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Tu me plais quand tu te tais (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 27 avril 2024



Illustration: Leslie Adams
    
Tu me plais quand tu te tais car tu es comme absente,
et tu m’entends de loin, et ma voix point ne te touche.
On dirait que tes yeux se seraient envolés
et on dirait qu’un baiser t’aurait scellé la bouche.

Comme toutes les choses sont emplies de mon âme
tu émerges des choses, de toute mon âme emplie.
Papillon de songe, tu ressembles à mon âme,
et tu ressembles au mot mélancolie.

Tu me plais quand tu te tais et sembles distante.
Et tu sembles gémir, papillon dans la berceuse.
Et tu m’entends de loin, et ma voix ne t’atteint pas :
laisse-moi me taire avec ton silence.

Laisse-moi aussi te parler avec ton silence.
clair comme une lampe, simple comme un anneau.
Tu es comme la nuit, muette et constellée.
Ton silence est d’étoile, si lointain et simple.

Tu me plais quand tu te tais car tu es comme absente.
Distante et endolorie comme si tu étais morte.
Un mot alors, un sourire suffisent.
Et la joie que ce ne soit pas vrai, la joie m’emporte.

***

Me gustas cuando callas porque estás como ausente,
y me oyes desde lejos, y mi voz no te toca.
Parece que los ojos se te hubieran volado
y parece que un beso te cerrara la boca.

Como todas las cosas están llenas de mi alma
emerges de las cosas, llena del alma mía.
Mariposa de sueño, te pareces a mi alma,
y te pareces a la palabra melancolía.

Me gustas cuando callas y estás como distante.
Y estás como quejándote, mariposa en arrullo.
Y me oyes desde lejos, y mi voz no te alcanza :
Déjame que me calle con el silencio tuyo.

Déjame que te hable también con tu silencio
claro como una lámpara, simple como un anillo.
Eres como la noche, callada y constelada.
Tu silencio es de estrella, tan lejano y sencillo.

Me gustas cuando callas porque estás como ausente.
Distante y dolorosa como si hubieras muerto.
Una palabra entonces, una sonrisa bastan.
Y estoy alegre, alegre de que no sea cierto.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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Penché dans les soirs (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024




    
Penché dans les soirs
je jette mes tristes filets
à tes yeux océaniques.

Là s’étire et flambe
dans le plus haut brasier ma solitude
qui tourne les bras comme un naufragé.

Je fais de rouges signaux sur tes yeux absents
qui palpitent comme la mer au pied d’un phare.

Tu ne retiens que ténèbres,
femme distante et mienne,

de ton regard émerge parfois
la côte de l’effroi.

Penché dans les soirs
je tends mes tristes filets
à cette mer qui bat tes yeux océaniques.

Les oiseaux nocturnes picorent
les premières étoiles
qui scintillent comme mon âme
quand je t’aime.

La nuit galope sur sa sombre jument
répandant des épis bleus sur la campagne.

***

Inclinado en las tardes tiro mis tristes redes a tus ojos oceánicos.

Allí se estira y arde en la más alta hoguera mi soledad que da vueltas los brazos como un náufrago.

Hago rojas señales sobre tus ojos ausentes que olean como el mar a la orilla de un faro.

Sólo guardas tinieblas, hembra distante y mía, de tu mirada emerge a veces la costa del espanto.

Inclinado en las tardes echo mis tristes redes a ese mar que sacude tus ojos oceánicos.

Los pájaros nocturnos picotean las primeras estrellas que centellean como mi alma cuando te amo.

Galopa la noche en su yegua sombría desparramando espigas azules sobre el campo.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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La densité de ce qui n’est pas (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024




    
La densité de ce qui n’est pas,
la force de ce qu’on n’a pas,
agite de remous l’eau de la vie
et crée un bruit de fond
pour tous les gestes.

Jusqu’au tissu serré de la mort
comporte un pâle fil
où la trame cède et s’allège
parce que la mort lui manque.

Et jusqu’à ce qui jamais n’a vécu
et jamais ne mourra

émerge dans la faille d’une absence
qui lui prête son corps.

La pierre du non-être,
la sûre condition négative,
la pression du néant,
est l’ultime appui qui nous reste.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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EXIL DE LA MÉMOIRE (Joy Harjo)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2024




    

EXIL DE LA MÉMOIRE

Ne revenez pas,
Nous a avertis un qui sait des choses,
Vous ne ferez que déranger les morts.
Ils émergeront de la spirale de petites maisons
Alignées dans les sillons de moelle
Et parcourront la terre.
Il n’y aura pas de place dans la mémoire
Pour ce qu’ils voient
Les routes, les maisons, les magasins d’intrus
Plantés sur les prairies de sang
Où les morts se tinrent pour la dernière fois.
Et puis quoi, vous, avec vos mots
De la langue de l’ennemi,
Savez-vous tracer une route paisible
Dans la mémoire humaine ?
Et les fantômes enragés de l’histoire ?
Et puis quoi ?
[…]
Ne regardez pas en arrière.
Au catéchisme on nous a dit que la femme de Loth
Regarda en arrière et fut changée
En sel.
Sauf que sa famille ne quittait pas le Paradis.
Nous aimions nos arbres et nos eaux
Et les créatures et les terres et les cieux
De ce lieu adoré.
Ces êtres étaient nos compagnons
Alors même qu’ils nous nourrissaient,
nous protégeaient.
Si je suis changée en sel
Ce sera à cause des larmes pétrifiées
Dans les empreintes des miens
Lorsqu’ils marchaient vers l’ouest.

***

EXILE OF MEMORY

Do not return,
We were warned by one who knows things
You will only upset the dead.
They will emerge from the spiral of little houses
Lined up in the furrows of marrow
And walk the land.
There will be no place in memory
For what they see
The highways, the houses, the stores of interlopers
Perched over the blood fields
Where the dead last stood.
And then what, you with your words
In the enemy’s language,
Do you know how to make a peaceful road
Through human memory?
And what of angry ghosts of history?
Then what?
[…]
Don’t look back.
In Sunday school we were told Lot’s wife
Looked back and turned
To salt.
But her family wasn’t leaving Paradise.
We loved our trees and waters
And the creatures and earths and skies
In that beloved place.
Those beings were our companions
Even as they fed us, cared for us.
If I turn to salt
It will be of petrified tears
From the footsteps of my relatives
As they walked west.

(Joy Harjo)

Recueil: L’aube américaine
Traduction: de l’anglais (Etats Unis) par Héloïse Esquié
Editions: Globe

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S’éveiller (Bob Mwangi Kihara)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024



Illustration: Erin Hanson
    
S’éveiller

Réveille-toi, empire du soleil,
il vaut mieux chercher la connaissance que se battre.
Il vaut mieux être respectable que sans honneur.
Tu fais mieux d’être généreux que cupide.

Sois sage et courageux pour te libérer
des chaînes de l’ignorance et de la haine,
émerge de la somnolence de violence.
Sache quand atténuer la misère par la générosité.

Pour être libre, cherche la sagesse de principes anciens,
et scrute également tes langues ancestrales
car alors tu réaliseras qui tu es vraiment,
et quel sentier raisonnable il te convient de suivre.

Le sentier qui conduit vers une abondance de sagesse et de mérites.
Le sentier qui conduit vers des richesses honnêtes
parées du succès de la moralité.

(Bob Mwangi Kihara)

Kenia

Traduction Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache

Recueil: ITHACA 780
Editions: POINT
Site: http://www.point-editions.com/en/

FRIENDS ITHACA
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SOIF (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



    

SOIF

I
Le jour où un semeur invisible arracha
les racines des fourmilières
avec tout le blé caché dedans
et les jeta dans le ciel,
le disque du soleil ternit
et je compris soudain
que je n’étais plus la fille de personne.

L’absence a la capacité
de dilater les espaces orphelins,
de soulever les plafonds,
d’élargir les escaliers.
La maison où je suis née grandit,
et je ne sais que faire
avec ce vide.

Et pendant que je reste sur le seuil
un cadenas dans la main
pareille à une étrangère
qui ne se souvient pas
des mots d’adieu,
un rayon de soleil se faufile tel un voleur
parmi les orties au fond du jardin
et dépose une clé brûlante
sur la carcasse de la tortue :
la nouvelle hôtesse de la maison.

II
Une autre saison est venue,
le disque du soleil a émergé
vert par les blés drus.
Il a mûri longtemps
et quand il est devenu pain rituel
au-dessus de la colline
les invités se sont assis
autour de la table sous la treille.

Soudain un tourbillon est descendu,
a soulevé la nappe
et renversé les verres
jusqu’à la dernière goutte.
La fiancée de Dieu est revenue,
a dit quelqu’un tout bas,
et elle a très soif.
Ou bien elle cherche son trousseau,
a ajouté un autre
qui fait vite le signe de la croix
en montrant la table nue.

Et puis le calme.

Seule la poule, ayant pondu un œuf d’or,
a caqueté longtemps dans l’après-midi figé.
Un souffle chaud a remué
les fleurs du fenouil,
une charrette vide
a résonné dans la rue.
Et tout était comme jadis,
avant que maman soit devenue
une hirondelle.

Si ce n’était les fourmilières
dans mes yeux
qui continuent à prendre racine
dans une direction inverse
de celle des larmes.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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Ceux de l’espoir (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023



Illustration: Annagol
    
Ceux de l’espoir

Attisés par le chant
Ils échappent à l’aimantation
Des sols et des couteaux

Émergeant des abris taciturnes
Ils apprivoisent l’horizon
Se libèrent des mots flétris
Quittent les ornières du soupçon

L’avenir cédant à l’espérance
Leur rêve engrènera le réel.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Dragon-fly (André Durand)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2023


libellule

J’émerge (étant venue à rencontrer mes yeux,
libellule – dragon-fly)
de mes pensées: que l’air est vif!
Mon panier à quelques pas l’agréera-t-elle
pour reposoir? Donc tout
s’efface, rien n’importe et
je ne crois pas: me voici seul
l’Esprit au centre du monde, le dieu
aveugle.

(André Durand)

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La rose (Christina Rossetti)

Posted by arbrealettres sur 24 novembre 2023



Illustration: Salvador Dali
    
La rose

Le lys repose sur une douce tige
Qui jamais ne blessera ta main
Mais la rose, de ses ronces,
Émerge et règne sur le monde

Il y a de la suavité dans un pommier
Du bienfait dans le blé
Mais la reine de toutes les beautés
Est la rose sur ses épines

Quand, dans la mousse et le miel
Elle tend sa tige
Et déploie ses pétales lumineux
Elle embrase le monde.

(Christina Rossetti)

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DORMANTE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 22 septembre 2023



Illustration: Pierre Brault
    
DORMANTE

Toi ma dormeuse mon ombreuse ma rêveuse
ma gisante aux pieds nus sur le sable mouillé
toi ma songeuse mon heureuse ma nageuse
ma lointaine aux yeux clos mon sommeillant œillet

distraite comme nuage et fraîche comme pluie
trompeuse comme l’eau légère comme vent
toi ma berceuse mon souci mon jour ma nuit
toi que j’attends toi qui te perds et me surprends

la vague en chuchotant glisse dans ton sommeil
te flaire et vient lécher tes jambes étonnées
ton corps abandonné respire le soleil
couleur de tes cheveux ruisselants et dénoués

Mon oublieuse ma paresseuse ma dormeuse
toi qui me trompes avec le vent avec la mer
avec le sable et le matin ma capricieuse
ma brûlante aux bras frais mon étoile légère

je t’attends je t’attends je guette ton retour
et le premier regard où je vois émerger
Eurydice aux pieds nus à la clarté du jour
dans cette enfant qui dort sur la plage allongée.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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