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PRIÈRE DU POÈTE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023



Illustration: Neila Ben Ayed
    
PRIÈRE DU POÈTE

Mon Dieu qui donnes l’eau tous les jours à la source,
Et la source coule, et la source fuit ;
Des espaces au vent pour qu’il prenne sa course,
Et le vent galope à travers la nuit ;

Donne de quoi rêver à moi dont l’esprit erre
Du songe de l’aube au songe du soir
Et qui sans fin écoute en moi parler la terre
Avec le ciel rose, avec le ciel noir.

Donne de quoi chanter à moi pauvre poète
Pour les gens pressés qui vont, viennent, vont
Et qui n’ont pas le temps d’entendre dans leur tête
Les airs que la vie et la mort y font.

L’herbe qui croît, le son inquiet de la route,
L’oiseau, le vent m’apprennent mon métier,
Mais en vain je les suis, en vain je les écoute,
Je ne le sais pas encor tout entier.

J’ai vu quelqu’un passer, un fantôme, homme ou femme…
Mon cœur appelait sur la fin du jour…
Les rossignols des bois sont entrés dans mon âme.
Et j’ai su chanter des chansons d’amour.

J’ai vu quelqu’un passer, s’approcher, disparaître ;
Et les chiens plaintifs qui rôdent le soir
Ont hurlé dans mon cœur à la mort de leur maître.
J’ai su depuis chanter le désespoir.

J’ai vu les morts passer et s’en aller en terre,
Leur glas au cou, lamentable troupeau,
Et leurs yeux dans mes yeux ont fixé leur mystère.
J’ai su depuis la chanson du tombeau…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais si tu veux mon Dieu que pour d’autres je dise
La chanson du bonheur, la plus belle chanson,
Comment ferai-je moi qui ne l’ai pas apprise ?
Je n’en inventerai que la contrefaçon.

Donne-moi du bonheur, s’il faut que je le chante,
De quoi juste entrevoir ce que chacun en sait,
Juste de quoi rendre ma voix assez touchante,
Rien qu’un peu, presque rien, pour savoir ce que c’est.

Un peu — si peu — ce qui demeure d’or en poudre
Ou de fleur de farine au bout du petit doigt,
Rien, pas même de quoi remplir mon dé à coudre…
Pourtant de quoi remplir le monde par surcroît.

Car pour moi qui n’en ai jamais eu l’habitude,

[…]

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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LA COULEUR DE MES LARMES (Jérôme Bories-Azeau)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023




    
LA COULEUR DE MES LARMES

Je pleure des larmes sèches à mon coeur qui se meurt.
Ces flammes qui me lèchent ont du sang la saveur.
Je ne sais ce qui pêche et il n’est point de leurre.
La nuit me paraît fraîche, j’ai des envies d’ailleurs.

Je pleure des larmes noires en mon coeur évanoui.
Drapé dans mon peignoir, je cherche en vain l’oubli.
Les souvenirs, ce soir, me poussent á l’insomnie.
Je n’ai plus mal à boire face aux maux de la vie.

Je pleure des larmes vaines au son de mes douleurs.
Entravé par ces chaînes, j’ai le mal des fleurs.
Ce manque que je traîne atténue leurs couleurs.
Elle a quitté ma scène, engendrant la tumeur.

Je pleure des larmes grises aux sentiments passés.
Ces flammes qui attisent amertume et regrets.
Cet amour infini que je n’ai embrassé
Qu’au début de ma vie et qui s’est envolé.

Je pleure des larmes chaudes comme ses câlins,
Ses regards d’affection, ses sourires, nos matins.
Sa lune a disparu, elle était de satin.
Évanouie sa clarté, interrupteur éteint.

Je pleure des larmes blanches au vide immaculé.
Ces flammes sont des lames aux dents trop aiguisées.
Ce désert de tendresse à jamais irrigué
Des sanglots de l’amour qu’on n’a pu se donner.

(Jérôme Bories-Azeau)

Recueil: Anthologie poétique 2019 volume 2
Editions: Flammes Vives

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FADAISES (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 19 mai 2023



    

FADAISES

Daignez souffrir qu’à vos genoux, Madame
Mon pauvre coeur vous explique sa flamme

Je vous adore autant et plus que Dieu,
Et rien jamais n’éteindra ce beau feu.

Votre regard, profond et rempli d’ombre,
Me fait joyeux, s’il brille, et sinon, sombre

Quand vous passez, je baise le chemin,
Et vous tenez mon coeur dans votre main

Seule, en son nid, pleure la tourterelle.
Las, je suis seul et je pleure comme elle.

L’aube, au matin ressuscite les fleurs,
Et votre vue apaise les douleurs.

Disparaissez, toute floraison cesse,
Et, loin de vous, s’établit la tristesse.

Apparaissez, la verdure et les fleurs
Aux prés, aux bois, diaprent leurs couleur

Si vous voulez, Madame et bien-aimée,
Si tu voulais, sous la verte ramée,

Nous en aller, bras dessus, bras dessous,
Dieu! Quels baisers! Et quels propos de fous!

Mais non! Toujours vous vous montrez revêche
Et cependant je brûle et me dessèche,

Et le désir me talonne et me mord,
Car je vous aime, ô Madame la Mort!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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J’aime imaginer (Julien Baer)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023



Illustration: Guy Borremans
    
J’aime imaginer

Quand tes dix doigts d’un geste lent effleurent la soie
Ou se dessinent
Tes seins que tu frôles à présent d’un air absent
Qui me fascine

Un miroir où tu te vois naître et disparaître
Qui te résume
Allongée sur le lit défait, les draps froissés
Tu te consumes

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Laisse aux passants aux autres gens quelques indices
Pour qu’ils espèrent
Je n’ai besoin de presque rien pour dans le noir
Voir la lumière

Et s’ils veulent savoir où tu vis, ce que tu dis
A quoi tu penses
Il me suffit de t’inventer et en un éclair
Tout recommence

Oui j’aime m’abandonner
J’aime imaginer

Je vois souvent ce qui n’est pas, ce qui s’esquisse
Encore à peine
Je vois du sang sur le mur blanc et même libre
Je vois mes chaînes

Et si tu pars vers d’autres quais, d’autres idées
Une autre histoire
Pour moi tu n’as jamais vraiment, même un instant
Quitté la gare.

(Julien Baer)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Nul ne guérit de son enfance (Jean Ferrat)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023




    
Nul ne guérit de son enfance

Sans que je puisse m’en défaire
Le temps met ses jambes à mon cou
Le temps qui part en marche arrière me fait sauter sur ses genoux
Mes parents, l’été, les vacances, mes frères et sœurs faisant les fous
J’ai dans la bouche l’innocence des confitures du mois d’août

Nul ne guérit de son enfance, de son enfance
Nul ne guérit de son enfance, de son enfance

Les napperons et les ombrelles qu’on ouvrait à l’heure du thé
Pour rafraichir les demoiselles roses dans leurs robes d’été
Et moi le nez dans leurs dentelles, je respirais à contre-jour
Dans le parfum des mirabelles, l’odeur troublante de l’amour

Nul ne guérit de son enfance, de son enfance
Nul ne guérit de son enfance, de son enfance

Le vent violent de l’histoire allait disperser à vau-l’eau
Notre jeunesse dérisoire, changer nos rires en sanglots
Amour orange amour amer, l’image d’un père évanoui
Qui disparut avec la guerre, renaît d’une force inouie

Nul ne guérit de son enfance, de son enfance
Nul ne guérit de son enfance, de son enfance

Celui qui vient à disparaître, pourquoi l’a-t-on quitté des yeux ?
On fait un signe à la fenêtre sans savoir que c’est un adieu
Chacun de nous a son histoire et dans notre cœur à l’affût
Le va-et-vient de la mémoire ouvre et déchire ce qu’il fût

Nul ne guérit de son enfance, de son enfance
Nul ne guérit de son enfance, de son enfance

Belle cruelle et tendre enfance, aujourd’hui c’est à tes genoux
Que j’en retrouve l’innocence au fil du temps qui se dénoue
Ouvre tes bras, ouvre ton âme, que j’en savoure en toi le goût
Mon amour frais, mon amour femme
Le bonheur d’être et le temps doux

Pour me guérir de mon enfance, de mon enfance
Pour me guérir de mon enfance, de mon enfance.

(Jean Ferrat)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Ma vie, ma vie (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2023




    
Ma vie, ma vie, ma très ancienne
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé
Il a fallu que tu reviennes

Il a fallu que je connaisse
Ce que la vie a de. meilleur,
Quand deux corps jouent de leur bonheur
Et sans fin s’unissent et renaissent.

Entré en dépendance entière
Je sais le tremblement de l’être
L’hésitation à disparaître
Le soleil qui frappe en lisière

Et l’amour, où tout est facile,
Où tout est donné dans l’instant
Il existe, au milieu du temps,
La possibilité d’une île.

(Michel Houellebecq)

Recueil: Non réconcilié
Editions: Gallimard

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Tout doit disparaître (Pascale Senk)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2023



    

     

tout doit disparaître
écrit sur la vitrine
mes yeux s’attardent

(Pascale Senk)

Recueil: Un haïku chaque jour
Editions: Points

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Je suis ivre, je pleure et m’afflige (Miguel León-Portilla)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2023




    
Je suis ivre, je pleure et m’afflige,
je le crois, je le dis,
je le trouve en moi :
ô ne jamais mourir,
ne jamais disparaître, moi.
Là où il n’est pas de mort,
là où elle est vaincue,
là je veux aller.
O ne jamais mourir,
ne jamais disparaître, moi !

traduit du Nahuátl

(Miguel León-Portilla)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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FEMME DIURNE (Ulalume Gonzalez de Léon)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2023



Illustration: Maurice-Ambroise Ehlinger  
    
FEMME DIURNE

Toute la lumière est avec toi
ô reine des lampes
somme d’épisodes lumineux.
Tu t’es installée chez moi
et je suis née à nouveau dans la queue de la comète
Tu es ma première femme endormie
qui ne disparaît pas la nuit.
Tu es mon premier amour fulgurant.
Tu émets
une phosphorescence de vie qui veille.
Je m’éveille pour te regarder :
tu es pleine de fenêtres
toute meublée d’objets blancs
et ta confiance me fait honte.

(Ulalume Gonzalez de Léon)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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LE BAISER (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023



Illustration: Edvard Munch
    
LE BAISER

Deux lèvres brûlantes
contre les miennes
Le ciel et la terre
disparurent
Et deux yeux noirs
plongèrent
dans les miens

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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