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Poésie

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Je ne tiens pas dieu entre les mains (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Je ne tiens pas dieu entre les mains.
Je ne tiens pas l’homme non plus.
Mais je tiens une absence qui peut se convertir
en l’un ou l’autre des deux.

Et le problème n’est pas
de savoir choisir,
mais simplement de ne pas vouloir
que mon absence se transforme en aucun d’eux.

Nombreuses sont les présences qui doivent se dissoudre
pour faire une absence qui tienne entre les mains.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes? (Moon Chung-hee)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024




    
Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?

Cette fille travaillait bien à l’école
et excellait aussi dans ses activités personnelles
Sortie du lycée elle a réussi sans peine
au concours d’entrée à l’université mais où est-elle maintenant?

Fait-elle bouillir la soupe aux pommes de terre?
Après l’avoir préparée pendant trois heures avec l’os
s’exposant à la vapeur chaude devant la cuisinière à gaz
sera-t-elle heureuse le soir de regarder son mari
avaler de bon appétit cette soupe pendant quinze minutes?
Après avoir terminé la vaisselle aide-t-elle ses enfants à faire leurs devoirs?

Ou bien erre-t-elle encore dans la rue froide
à la recherche d’une embauche dans une société?
Dans un gymnase où l’on élit les candidats d’un parti politique
vêtue d’un hanbok les décore-t-elle de rubans?
Leur offre-t-elle des bouquets de fleurs?
Embauchée par bonheur, assise dans un coin d’un grand bureau
elle répondra aimablement au téléphone et servira quelquefois le thé
Est-elle devenue femme d’un médecin, femme d’un professeur ou bien infirmière?
Peut-être apprend-elle à chanter dans un centre culturel d’où elle part à la hâte avant que son mari rentre le soir

Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?
Dans cette forêt de hauts buildings, ne devenant ni députées ni ministres ni médecins
ni professeures ni femmes d’affaires ni cadres d’une Société
rejetées de-ci de-là comme un gland tombé dans le repas du chien
errent-elles encore sans pouvoir se faire valoir?
Sans pouvoir prendre part au monde grand et large
sont-elles confinées dans la cuisine et la chambre?

Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?

(Moon Chung-hee)
Recueil: Celle qui mangeait le riz froid

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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Viens, je vais te montrer où est ta mère (Edith Bruck)

Posted by arbrealettres sur 6 février 2024




    
– Viens, je vais te montrer où est ta mère !
Je sautais à terre et je la suivis en courant à l’extérieur, jusque devant l’entrée de la baraque.
– Tu vois cette fumée ? me demanda-t-elle en m’indiquant un endroit au-delà des nombreux blocs.
– Oui.
– Tu sens cette puanteur de chair humaine ?
– Mais…
– Ta mère était grosse ?
– Un peu…
– Alors elle est devenue du savon comme la mienne !

(Edith Bruck)

Recueil: Le pain perdu
Editions: Points

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Ô Don Quichotte (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 24 janvier 2024



Illustration: Pablo Picasso
    
Ô Don Quichotte, vieux paladin, grand Bohème,
En vain la foule absurde et vile rit de toi :
Ta mort fut un martyre et ta vie un poème,
Et les moulins à vent avaient tort, ô mon roi !

Va toujours, va toujours, protégé par ta foi,
Monté sur ton coursier fantastique que j’aime.
Glaneur sublime, va ! ― les oublis de la loi
Sont plus nombreux, plus grands qu’au temps jadis lui-même.

Hurrah ! nous te suivons, nous, les poètes saints
Aux cheveux de folie et de verveine ceints.
Conduis-nous à l’assaut des hautes fantaisies,

Et bientôt, en dépit de toute trahison,
Flottera l’étendard ailé des Poésies
Sur le crâne chenu de l’inepte raison !

(Paul Verlaine)

 

Recueil: Premiers Vers
Editions:

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DUREE (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2024



Illustration: Olivier Messas
    
DUREE

I
Noir le ciel
Jaune la terre
Le coq déchire la nuit
L’eau se lève et demande l’heure
Le vent se lève et te demande
Passe un cheval blanc

II
Comme le bois dans son lit de feuilles
tu dors dans ton lit de pluie
chantes dans ton lit de vent
embrasses dans ton lit d’étincelles

III
Odeur véhémence multiple
corps aux nombreuses mains
Sur une tige invisible
une seule blancheur

IV
Parle écoute réponds-moi
ce que dit le tonnerre
la forêt le comprend

V
J’entre par tes yeux
par ma bouche tu sors
Tu dors dans mon sang
sur ton front je m’éveille

VI
Je te parlerai un langage de pierre
(tu réponds avec un monosyllabe vert)
Je te parlerai un langage de neige
(tu réponds avec un éventail d’abeilles)
Je te parlerai un langage d’eau
(tu réponds avec une pirogue d’éclairs)
Je te parlerai un langage de sang
(tu réponds avec une tour d’oiseaux)

(Octavio Paz)

 

Recueil: Le feu de chaque jour précédé de Mise au net et D’un mot à l’autre
Traduction: Claude Esteban – Roger Cailloix – Jean-Claude Masson
Editions:

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LES VACHES (Pierre Vinclair)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2024




    
LES VACHES NE sont pas des animaux sauvages;
les taches, assez nombreuses sur la peau posée près de la cheminée
font un planisphère inutile pour s’orienter où que ce soit ;
elles ne portent non plus de microcosme en boucle d’oreille fractale,
sont peu crédibles en déesses à bouses purifiantes,
meuglant leur « mâ » d’amour à la terre-mère commune,
comme on dit; nous ne libérerons jamais les vaches.

(Pierre Vinclair)

Recueil: La Sauvagerie
Editions: Biophilia

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ÉCRIRE DESSINER INSCRIRE (I) (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023




    
ÉCRIRE DESSINER INSCRIRE (I)

Sept fois la réalité
Sept fois sept fois la vérité.

I

Nous étions deux et nous venions de vivre
Une journée d’amour ensoleillé
Notre soleil nous l’embrassions ensemble
La vie entière nous était visible
Quand la nuit vint nous restâmes sans ombre
À polir l’or de notre sang commun
Nous étions deux au cœur du seul trésor
Dont la lumière ne s’endort jamais.

*

Le brouillard mêle sa lumière
À la verdure des ténèbres
Toi tu mêles ta chair tiède
À mes désirs acharnés

*

Tu te couvres tu t’éclaires
Tu t’endors et tu t’éveilles
Au long des saisons fidèles

Tu bâtis une maison
Et ton cœur la mûrit
Comme un lit comme un fruit

Et ton corps s’y réfugie
Et tes rêves s’y prolongent
C’est la maison des jours tendres

Et des baisers de la nuit.

*

Les flots de la rivière
La croissance du ciel
Le vent la feuille et l’aile
Le regard la parole
Et le fait que je t’aime
Tout est en mouvement.

*

Une bonne nouvelle
Arrive ce matin
Tu as rêvé de moi.

*

Je voudrais associer notre amour solitaire
Aux lieux les plus peuplés du monde
Qu’il puisse laisser de la place
À ceux qui s’aiment comme nous
Ils sont nombreux ils sont trop peu.

*

Je m’en prends à mon cœur je m’en prends à mon corps
Mais je ne fais pas mal à celle que j’adore.

(Paul Eluard)

Recueil: Eluard amoureux
Editions: Bruno Doucey

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J’ai préféré à tout (Marina Tsvetaeva)

Posted by arbrealettres sur 1 octobre 2023




    
J’ai préféré à tout
L’air tendre du jardin
Dans le monastère,
Là où vivent nonnes et veuves.

— Et nonne, et mère,
En disgrâce volontaire
Je découvre la grâce :
Silence et tristesse.

Grâce du métier,
Charme de bases solides,
C’est pourquoi je préfère
L’air tendre du jardin.

En une année inconnue
S’étendra droite et sévère,
Dans le jardin du monastère
La Dame de nombreux chevaliers,

Car au trésor du roi
Et aux yeux de Casanova,
A tout j’ai préféré
L’air tendre du jardin !

(Marina Tsvetaeva)

Recueil: Poèmes de Russie (1912-1920) suivi de La Porte arrachée par Marina
Traduction: Véronique Lossky & Georges Nivat
Editions: Des Syrthes

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Quand la source du ruisseau s’éblouit (Jaufré Rudel)

Posted by arbrealettres sur 20 septembre 2023




    
Quand la source du ruisseau
S’éblouit de soleil neuf
Quand naît la fleur d’églantier
Quand au bois le rossignol
Module, affine, répète
Sa chanson qu’il veut parfaite,
Je reprends le mien refrain.

Amour de terre lointaine
Pour vous j’ai le coeur dolent.
À mon mal point de remède
Si l’amie tant désirée
Par attrait, par soif d’union,
Ne m’appelle à l’unisson
En chambre close ou verger.

Si mon coeur reste impuissant
Puis-je m’étonner qu’il brûle ?
Dieu n’a pas voulu qu’on vît
Jamais plus belle chrétienne,
Ni Juive, ni Sarrasine !
Pour qui goûte à son amour
C’est festin tombé du ciel.

Éternelle soif du coeur !
À elle seule j’aspire.
Mais si me prend convoitise
Mon désir sera douleur
Car plus piquant que l’épine
(Allons, je ne m’en plains pas !)
Est ce mal que Joie guérit.

Sans lettre ni parchemin
J’envoie ces vers à chanter
En simple langue romane
À Uc le Brun, par Filhol,
Et que les gens du Poitou,
Berry, Guyenne et Bretagne
Aient plaisir à les ouïr.

Chanson

Quand les jours s’allongent en mai
Me plaît un chant d’oiseaux lointain
Et de ce doux lieu éloigné
Me revient un amour lointain.
Je vais pensif les yeux baissés,
Chant dans l’arbre et fleur d’églantier
Me sont comme gelée d’hiver.

J’ai foi en Dieu le Seigneur vrai.
Je verrai donc l’amour lointain.
Mais pour un bien qui m’en échoit
J’ai deux maux, tant il m’est lointain.
Si j’étais au loin pèlerin
Ses beaux yeux peut-être verraient
Mon bourdon et ma couverture !

Quel plaisir de lui demander,
Au nom de Dieu, abri lointain !
Et s’il lui plaît je logerai .
Tout près d’elle, moi le lointain.
Quels mots charmants nous nous dirons,
Et quelle paix nous en aurons,
Ami lointain si proche d’elle !

Triste et joyeux je quitterai
(si je la vois) l’amour lointain.
Je ne sais quand la reverrai,
Car nos pays sont trop lointains.
Si nombreux sont chemins et routes !
Comment savoir ce qui viendra ?
Qu’il en soit comme Dieu voudra !

Jamais d’amour ne jouirai
Si je n’ai cet amour lointain.
Je n’en sais plus doux ni meilleur,
D’aucune part, proche ou lointain.
Son mérite est d’un si grand prix
Que je voudrais me trouver pris
Au loin en terre sarrasine.

Dieu qui fit toutes choses vives
Et créa cet amour lointain
Qu’Il veuille ce que veut mon coeur
Voir un jour cet amour lointain
En vérité, où que ce soit
Moindre chambre ou moindre jardin
Me seraient toujours un palais !

Quelqu’un m’appelle et c’est bien vrai
L’homme au désir d’amour lointain
Car nulle autre joie ne me plaît
Comme jouir d’amour lointain
Mais mon désir m’est ennemi
Mon parrain me l’avait promis
Je suis amant sans être aimé

Mais mon désir m’est ennemi
Que maudit soit qui a voué
Mon coeur à n’être point aimé !

(Jaufré Rudel)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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Nous sommes les rossignols (Zatî)

Posted by arbrealettres sur 6 avril 2023



    

Nous sommes les rossignols du plus haut des cieux,
notre roseraie est un clos d’amis

Nous sommes les amoureux au coeur épris,
notre vigueur est souffrance.

Sur l’arène du Seigneur chacun de nous est une noctuelle
Devant le soleil de la Face, toujours nous menons notre ronde.

Le dévot nous croit fous, nous croit pleins de révolte
Nous sommes libres de pure liberté, nos ruines sont florissantes.

Nous venons de nulle part, nous venons d’une grande souche
Au delà de la voûte céleste, au delà du trône nous mènent nos pas.

Le secret de la confiance est en nous, en nous l’éclat de la volonté
La grâce du bonheur est en nous, nombreux sont nos titres.

Qui n’est pas le vrai Salomon, qui ne connaît pas le langage des oiseaux
Celui-là est un indifférent, ô Zatî ! Il ne connaît pas notre savoir.

(Zatî)

Recueil: Poèmes des derviches anatoliens
Traduction: Guzine Dino,Michèle Aquien,Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana

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