Garcia Lorca)

Illustration: Bogdan Prystrom

 

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L’oiseau magique (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024



Illustration: Bruno Feitussi
    
L’oiseau magique

Un oiseau dans l’été sur la branche a chanté.
il a joué tout le jour sa palpitante extase.
Pour l’écouter chanter ses merveilles j’ai fait halte
Pour saisir les ombres scintillantes de la branche.
Ah! l’oiseau magique dont j’ai tant aimé la voix !
C’est fini, il ne chantera plus au midi.
Faiblement j’ai perçu l’ultime bruissement d’aile,
Ultime note de ce chant que j’aimais tant.
Mais là-bas où croît le coquelicot de feu
Plus doux que le sommeil sur le sein de la nuit
Il est un chant d’oiseaux qui jamais ne s’envolent,
Tout là-bas où croît le coquelicot de feu.

***

Ah! Magic Bird

In summertime a bird sang on the bough.
His fluty throat throbbed rapture all day long.
I stopped to listen to his wondrous song
And catch the glinting shadows of the bough.
Ah! magic bird whose voice I loved so well!
No longer in the noontide will he sing.
I heard the last faint flutter of his wing,
The last note of the song I loved so well.
But yonder where the flaming poppies grow,
More soft than sleep upon the breast of night
Is song of birds that never take their flight
Yonder in fields where flaming poppies grow.

(Kate Chopin)

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

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Ah, ces cloches du dimanche (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024




    
Ah, ces cloches du dimanche,
nous les avons trop écouté ensemble.
Amiens

Puissante mémoire, impossible réveil
aux plages de l’oubli

soif inapaisable, insomnieux sommeil
entre silence et gris

peur de raviver le visage immortel
d’un dieu déjà péri

désir de guérir ses brûlures du ciel
en refusant midi

volonté de courir au bout du tunnel
mais vers un jour pâli

ombre sans nom où s’enlise le soleil
et qui n’est pas la nuit

en toi je veille
et fuis.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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J’ai découvert l’essentielle beauté (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 29 janvier 2024



    

J’ai découvert l’essentielle beauté de cette ville,
la nuit, sous les projecteurs.
Avila.

Le soleil à midi
te fait belle partout
mais l’homme dans la nuit
a su t’embellir où
respire la merveille
de la chair qu’illumine
aux plus profondes mines
le tendresse de l’œil.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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J’ai vu la vie (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024




    
J’ai vu la vie
éblouissante et nue
dans l’embrasement des midis
dont je n’étais pas le maître

Je l’ai mieux vue
par la grâce d’une allumette
comme un visage ébloui
dans la nuit

(Robert Mallet)

 

Recueil: Cette plume qui tournoie
Editions: Gallimard

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CHANSON DES SEPT JOURS (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2024



    

CHANSON DES SEPT JOURS

Dimanche, ayant l’eau passée,
Suis entrée après midi
Dans le coeur et la pensée
Du roi qui m’a l’amour dit.

Ah ! Dieu! comme il m’a bercée
En son doux coeur du lundi!
Mais dans son coeur du mardi
Son amour s’est renversée.

Dans son coeur du mercredi,
Une autre m’a remplacée.
J’ai, de son coeur du jeudi,
Trouvé la porte glacée.

En vain, comme trépassée
Dont le pas est peu hardi,
Je reviens, toujours chassée,
A son coeur du vendredi.

Dans son coeur du samedi
Le vent m’a toute effacée…
Jamais ne serai placée
En son coeur du Paradis.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les chants de la Merci suivi de Chants des Quatre-Temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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